Le président turc a fondé ses espoirs sur Donald Trump et c’est en fonction des promesses d’aide de l’Américain qu’il a poussé ses forces armées à occuper la ville de Manbij, sans soupçonner qu’il y aurait là un piège, celui tendu par la Russie à Ankara.
C’est le journal Al-Akhbar qui revient sur « les espoirs d’Erdogan ravivés après l’investiture de Trump » qui a conduit le président turc à croire en la faisabilité de ses plans, surtout ceux concernant la création de zones tampons dans le nord de la Syrie. Après cet épisode, Erdogan s’est mis à parler de l’occupation de Manbij sans penser un seul instant que la Russie ne resterait pas les bras croisés et qu’elle prendrait ce genre de déclarations incendiaires comme un refus ou une révocation des accords passés avec Moscou.
Ces accords signés entre la Russie et la Turquie ont engagé cette dernière à mettre sous pression les terroristes pour qu’ils se désolidarisent du Front al-Nosra. Les Turcs exigeaient en échange une faveur de la part de Moscou et cette faveur fut ni plus ni moins l’autorisation d’entrer à al-Bab. Mais qui dit autorisation, dit ligne rouge. Moscou a fixé pour Ankara un Rubicon à ne pas franchir pour contrer toute sorte d’aventurisme de la Turquie et ses velléités de retourner à Alep.
L’entente Russie/Turquie a changé la donne politique et militaire à Alep et a contraint Ankara à renoncer à soutenir le Front al-Nosra en échange d’un début d’entrée de l’armée turque à al-Bab. Dans le même temps, un autre accord, au seuil des pourparlers d’Astana et juste avant la tenue des pourparlers de Genève, a bloqué l’accès des forces turques depuis al-Bab à Alep.
Mais tout cela s’est produit avant que Trump n’arrive à la Maison-Blanche. Dès son investiture, Erdogan a changé son fusil d’épaule et a affirmé en chœur avec Trump qu’il souhaiterait mettre en place des zones sécurisées en Syrie. Son chef d’état-major a même rencontré son homologue américain pour coordonner les efforts de guerre à venir.
Dans le même temps, la presse turque a cru voir à travers la visite du directeur de la CIA, un souffle nouveau inspiré au plan moribond d’Erdogan d’instaurer des zones d’exclusion aérienne au-dessus de la Syrie, et ce, au même moment où le président turc s’est réactivé sur le front diplomatique en se rendant en tournée en Arabie saoudite, au Qatar et à Bahreïn et en parlant de l’envoi de troupes au sol en Syrie, troupes placées sous commandement US.
D’ami et d’allié de l’Iran et de la Russie, la Turquie en est devenue en l’espace de quelques jours l’ennemi juré, traitant ces deux pays d’intentions ethnicistes et confessionnalistes dans la région. Mais ce fut sans compter avec le « coup de poker » de Poutine : alors que « le sultan » proférait des menaces et des injures à l’encontre de Téhéran et de Moscou, ce dernier est tombé d’accord avec les Kurdes de Syrie pour que ces derniers remettent le contrôle des villages de la banlieue d’al-Bab à l’armée syrienne et à ses alliés iraniens et du Hezbollah.
La Turquie s’en mord d’ores et déjà les doigts : au Pakistan, où il a rencontré le président iranien dans le cadre du sommet de l’OCE, Erdogan s’est voulu réconciliant en affirmant que son pays souhaitait élargir ses coopérations avec l’Iran. Quant à la Russie, le président turc et son ministre des Affaires étrangères ont fait part presque au même moment de la disponibilité d’Ankara à prendre part « aux côtés de la Russie » à la lutte contre Daech à Raqqa. Retour donc aux politiques « d’excuses » habituelles quand il n’existe pas d’échappatoire.
Une chose est sûre : Erdogan se sent désormais piégé dans le nord de la Syrie. Manbij pourrait se transformer en un réel traquenard pour un politicien qui souffre du syndrome du caméléon…
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