Tout sauf Salvini : en Italie, démocrates et M5s ont jusqu'au 27 août pour sceller leur étrange union

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La gauche populiste devra renier ses principes pour barrer la route à la Lega

A l’issue de premières consultations, le chef de l’Etat Sergio Mattarella a annoncé jeudi 22 août au soir qu’il rencontrerait à nouveau les chefs de partis mardi prochain. « Certains partis ont commencé à prendre langue et m’ont demandé de leur laisser un peu de temps supplémentaire. Après les nouvelles consultations, je tirerai mes conclusions et je prendrai les décisions qui s’imposeront » a-t-il déclaré. Le chef de l’Etat veut clairement régler la crise gouvernementale initiée par Matteo Salvini au plus vite. Cette dernière pourrait entrainer le pays déjà miné par le poids d’un endettement explosif dans des eaux encore plus troubles.


Sans entente pour une nouvelle coalition gouvernementale, Sergio Mattarella nommera un gouvernement de transition avant de dissoudre le parlement. Ce scénario implique un retour aux urnes d’ici la fin du mois d’octobre. Voilà ce que les démocrates et le Mouvement 5 étoiles [M5s] veulent éviter, les sondages indiquant une victoire nette de la Ligue en cas d’élections anticipées. Hormis la question de la montée en flèche de Matteo Salvini, les 5 étoiles ont par ailleurs un autre problème : la règle des deux mandats parlementaires imposée par le fondateur du M5s, le comique Beppe Grillo. En cas d’élections anticipées, une bonne partie des élus du mouvement, à commencer par leur chef politique Luigi Di Maio, qui est aussi ministre de l’Emploi et du Développement et vice-président du Conseil, devront frapper à la porte de l’Agence nationale pour l’Emploi car ils ne pourront pas participer à la compétition. Dans ce contexte, l’offre des démocrates qui propose aux 5 étoiles de former un gouvernement capable, du moins sur le papier, de tenir la route jusqu’à la fin de la législature actuelle en 2023, peut représenter une alternative de choix.


Ce mariage entre le lapin et la carpe a toutefois de quoi faire sourciller. Car durant les deux dernières années, le M5s et les démocrates n’ont jamais beaucoup échangé, à part les noms d’oiseaux que les membres de ces deux partis s’envoient ponctuellement. Mais la peur du M5s qui se voit déjà finir aux oubliettes et les craintes du Parti démocrate qui imagine quasiment tous les matins Matteo Salvini juché au sommet de la pyramide gouvernementale, ont rapproché ces deux partis.


Pour que les noces aient lieu, les 5 étoiles vont devoir renier leur passé et accepter les conditions « non négociables » posées par le patron des démocrates, Nicola Zingaretti. Le premier point pose la question de « l’appartenance loyale à l’Europe ». Cela ne devrait pas être trop compliqué, les 5 étoiles auparavant très critiques vis-à-vis de Bruxelles ayant commencé à faire leur mue lorsque la cohabitation avec Matteo Salvini est devenue trop dangereuse. Puis, ils devront reconnaitre que leur gestion économique des affaires a été désastreuse et accepter de participer à un remaniement total des objectifs économiques avec d’avantages de redistributions et d’investissements. Notamment au chapitre des infrastructures, la bête noire du M5S qui ne veut pas perdre le soutient de son électorat écologiste.


"Après avoir gouverné avec la Ligue, je pense pouvoir faire un accord même avec Belzebuth"


Sur la question migratoire, les démocrates réclament l’abolition des deux décrets sécurité qui comprennent la fermeture des ports aux navires des ONG et des amendes salées pour les organisations humanitaires qui forcent le blocus pour débarquer les migrants repechés en mer. L’idée est aussi d’introduire de nouveaux critères dans la gestion des flux basés sur le respect des conventions internationales et des droits de l’homme. Enfin, les 5 étoiles devront reconnaitre la centralité du parlement et ne plus déplacer les discussion sur les réseaux sociaux et les plates-formes digitales, la grande spécialité du mouvement. Cerise sur le gâteau : ils devront aussi accepter le candidat qui leur sera proposé par les démocrates pour occuper le poste de président du Conseil.


La potion risque d’être sacrément amère. Mais rester aux affaires vaut bien quelques renonciations. «Après avoir gouverné avec la Ligue, je pense pouvoir faire un accord même avec Belzebuth», a déjà résumé Roberta Lombardi, membre du courant orthodoxe des 5 étoiles. C’est tout dire.