Un an plus tard, le spectre d'une nouvelle guerre d'été plane toujours sur le Liban Sud. Cette fois-ci, une nouvelle victime potentielle : La Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL).
En effet, depuis l'arrêt des combats et l'application de la résolution 1701 du Conseil de Sécurité des Nations unies, le Sud semble entrer dans une nouvelle phase de préparatifs pour une nouvelle guerre, plus explosive que celle de l'été 2006 et dont les prémisses se sont fait sentir, il y a quelques semaines, avec l'attaque perpétrée contre les troupes de la FINUL.
Teché démontre le contraire où de plus en plus d'information en provenance du Sud Liban parle d'une omniprésence du Hezbollah dans la région. D'aucuns témoignent même que des armements transitent par des voies souterraines. À cette présence militaire souterraine, s'ajoute celle de la politique très affichée du Hezbollah.
Le Hezbollah n'a jamais quitté le Sud !
Toujours selon la résolution 1701, l'État libanais devait assurer sa présence officielle dans la région, laquelle, techniquement, devait être vidée de la présence du Hezbollah. Or, cette présence s'est finalement limitée uniquement à celle d'une brigade de l'Armée libanaise dont l'essentiel de son effectif est constitué de Chiites (afin d'éviter toutes altercations avec les miliciens de «Parti de Dieu»).
Par ailleurs, la présence politique de l'État libanais dans le Sud est presque nulle, car jusqu'à aujourd'hui, c'est le Hezbollah qui gère les aides sociales et le processus de reconstruction des zones détruites durant la guerre d'été. Les aides théoriquement débloquées par le gouvernement de Seniora restent ironiquement bloquées à cause de la politique de boycott et de blocus que le Hezbollah a entrepris dans le Vieux Beyrouth et au Parlement pour exercer une pression sur la majorité. Reste que le bras de fer entre d'une part le Hezbollah et de l'autre le gouvernement libanais, dont le contrôle est principalement sunnite, résulte par une quasi mainmise du Hezbollah sur le Sud malgré la présence de la FINUL avec un mandat renforcé.
Des dires des proches du Secrétaire Général du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah, le Hezbollah n'a jamais quitté le Sud, et les préparatifs militaires ont repris de plus belles pour «contrecarrer l'ennemi sioniste». Une présence que le ténor de la majorité, le leader Druze Walid Joumblatt souhaite limiter au cadre purement politique au sein des institutions libanaises, ce qui l'a poussé dernièrement à formuler des critiques dénonçant Nasrallah alors que, jusqu'ici, il avait toujours été favorable à sa politique régionale!
La variable intégriste palestinienne
Toutefois, le Sud, n'est pas entièrement chiite. À part la présence chrétienne constamment menacée d'extinction, ce sont les Sunnites qui forment l'autre grande population du Sud. Or, parmi cette population sunnite se trouvent les Palestiniens des camps, notamment ceux du plus grand camp d'Aïn el-Heloué, situé dans les parages de la grande ville de Sidon, fief du premier ministre assassiné Rafic Hariri.
D'autres camps palestiniens se trouvent dans les localités avoisinantes. Représentant plus de 50% de la population des réfugiés palestiniens au Liban, mais également le plus grand nombre de combattants palestiniens et islamistes lourdement surarmés, ce camp militaire d'Aïn el-Heloué, dit de « réfugiés » représente aujourd'hui la variable principale pour toute flambée de violence dans le Sud.
En effet, des rapports circulant parmi les proches du Hezbollah et corroborés par l'État libanais, mettent de l'avant que l'attaque contre la FINUL, qui a emporté six casques bleus, était perpétrée par les islamistes radicaux venus tout droit du camp palestinien d'Aïn el-Heloué. Ces derniers s'étaient ralliés à ceux du Fatah al-Islam du camp palestinien de Nahr al-Bared au Nord du Liban dans leur combat contre l'Armée libanaise. Ils avaient même tenté de créer un îlot d'insécurité dans Sidon même avant que le Fatah proche d'Abbas n'exerce une pression sur ses fidèles dans ce camp pour calmer les esprits, du moins pour l'instant après la chute de la Bande de Gaza entre les mains du Hamas.
Cependant, le problème essentiel demeure celui de leur présence lourdement armée et leur capacité à mener des opérations militaires aussi bien contre les Libanais que contre Israël. Une possibilité qui devient chaque jour à l'ordre du jour tant et aussi longtemps que la Syrie contrôle le Hamas et ses antennes au Liban. En effet, c'est dans l'intérêt du régime de Damas de déstabiliser le Sud du pays, voire d'encourager des attaques contre Israël et la FINUL à travers les Palestiniens et les islamistes pour mieux avancer ses cartes sur une éventuelle table de négociation.
Une politique machiavélique qui semble porter ses fruits puisque, de l'avis de nombreux diplomates et décideurs occidentaux dont des Canadiens, il est de plus en plus probable qu'une telle possibilité soit bientôt offerte par les Américains aux Syriens dans un contexte de règlement global à la crise en Irak, à Gaza et au Liban, face à un Iran toujours récalcitrant.
Un choix s'impose... mais à quel prix ?
Demeure ainsi la grande variable, la réaction du Hezbollah face à une éventuelle dégradation de la situation dans le Sud, entreprise par les Palestiniens eux-mêmes sur ordre de Damas. Rejoindrait-il ses frères musulmans sunnites dans ce complot syrien contre le Liban et la FINUL ou rentrerait-il en conflit avec eux pour sauvegarder leur mainmise sur le Sud pour un meilleur gain politique ultérieur au Liban?
Pour l'instant, ce qui est certain, c'est que le feu couve toujours sous les cendres et les armements transitent par tonnes aux différentes milices musulmanes en provenance de Syrie. D'ores et déjà, des voix intégristes sunnites s'élèvent pour réduire encore plus le pouvoir des Chrétiens au Liban et annuler la présidence de la République dont l'élection d'un nouveau président est prévue pour septembre prochain. Les tensions sont telles que tout faux pas déclencherait sans doute une guerre dont les traits tendraient à être interlibanaises que contre l'État hébreu.
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Alain-Michel Ayache
Spécialiste du Proche-Orient
Département de Science politique, Uqam
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