Trump rompt la tradition et fait la leçon à la Fed

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Trump a-t-il un seul allié dans l'administration américaine ?

Mécontent de la montée des taux d’intérêt et du dollar plus fort, le président américain Donald Trump a ouvertement critiqué la Fed, rompant avec des décennies de respect de l’indépendance de la Banque centrale.


Dans une interview vendredi à la chaîne de télévision CNBC, dont des extraits avaient été diffusés la veille, Donald Trump a surpris économistes et investisseurs en s’en prenant sans ambages aux choix monétaires de la Fed de remonter les taux.


«Je ne suis pas content» de la politique monétaire qui relève progressivement les taux d’intérêt, «mais en même temps je les laisse faire ce qu’ils estiment être le mieux», a affirmé M. Trump.


Il a dit ne pas être d’accord avec la direction prise par le patron de la Fed, Jerome Powell, même si c’est «un homme très bien» qu’il a lui-même nommé en remplacement de Janet Yellen.


Pendant la campagne électorale, M. Trump avait au contraire critiqué Mme Yellen parce qu’elle conservait des taux bas qui créaient, selon lui, «une salle bulle financière».


La Banque centrale est actuellement sur la trajectoire d’une hausse graduelle du coût de l’argent pour éviter une surchauffe mais en relevant les taux, elle rend les investissements en dollar plus rémunérateurs ce qui fait grimper le billet vert.


Une hausse des taux augmente aussi les taux d’emprunt pour les particuliers parce que les banques commerciales la répercutent aux crédits accordés aux ménages.


Donald Trump s’est montré particulièrement remonté contre cette montée du dollar, car cela renchérit les exportations américaines et donc creuse le déficit commercial, ce qui va à l’encontre de sa croisade commerciale.


«Regardez l’euro (...) il tombe ! La Chine: leur monnaie est en chute libre. Et notre monnaie monte, cela nous met dans une position désavantageuse», a-t-il martelé.


Depuis la mi-avril, le dollar a repris de la force face à l’euro. La devise européenne qui valait encore 1,24 dollar le 18 avril, est tombée à 1,16 dollar mercredi.


Mais après les déclarations de M. Trump jeudi, doublées d’un tweet vendredi accusant la Chine et l’UE de «manipuler leur monnaie en baissant leurs taux d’intérêt, alors que les États-Unis augmentent leur taux», le dollar s’est affaibli.


L’euro est ainsi remonté passant de 1,1600 dollar à 1,1723 dollar, un mouvement non négligeable sur le marché des changes.


Que l’administration Trump soit en faveur d’un dollar faible n’est pas une nouveauté même si cela rompt avec la tradition.


En janvier, Steven Mnuchin, le secrétaire au Trésor, avait reconnu publiquement --presque par inadvertance avant de se corriger--, qu’un dollar «plus faible» était «bon pour le commerce».



Les pressions de Nixon sur la Fed


La désapprobation ouverte de Donald Trump face à une institution monétaire pourtant à cheval sur son indépendance a inquiété nombre d’économistes et fait remonter à la surface les souvenirs de pressions politiques du temps de Richard Nixon ou même de George H. Bush.


Selon Alan Blinder, un ancien vice-président de la Fed, il faut remonter à George H. Bush pour retrouver ce type de complaintes et de commentaires vis-à-vis de la politique monétaire.


L’entourage du président Bush avait fait fortement pression sur Alan Greenspan, alors patron de la Fed, pour qu’il abaisse les taux plus rapidement en 1991. «Tous ces gens criaient après la Fed», se souvient M. Blinder interrogé sur CNBC, «l’attitude non-interventionniste» vis-à-vis de la banque centrale «date de la présidence Clinton».


Mais le plus célèbre exemple d’ingérence revient au président Richard Nixon qui, pour sa réélection en 1972, avait exercé une forte pression sur Arthur Burns, le président de la Fed, parfois même «par des cris», a rapporté celui-ci.


La Fed avait obtempéré soutenant une économie déjà en sur-régime. Cette politique de l’argent facile devait nourrir l’inflation galopante de la fin des années 70.


Les reproches de Donald Trump font désormais craindre «une pente glissante». «Si cela s’arrête là, ce n’est qu’une ride dans l’eau (...). Mais si on glisse, ce n’est vraiment pas bon», a affirmé M. Blinder.


Interrogée, la Fed n’a pas réagi aux déclarations du président mais pointé les nombreux propos de Jerome Powell défendant l’indépendance de l’institution.


Interrogé en mars sur le fait de savoir s’il craignait de futures pressions de la Maison blanche, Jerome Powell avait répondu: «Non, cela ne me tient pas éveillé la nuit. Vous pouvez compter sur nous pour rester focalisés sur notre tâche».


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