L’Organisation internationale de la Francophonie, dont les dépenses ont suscité la controverse, met une voiture avec chauffeur à la disposition du mari de sa secrétaire générale, Michaëlle Jean, a appris notre Bureau d’enquête.
Interrogé à ce sujet, le chauffeur Laurent Demory a confirmé qu’il est un « salarié » de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) au service de Jean-Daniel Lafond.
« Je m’occupe de ses déplacements et je suis payé par l’OIF », a-t-il dit hier lors d’un entretien téléphonique.
Mme Jean a suscité la controverse au cours des derniers mois, notamment en raison des dépenses pour son appartement de fonction mis à sa disposition par l’OIF à Paris.
À l’occasion d’un passage à l’organisation la semaine dernière, le premier ministre Philippe Couillard a réclamé une gestion plus transparente à Mme Jean.
Des documents internes de l’OIF montrent que M. Demory fait partie d’une équipe de huit chauffeurs, dont un responsable et un remplaçant.
Ces mêmes documents indiquent que Mme Jean dispose d’un « chauffeur particulier », Ismaël Paraiso, qui est membre de son équipe rapprochée. Un ex-employé de l’OIF a confirmé que M. Paraiso est son chauffeur attitré.
Équipe de chauffeurs
Le cabinet de Mme Jean, secrétaire générale depuis 2015, compte trois autres chauffeurs, dont deux identifiés comme chauffeurs particuliers. Le troisième, M. Demory, est identifié seulement à titre de « chauffeur ».
Lorsque contacté par notre Bureau d’enquête, M. Demory a spontanément répondu « oui, exactement » à la question demandant s’il était le chauffeur de M. Lafond.
Interrogé sur l’ampleur de son rôle auprès de l’époux de Michaëlle Jean, M. Demory a ensuite nié qu’il était son chauffeur, pour ensuite invoquer son devoir de réserve.
L’OIF n’a pas donné suite à une demande d’entrevue sur le sujet.
M. Lafond n’exerce aucune fonction officielle à l’OIF. Il y a 10 jours, il a toutefois pris publiquement la défense d’une décision de son épouse au sujet d’une croisière organisée par l’organisation pour une centaine de jeunes.
Le budget de ce projet en cours a été estimé à 1 million $, mais le mari de Mme Jean a soutenu que seuls 445 000 $ ont été injectés.
Payé par le Sénégal
Lorsqu’Abdou Diouf était secrétaire général de l’OIF, de 2003 à 2014, son épouse disposait d’une voiture avec chauffeur.
Les coûts étaient payés par le Sénégal, dont il a été président de la République de 1981 à 2000, a-t-on appris.
Louis Bélanger, directeur des communications de la ministre canadienne de la Francophonie, a assuré que le gouvernement fédéral n’offre rien de tel à Mme Jean, ex-gouverneure générale du Canada.
NOMBREUSES CONTROVERSES
- L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) a dépensé un demi-million de dollars de fonds publics pour aménager la résidence officielle louée pour Michaëlle Jean à Paris
- Michaëlle Jean et son entourage ont dépensé 907 000 $ pour leurs déplacements en 2016, soit 40 % de plus que prévu
- Les coûts de déplacement de Mme Jean ont été camouflés dans les plus récents documents financiers de l’OIF
- L’OIF n’a amassé que 40 000 $ de fonds privés en décembre pour financer la participation de 100 jeunes francophones à une croisière dont le coût a été estimé à 1 million $
L’organisation ne répond plus aux appels
Cinq jours après la publication d’une lettre ouverte où elle se dit victime de « désinformation », l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) refuse toujours de répondre aux questions de notre Bureau d’enquête.
Le numéro 2, Adama Ouane, a exprimé son exaspération dans une lettre publiée samedi par le quotidien Le Soleil, à Québec.
Selon M. Ouane, des articles publiés en France et au Québec à propos des dépenses de Michaëlle Jean portent atteinte à sa réputation et à celle de l’OIF.
« Y en a marre », s’est-il exclamé, en qualifiant ces informations de « tendancieuses et diffamatoires ».
1 million $
M. Ouane a reconnu dans son texte qu’un projet de croisière pour 100 jeunes francophones a été estimé à 1 million $, comme l’avait révélé notre Bureau d’enquête. Il a affirmé qu’après une négociation à la baisse avec le propriétaire du navire, seule une subvention de 445 000 $ a été versée.
Aucun détail n’a été donné sur les frais déboursés ou non par l’OIF pour le transport, l’hébergement et les visas des participants ou encore les activités lors des escales prévues au cours des prochaines semaines en Méditerranée.
Selon nos informations, ces frais portent tout de même le budget à 1 million $. L’OIF n’a donné aucune suite à nos demandes de précisions.
« Insinuation »
Quant à l’appel à la transparence lancé par les gouvernements du Canada et du Québec, M. Ouane a affirmé qu’il s’agit d’une « insinuation que notre administration ne l’est pas et laisse supposer qu’elle est opaque. Ces déclarations reposent sur les mêmes mobiles que les accusations dénoncées ci-dessus ».
L’OIF est financée par les fonds publics versés par les États et gouvernements membres, dont la France, le Canada, le Québec et le Sénégal.
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