Incapable de trouver assez d’argent privé pour envoyer 100 jeunes francophones sur une croisière estimée à 1 M$, la secrétaire générale de l’OIF Michaëlle Jean doit boucler le budget avec des fonds publics destinés à d’autres fins, a appris notre Bureau d’enquête.
Selon Michaëlle Jean, le projet vise à « donner à la jeunesse des raisons d’espérer, de créer pour elle des possibilités, de lui garantir un accès universel à une éducation et une formation de qualité, de multiplier toutes les occasions d’épanouissement ».
Toutes les unités de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) ont ainsi été contraintes de piger dans leur budget afin de financer le projet. À quelques jours du départ, fin janvier, un appel «urgent» a même été lancé aux directeurs de tous les programmes de l’OIF, indiquent des documents internes obtenus de source sûre.
Dans un courriel daté du 26 janvier, Ma-Umba Mabiala, directeur de l’Éducation et de la Jeunesse (DEJ), constatait qu’une seule unité administrative avait versé les fonds attendus.
«Cette situation place la DEJ dans une situation embarrassante quant à la gestion budgétaire du projet Hermione», écrivait-il au numéro deux de l’OIF, Adama Ouane.
Refus canado-québécois
En juillet 2017, les gouvernements du Canada et du Québec avaient, ensemble, refusé une demande de Mme Jean, qui souhaitait puiser 400 000 $ dans le fonds de réserve de l’OIF afin de boucler le budget du projet Hermione.
Les deux gouvernements membres de l’OIF ont jugé que le projet, ajouté à la programmation, manquait de transparence et de pertinence. Dans un document, Québec déplorait les retombées peu «concrètes» et l’organisation qui n’était ni «efficiente» ni «transparente».
Le Canada avait invité l’OIF à trouver des partenaires privés pour financer «la majorité du projet». En juillet, un porte-parole de l’OIF, Bertin Leblanc, avait alors assuré qu’un partenariat était sur le point d’être conclu «avec les Nations Unies, qui souhaitent s’associer au projet».
Le 8 août, le directeur de l’administration, Nicodème Adzra, écrivait dans un courriel qu’il a été convenu «de rechercher des financements en interne après le refus des instances de prélever le montant de (400 000 $) sur le fonds de réserve».
Malgré des demandes répétées au cours des derniers mois, M. Leblanc n’a donné aucune information sur le financement. Il a aussi refusé de répondre cette semaine à des questions portant sur les chiffres obtenus par le Bureau d’enquête.
Partenaires timides
L’OIF a tenté sans grand succès d’amasser des fonds privés, entre autres lors d’une soirée en décembre 2017 où elle a convié des partenaires potentiels, indique une note du cabinet de Mme Jean qui en dressait un sombre bilan.
Parmi une liste d’organismes et d’entreprises, dont Renault, LVMH et BNP Paribas, elle recueillit une seule contribution ferme de 40 000 $, de l’entreprise Qwant.
«L’Association Hermione a eu des difficultés à définir clairement, avant et après la soirée des partenaires, des offres adaptées de mécénat et à offrir des contreparties attractives aux sponsors», révèle le document daté du 16 février.
De 400 000 $ à 1 million $
Selon d’autres documents internes, l’opération devrait coûter beaucoup plus que la somme qui a valu le refus des gouvernements québécois et canadien.
Dans un courriel daté du 13 juin 2017, M. Mabiala, directeur de l’Éducation, estimait les coûts totaux à environ 1 million $. Cette somme devait inclure une subvention de 400 000 $ à la Fondation Hermione-La Fayette, propriétaire du bateau, ainsi que les frais de déplacement et d’hébergement des jeunes participants issus des pays francophones.
«Je te prie de bien vouloir prendre en compte l’ensemble de la situation, et non seulement les 250 000 euros (400 000 $) prévus», écrivait M. Mabiala à une collègue.
CROISIÈRE SUR L’HERMIONE
Du 30 janvier au 16 juin 2018
Participants : une centaine de jeunes étudiants et professionnels francophones (Canada, Moldavie, Vietnam, Arménie, etc.) ont été recrutés pour aider l’équipage.