Par M. Dumas
Texte tiré de: http://laquestionduquebec.blogspot.com/
Dans un esprit cosmopolite, j’entrevois pour le Québec un rôle
significatif dans la conduite future des nations minorisées qui depuis
longtemps ont flirté, non sans obstacles, avec l’idée de ‘gagner’ à la mode
ancienne des luttes d’affirmation nationale (e.g., les nations occupant la
Catalogne, le Pays Basque, le Kashmire, l'Ecosse et le Tamil Nadu, entre
autres candidates potentielles). Pour la première fois en Occident, un
peuple minorisé saurait-il officiellement renoncer conditionnellement à
redéfinir la carte géopolitique, en considération des attentes aussi
légitimes d’une nation majoritaire assagie, non violemment oppressive par
devers ses minorités? Dans un nouvel esprit mondial, les effets multiples
de la division territoriale, politique et symbolique d’une nation
majoritaire pacifique, sur cette même nation, sauraient-ils être étudiés
avec autant de sérieux que les ressorts de cette division ? Il s’agirait en
définitive de rompre avec la dialectique ancienne et d’insuffler une pensée
solidaire dans la gestion des affaires internationales, en maintenant ferme
le gouvernail de la paix dans la mise en valeur des différences
culturelles. René Levesque avait-il envisagé tous les moyens pacifiques
d’affirmation politique avant de déclarer – je le cite approximativement –
que ‘le Québec se passerait du reste du Canada plus aisément que celui-ci
ne se passerait du Québec’. Sans grands doutes avait-il raison, pour des
motifs non économiques, mais cette pensée de lui s’articule mal avec le
nouvel esprit dont le Québec pourrait colorer l’ordre international.
Pourrait-on ainsi envisager l’établissement d’un Parlement mondial
réunissant des représentants du Québec, de la Catalogne, du Pays Basque, de
la Corse, des Premières Nations, de l’Ecosse, entre autres nations) avec la
promotion et la reconnaissance pacifique de la diversité culturelle au
premier ordre du jour. Des politiques d’éducation, d’immigration et de
recherches comparées, des programmes de promotion et d’échanges culturels,
des salons littéraires, des forums internationaux de discussion, seraient
au nombre des plans à envisager, dans un esprit de dialogue avec les
instances internationales existantes.
Le Parlement des nations minorisées (faudrait-il sans doute lui donner un nom plus convenable – le ‘Conseil des Nations Libres’ ?) disposerait d’une base permanente ou plurielle et rotative, au choix de représentants réunis en conseil constitutionnel. Sa composition ainsi que les règles de son
fonctionnement régulier et exceptionnel seraient déterminées à la lumière
de principes généraux reconnus au sein d’un texte fondateur original. Son
établissement dépendra de la volonté politique exprimée via une première
communauté de partis avisés. Ceux du Québec en seront-ils les pionniers ?
Ce Parlement indépendant répondrait non seulement à des besoins légitimes
de sauvegardes culturelles, mais offrirait par ailleurs aux autres nations
une leçon de sagesse et de solidarité que l’Histoire cette fois aurait du
mal à ignorer. A Katmandou, Népal, où ce projet parlementaire suscite
l’intérêt de politiciens tibétains en exil, victimes de l’oppression
gouvernementale chinoise, l’on peut mieux apprécier la portée de la
‘victoire’ (!?) québécoise. De même qu’en Inde, par contraste, où la
‘normalité des choses’ veut qu’on reconnaisse dix-huit (18) langues
officielles. Unies, les nations minoritaires exerceraient en outre plus
solidement leurs pouvoirs locaux.
L’avocat du diable n’aura pas tort de souligner que la réalisation de ce
projet requiert la participation d’autres nations minorisées sur lesquelles
le Québec n’exerce aucun contrôle. Il ajoutera également que des Etats
indépendants indirectement intéressés, comme le Canada, ne conviendraient
pas de toutes les mesures de soutien idéales désirées par un Québec-leader
(dans un scénario plutôt optimiste) ou poseraient possiblement des
obstacles au projet parlementaire (dans l’alternative). Il faut en réponse
préciser que l’influence du Québec, dans l’établissement d’un parlement
mondial, sera proportionnelle à la qualité de son projet et à la conviction
qui l’animera, toutes mesures considérées. L’accord ou le désaccord
d’Ottawa, explicite ou implicite, vis-à-vis de cette création
internationale, se poserait d’une manière exemplairement décisive. Un
désaccord, ouvert ou couvert, serait le signe d’une véritable oppression à
l’endroit d’une nation minoritaire qui ne chercherait qu’à sauvegarder
pacifiquement, sur la scène internationale, sa différence dans le respect
de la construction identitaire canadienne. Un signe d’accord serait plus
sérieusement envisageable si l’on doit compter sur la légendaire
‘flexibilité’ des politiques anglo-saxonnes. On ne doit pas en douter : un
Canada obstructif ne ferait qu'encourager un recours complémentaire à
l’ancien réflexe, c’est-à-dire la quête plus traditionnelle de
l'affirmation politique québécoise. Ce qu’on appelle la bonne foi, dans les
relations canado-québécoises, en est essentiellement l’enjeu.
Dans l’édition du journal Le Devoir du 25 avril 2006, l’auteur Yves
Beauchemin affirme que « [s]i la liberté d'un peuple n'était pas une
condition fondamentale de son bonheur, est-ce que tant d'hommes et de
femmes tout au long de l'histoire auraient combattu pour elle ? ». La
question est centrale et plutôt bien posée. Elle est néanmoins suggestive :
qui se targuerait aujourd’hui de connaître les limites de ce que pourrait
être un Québec libre, dans le cœur de ce peuple valeureux ?
On célèbrera plus certainement, un beau jour d’hiver, la prose de Ducharme
à Bilbao et la poésie de Valluvar à Barcelone, quand il y ‘farà fred’ –
comme sur Gaspé… ou presque !
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --
Un Conseil des nations libres
Le Parlement des nations minorisées disposerait d’une base permanente ou plurielle et rotative, au choix de représentants réunis en conseil constitutionnel
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