Les États-Unis ont finalement déposé leurs demandes en vue de la renégociation de l’ALENA : révision de l’exception culturelle qui protège les contenus locaux, ouverture du marché agricole, promotion du « buy american » tout en voulant empêcher le Mexique et le Canada de se doter de politiques similaires et, finalement, permettre à la justice du pays de l’Oncle Sam de trancher seule les litiges commerciaux.
Bien sûr, nous sommes loin de la rhétorique revancharde des gazouillis de Donald Trump. Néanmoins, ce document met clairement sur la table l’intention réelle de la nouvelle administration : renégocier l’ALENA à l’avantage exclusif des investissements américains.
Quand le président dénonce l’ALENA comme étant injuste pour les firmes de son pays, il ne pense pas réellement que celles-ci sont désavantagées ou que le Mexique et le Canada ont la part belle de cet accord. La vérité du processus de renégociation qui s’ouvre est d’utiliser le poids prépondérant de la puissance économique et politique des États-Unis pour assurer un avantage systématique au déploiement de capitaux américains.
La révision de l’exception culturelle vise à empêcher l’instauration de tarifs ou de taxes contre des groupes comme Amazon ou Netflix afin que ceux-ci puissent poursuivre sans inquiétude leur conquête de marché extérieur.
Revoir les règles agricoles, c’est permettre aux grandes entreprises de ce secteur de conquérir le marché en ayant recours à des pratiques de dumping tout en taillant en pièce les normes réglementaires qui protègent nos agriculteurs.
Faire la promotion du « buy american » pour les contrats publics en même temps que d’exiger du Mexique et du Canada qu’ils n’instaurent aucune clause similaire, c’est confirmer que le développement de toute politique industrielle dans ces deux pays doit se subordonner à celle des États-Unis.
Vouloir imposer que les contentieux commerciaux soient jugés devant des cours américaines et non par un panel binational relève tout simplement d’une volonté d’imposer sa loi en lieu et place d’un mécanisme d’arbitrage.
Le protectionnisme comme écran de fumée
Nous sommes ici très loin de la mise en place de politiques protectionnistes. Les objectifs de l’équipe de négociation mandatée par l’administration Trump ne sont pas liés à la protection de secteurs névralgiques à l’économie américaine. Il est très peu question de protéger des emplois dans des domaines d’activité jugés prioritaires ou stratégiques, mais de faciliter la mainmise sur les marchés extérieurs.
Il n’est dès lors pas question de protectionnisme, mais d’impérialisme. Le but de l’administration est de protéger son marché intérieur tout en levant les obstacles extérieurs entravant l’expansion des activités des multinationales qui incarnent les intérêts vitaux de son pays.
Nous sommes nombreux à avoir vu dans la rhétorique du candidat Trump, durant l’élection, une occasion de revaloriser l’idée de protectionnisme. Il devrait en effet être normal pour un pays de pouvoir protéger son économie en fonction de ses priorités nationales. Comme il fallait pourtant s’y attendre, les véritables intentions du candidat devenu président sont toutes autres.
Ceci ne veut pas dire pour autant qu’il faille aujourd’hui abdiquer la critique du libre-échange, seulement que ceux qui pensaient avoir en Trump un allié doivent revoir leur analyse.
Face à des demandes qui, si elles se concrétisent dans un ALENA 2.0, auront des conséquences néfastes pour notre société, quelle perspective pouvons-nous développer? Défendre des programmes comme la gestion de l’offre ou encore la clause d’exception culturelle semble un minimum. Pourquoi ne pas faire un pas de plus et profiter de l’occasion pour remettre, sur des bases progressistes, tout l’ALENA en question? Une telle tentative ne pourrait peut-être pas aboutir à court terme, mais permettrait d’élargir nos perspectives économiques pour l’avenir.
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