Un bain de politisation formidable

Conflit étudiant - grève illimitée - printemps 2012

En novembre 1970, l'hebdomadaire de gauche Québec-Presse, que dirigeait le poète et journaliste Gérald Godin, titrait: «Les événements d'Octobre ont plongé le Québec dans un bain de politisation comme jamais auparavant.»
Aujourd'hui, on pourrait dire la même chose avec la grève étudiante. Partout, les gens discutent, opinent, évaluent et prennent position. Du moins ceux qui manifestent une certaine ouverture d'esprit et qui ne mettent pas tous les torts du côté de ceux qui luttent en causant, certes, bien des inconvénients, mais si peu, somme toute, compte tenu des enjeux.
Le refus du gouvernement de négocier avec le mouvement étudiant, l'intransigeance réaffirmée maintes et maintes fois par la ministre de l'Éducation Beauchamp depuis le début du conflit, avec le recours systématique de forces policières brutales qui a pour effet de provoquer la colère des étudiants dans la rue, l'utilisation, plus récemment, des tribunaux pour empêcher les lignes de piquetage de jouer leur fonction, encouragée par les déclarations vicieuses du gouvernement à propos de la non-représentativité des étudiants en grève, ont amené le mouvement étudiant à se radicaliser et à politiser leur combat. Ne manque plus que la jonction entre les étudiants grévistes et d'autres travailleurs eux aussi malmenés par le régime corrompu qui nous taxe de Québec à Ottawa, en passant par Montréal et d'autres villes sous l'emprise d'entrepreneurs véreux, pour pouvoir former la grande chaîne de solidarité qui risquera d'ébranler ceux qui nous gouvernent.
Récemment, deux articles, parus presque coup sur coup dans La Presse, l'un écrit par le journaliste économique Michel Girard, et l'autre par la journaliste Michèle Ouimet, viennent démolir tous les arguments démagogiques avancés par des chroniqueurs paternalistes en mal de sensationnalisme, qui martèlent sur de nombreuses tribunes que les étudiants, enfants gâtés et enfants rois, doivent faire leur juste part, que c'est scandaleux de faire payer les gagne-petit et que, de toute façon, le Québec, dans le rouge, ne peut faire plus. Pourtant, les étudiants ne sont pas responsables du gâchis actuel.
Michel Girard, qu'on ne peut soupçonner de sympathies gauchistes, nous présente une autre vision de la même question. « Beaucoup de désinformation a circulé dans le but de miner la bataille des étudiants qui s'opposent à la hausse prochaine des droits de scolarité. Permettez-moi de remettre les pendules à l'heure... juste!» Puis, à l'aide de statistiques, il démontre que c'est payant pour la société de financer les études universitaires: « Le détenteur d'un diplôme universitaire va payer au cours de sa vie active énormément plus d'impôts et de taxes que les non-diplômés. D'après cette étude [du ministère de l'Éducation], le diplômé type d'un bac verse pendant sa vie active (17 à 64 ans) la somme de 916 043$ en taxes et impôts. C'est 379 187$ de plus que le détenteur type d'un diplôme d'études collégiales. Par rapport au détenteur d'un diplôme d'études secondaires, l'écart grimpe à 503 668$. Et face au non-diplômé de l'école secondaire? Rien de moins que 644 277$.»
Michèle Ouimet, dans le même quotidien, démolit la thèse d'enfants gâtés dont on affuble les étudiants: « Enfants gâtés, les étudiants? Loin de là: 40% ne reçoivent aucune aide financière de leurs parents; 80% travaillent et étudient à temps plein; la moitié gagne moins de 12 200$ par année; les deux tiers n'habitent pas chez leurs parents; le quart d'entre eux hériteront d'une dette frôlant les 18 000$ à la fin de leur baccalauréat. [...] Il faut en finir avec le gel, répètent les politiciens, sauf que le gel n'existe plus depuis cinq ans. Un autre mythe qui a la vie dure. En 2007, le gouvernement a augmenté les droits de scolarité de 50$ par semestre. Depuis, la facture est passée de 1668$ à 2168$, une hausse de 30%. Où ça, le gel? conclut-elle. En 1962, 23 000 étudiants fréquentaient l'université. Aujourd'hui, ils sont 266 000, un bond de 1000%.»
C'est ça, aussi, le modèle québécois dont il faut être fier, car, après tout, notre ministère de l'éducation existe depuis moins de 50 ans.


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