Trop noir

Une belle occasion a été ratée de profiter de cette période de prospérité pour doter le Québec d’une marge de manoeuvre.

Budget Québec 2010


Ces économistes du Comité consultatif sur l'économie et les finances publiques ont tout noir, trop noir. Mandatés par le ministre des Finances pour «aller au fond des choses», les Pierre Fortin, Robert Gagné, Luc Godbout et Claude Montmarquette oublient d'aligner les colonnes dans leur diagnostic, qui se veut partiel.
Pour ces économistes du comité consultatif présidé par Raymond Bachand, le Québec se dirige vers un mur. Pierre Fortin a été plus direct: «On est dans la m...» Ils retiennent de cette récession qu'elle a fait ressortir toute l'ampleur de cette absence de marge de manoeuvre financière à Québec. Sans expliquer pourquoi l'économie du Québec a su tout de même se tirer d'affaire dans ce qui a été présenté comme étant la pire conjoncture économique et financière depuis la Grande Dépression. De toute évidence, même confronté à des enjeux serrés et à des rendez-vous majeurs, le Québec n'est pas démuni à ce point.
Le constat dressé par les économistes composant le Comité consultatif sur l'économie et les finances publiques est sévère. Il permet de cerner certains enjeux et de donner une image chiffrée de l'état précaire des finances publiques québécoises spectaculaire, à défaut d'être précise et objective. Mais de tels sombres portraits sont typiques de chaque sortie de récession.
Toutefois, avant de conclure à l'absence de choix, avant de soutenir qu'on ne pourra éviter les hausses tarifaires, les coupes dans les dépenses publiques et la réingénierie de l'État, il faudrait peut-être inviter le gouvernement à ne pas rater la prochaine chance qui se présente à lui et qui a pour noms «décaissement» et «transferts intergénérationnels».
Dans l'intervalle, pourquoi les économistes du comité de M. Bachand ne remettent-ils pas en question cette cible du retour à l'équilibre budgétaire en 2013-14, deux ans avant les autres? Pourquoi, aussi, ces économistes ne relancent-ils pas la réflexion sur le déséquilibre fiscal fédéral-provincial?
Dans la foulée, pourquoi ne ramènent-ils pas Québec devant ses rendez-vous manqués? Car l'actuelle récession a fait ressortir que Québec n'a jamais su se doter d'une véritable marge de manoeuvre. Malgré une période de 17 années de croissance du PIB depuis 1991, le ministère des Finances n'a jamais pu sortir d'une situation de déficit structurel chronique. Il n'est pas étonnant que les documents budgétaires fassent ressortir une dette représentant les déficits accumulés de près de 100 milliards en 2009-10, contre 35 milliards en 1989-90. Que durant toute cette période une réserve budgétaire n'a pu être inscrite que pour quatre exercices seulement, pour atteindre 2,3 milliards à son apogée. Et que le ratio dette nette/PIB soit passé de 23 % à 45 %. L'effet net de ce fardeau de la dette sur les finances publiques est assoupli uniquement parce que les taux d'intérêt ont été ramenés à un niveau historiquement faible.
Une belle occasion a été ratée de profiter de cette période de prospérité pour doter le Québec d'une marge de manoeuvre. Certes, on ne peut refaire l'histoire. Il ne sert à rien de revenir à ce qui aurait dû être fait mais qui n'a pas été fait. Mais on peut rappeler aux acteurs leur manque de discipline et leur vision à court terme lorsque la prochaine occasion se présentera de reconstruire la capacité budgétaire du Québec.
Les auteurs du premier fascicule «Le Québec face à ses défis» soutiennent, de plus, qu'au demeurant, même si Québec retrouve le chemin de l'équilibre sur l'horizon retenu, il devra faire face au choc démographique qui se pointe, au détour de 2013. Et pour eux, on ne devrait y voir la prochaine grande occasion. Au contraire, l'impact du vieillissement ne peut être que négatif, prenant la forme d'une diminution des rentrées fiscales, d'une augmentation des coûts en santé. Mais pourquoi ces lieux communs, ces clichés?
Au même titre que le Québec a su se doter de cette diversification économique qui lui a permis d'éviter le pire dans cette récession malgré un secteur manufacturier ébranlé, ne pourrait-il pas retirer le meilleur d'une population arrivant à la retraite bien nantie? On ne parle pas d'une surtaxation ou d'un accroissement du fardeau fiscal, mais uniquement de s'assurer que Québec récolte ce qui lui est dû. Jamais dans son histoire le Québec n'a-t-il abrité une population de retraités et une classe d'entrepreneurs ayant accumulé autant de richesse. Si l'on parvient à éviter l'évasion fiscale...
Dit autrement, le qualificatif de «génération dépendante» ne peut coller à ces futurs retraités. À cette vague de décaissement des REER et de transferts intergénérationnels sans précédent se greffe une capacité financière à se doter d'assurances et d'autres protections complémentaires à celles offertes par les services publics. Et de sondage en sondage, ils sont toujours plus nombreux à déclarer qu'ils prolongeront leur vie dite active, à entrevoir une retraite graduelle.
Attendons de voir les deux autres fascicules...


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