Lorsqu’un comité de l’Assemblée législative du Maine a tenu des audiences publiques en mai dernier pour discuter d’un moratoire sur le transport de produits issus des sables bitumineux dans l’État, plusieurs entreprises se sont présentées pour exprimer leur profond désaccord. Parmi elles : Montreal, Maine & Atlantic Railway, qui possède le chemin de fer sur lequel un convoi pétrolier a semé l’horreur à Lac-Mégantic.
Si la compagnie est farouchement opposée à l’idée d’une interdiction de passer par le Maine pour amener du pétrole de sables bitumineux vers l’Est, notamment le Nouveau-Brunswick où se trouve l’énorme raffinerie d’Irving, c’est que l’activité génère des revenus. (Les wagons qui ont explosé contenaient du brut ne provenant pas des sables bitumineux, mais de la formation de Bakken.) Mais l’argument avancé a consisté à soutenir que l’État n’est pas habilité à s’approprier un domaine de compétence relevant d’un palier supérieur, c’est-à-dire du gouvernement fédéral américain.
« Montreal, Maine & Atlantic ne serait pas en mesure de respecter un moratoire tel que défini dans le projet de loi », a écrit l’entreprise dans un témoignage écrit déposé le 5 mai au comité de l’Environnement et des Ressources naturelles. Parmi les 13 membres du comité figurent dix élus de la Chambre des représentants et trois membres du Sénat du Maine.
« Les chemins de fer sont de juridiction exclusive du Surface Transportation Board […]. La loi fédérale empêche spécifiquement la réglementation des États touchant le commerce entre les États », a affirmé son président et chef de la direction, Robert C. Grindrod.
Rail World Inc.
La compagnie, qui appartient à un holding situé à Chicago dénommé Rail World Inc., ajoute que « comme tout chemin de fer, MMA a le devoir, en vertu de la loi fédérale, d’accepter toutes les matières soumises par les expéditeurs, peu importe qu’il y ait avis contraire d’un État ».
Le transport de produits pétroliers, qu’il se fasse par train ou par pipeline, est une réalité bien connue dans le Maine. Dans le sud-ouest de l’État, par exemple, un tuyau de 24 pouces de diamètre part de Portland pour amener du pétrole brut jusqu’à Montréal, plus précisément à la raffinerie de Suncor située dans l’arrondissement Pointe-aux-Trembles.
Lors de ces mêmes audiences publiques à l’Assemblée législative, la compagnie qui exploite le tuyau, Portland Pipe Line a affirmé qu’elle s’acquitte avec brio de sa mission et que si jamais le tuyau était inversé pour accueillir du pétrole venant des sables bitumineux, le risque ne serait pas plus élevé que maintenant.
« Ce projet de loi serait l’adoption d’un ensemble d’arguments à sens unique non fondés, d’opinions, de rhétorique et d’allégations que la science et les faits ont démenti et corrigé », a affirmé le patron du pipeline, Larry Wilson.
Avis juridique
Ben Chipman, un élu indépendant à la Chambre des représentants qui est à l’origine du projet de loi, dit que l’idée d’un moratoire pur et simple divisait les membres du comité. Elle a donc été laissée de côté à la faveur d’un projet portant plutôt sur l’étude des risques. Le comité l’a adopté à l’unanimité. À l’Assemblée, la Chambre des représentants a voté à 97 pour et 50 contre, alors que le Sénat l’a appuyé de façon unanime.
L’argument de MMA selon lequel un moratoire contreviendrait aux dispositions fédérales concernant le commerce interfrontalier ne tient pas debout, selon ce que M. Chipman a dit au Devoir. « On a un avis juridique d’un avocat qui a rédigé le projet de loi et qui travaille au Capitole du Maine. Selon lui, aucune entreprise n’extrait du pétrole, ici. Aussi, ce n’était que pour une période limitée. »
Ça va revenir sur le tapis mardi, dit M. Chipman. Car le gouverneur de l’État a imposé un veto sur le projet de loi, et les deux Chambres vont voter de manière à renverser le veto. Le gouverneur a dit que le transport de pétrole est déjà à l’étude, et qu’un projet de loi est superflu, a-t-il ajouté.
Parler de Lac-Mégantic
« L’explosion à Lac-Mégantic est arrivée tout près de la frontière du Maine », dit-il en entrevue. « Je vais me lever pour en parler. Vous savez, en cas de déversement ici dans le Maine, on a beaucoup de rivières le long desquelles se trouvent des chemins de fer. Je ne sais pas si on serait prêt. Il semble que le train [de Lac-Mégantic] ne transportait pas du produit provenant des sables bitumineux, mais on sait que certains trains qui passent par le Maine en transportent. Du produit bitumineux est plus lourd, plus difficile à nettoyer. »
M. Chipman espère que les élus pourront adopter un projet de loi en janvier 2014, une fois l’étude terminée, et que cela pourrait mener à un moratoire.
Transport de produits bitumineux dans le Maine - La compagnie aurait fait fi d’un moratoire
Les élus du Maine doivent à nouveau se pencher sur le sujet cette semaine
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