Demain, le ministre québécois des Finances, Nicolas Marceau, déposera une mise à jour de ses projections budgétaires. Il devra admettre qu'il ne réussira pas à arriver à l'équilibre budgétaire cette année. Le trou devrait au contraire atteindre quelque chose comme 2,5 milliards.
2,5 milliards au lieu de zéro! C'est un écart considérable, dans une période où l'économie, sans aller très bien, n'est pas frappée par une crise mondiale ou une récession majeure.
Ce qui est troublant avec ces chiffres, s'ils se confirment jeudi, c'est que le Québec ne se limite pas à remettre à plus tard l'objectif d'élimination du déficit en 2013-2014, fixé au départ par le gouvernement Charest et repris par le gouvernement Marois.
C'est pire que ça. Le problème, ce n'est pas que le déficit baisse moins vite que prévu. Le vrai problème, c'est qu'il explose! À 2,5 milliards, le niveau du déficit dépassera de façon significative le 1,6 milliard de l'an dernier et rejoindra celui d'il y a deux ans. Ce n'est pas une pause. C'est un recul.
C'est un échec important pour l'équipe de Mme Marois, pour qui le déficit zéro en 2013-2014 était un engagement électoral et un élément central du programme de gouvernement.
J'ai écrit beaucoup là-dessus. D'abord, pour saluer le courage de M. Marceau de maintenir le cap quand son budget de novembre 2012 a été déposé. Ensuite pour dire, quand le contexte économique s'est détérioré, que l'idée évoquée par Mme Marois de reporter cet objectif, plus ambitieux que celui des autres gouvernements au Canada, était défendable, pour éviter que l'austérité ne nuise à l'économie et ne fasse trop de dégâts. Il ne faut pas être dogmatique, quoiqu'il faut tenir compte de la situation particulière du Québec, notamment son endettement élevé.
Mais le gouvernement Marois a choisi le pire des deux mondes. Il s'est lancé dans une lutte au déficit à court terme, avec des compressions sauvages. Et il a fait des promesses qu'il ne peut pas tenir. On abandonne l'objectif après avoir juré qu'il était incontournable, ce qui envoie un message d'échec, d'impuissance et de perte de maîtrise des finances publiques.
L'ampleur de l'erreur de prévision reste en effet difficile à comprendre.
Cela suggère que l'état de nos finances publiques est beaucoup plus fragile qu'on le croyait et qu'il faudra, pour rétablir l'équilibre, un plan de redressement beaucoup plus profond.
Mais cet échec fera moins mal au gouvernement péquiste qu'il aurait pu, parce que le chef libéral Philippe Couillard lui a pratiquement donné sa bénédiction. «Dans l'année en cours, a-t-il dit en point de presse la semaine dernière, je pense que ce n'est pas réaliste, avec 2,3 milliards de déficit (selon les données de juillet), personne ne s'attend qu'on puisse équilibrer le budget pour l'année. Pour l'année prochaine, on doit s'approcher le plus possible de l'équilibre et avoir un plan pour les deux trois années suivantes qui nous amène vers un équilibre solide, vers un plan crédible.»
Si on calcule bien, le déficit zéro en 2017-2018 plutôt qu'en 2013-2014.
Dans l'absolu, des paroles sages et réalistes. C'est ça l'état de la situation. C'est sans doute ce que ferait M. Couillard s'il était au pouvoir.
Mais même si le discours partisan primaire m'agace, cette sortie est stupéfiante. Elle coupe les jambes aux députés libéraux, qui défendent depuis des mois le maintien du déficit zéro cette année. Et elle passe sous silence la possibilité que le trou actuel ne soit pas seulement un «act of god», et que le gouvernement actuel ait sa part de responsabilités.
M. Couillard a dû reculer, après cette grosse gaffe, pour dire que l'équilibre budgétaire était «incontournable». Mais la pâte à dents est sortie du tube.
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