Un recours collectif contre le gouvernement fédéral est envisagé dans le dossier des Québécois qui sont surimposés indûment de 150 à 200 millions de dollars par année.
Yves Chartrand, président du Centre québécois de formation en fiscalité (CQFF), dit avoir commencé des démarches à cet égard. «Et je suis un gars tenace», dit-il.
Le CQFF, rappelons-le, a publié une étude selon laquelle 650 000 Québécois sont surimposés au fédéral à l'égard de l'impôt sur les dividendes. Joint par La Presse, l'avocat Philippe Trudel, spécialisé en recours collectifs, croit qu'à première vue, il y a effectivement matière à recours collectif.
«Si la loi est appliquée de façon discriminatoire, il y a possibilité de recours», dit l'avocat du cabinet Trudel&Johnston, qui parraine notamment le recours collectif de 17 milliards contre l'industrie du tabac.
L'analyse du CQFF, rappelons-le, fait ressortir que le fédéral bafoue un principe fondamental de la fiscalité des dividendes pour les contribuables du Québec, appelé le principe d'intégration. En vertu de ce principe, le taux d'imposition des dividendes versés par les entreprises aux particuliers doit être ajusté pour qu'ultimement, il soit équivalent au taux d'imposition d'un salaire, par exemple. L'ajustement est fait notamment avec un crédit d'impôt pour dividendes.
Or, les paramètres du fédéral font en sorte que les Québécois sont davantage imposés que les résidents des autres provinces par une marge de 1,2 à 3,4 points de pourcentage. Le phénomène dure depuis 2006 pour l'une des catégories de dividendes et depuis 2008 pour l'autre.
Jeudi, le ministère fédéral des Finances a reconnu que «le crédit d'impôt fédéral pour dividendes ne peut atteindre l'intégration» au Québec, notamment en raison de l'abattement fiscal. Il estime que c'est au Québec de baisser ses impôts pour qu'il y ait pleine intégration.
Yves Chartrand est étonné de cette réponse. «Je travaille dans la fiscalité depuis 32 ans et jamais je n'ai vu un seul document qui dit que le principe d'intégration du fédéral ne vaut pas pour le Québec», a-t-il dit.
Le principe d'intégration est d'ailleurs clairement énoncé dans les documents du budget de mars 2013 et dans un avis technique de l'Agence du revenu du Canada (ARC) paru en juin 2013. Rien dans ces documents n'exclut les Québécois quant au respect du principe d'intégration.
L'avocat Philippe Trudel explique que les contribuables ne peuvent pas poursuivre le gouvernement pour ses choix législatifs, à moins, bien sûr, que la loi soit inconstitutionnelle. Par contre, ils peuvent poursuivre le gouvernement si la loi est appliquée incorrectement.
«Dans cette affaire, il y a matière à recours si la loi énonce clairement que l'objectif est d'atteindre l'intégration et que le gouvernement ne fait rien pour ce faire et si, en plus, il y a un déséquilibre flagrant entre les Canadiens», dit Me Trudel.
Dans de tels recours, la prescription est de trois ans, ce qui signifie que les réclamations pourraient toucher seulement les années 2010 et suivantes, même si l'écart entre les Québécois et le reste du Canada dure depuis 2006. Globalement, le recours pourrait donc atteindre de 450 à 600 millions pour ces années.
Les contribuables visés
Deux grandes catégories de contribuables seraient alors visées: les particuliers qui ont reçu des dividendes de grandes entreprises, comme les entreprises en Bourse, et les entrepreneurs qui ont reçu des dividendes de leur propre PME. Les actions sujettes à dividendes doivent être détenues directement et non par l'entremise d'un REER ou d'un CELI.
Dans le premier cas, estime le CQFF, les Québécois sont surimposés depuis 2006. Par exemple, si un contribuable québécois avait été imposé selon les mêmes principes d'intégration qu'en Ontario en 2013, il aurait payé environ 21% moins d'impôts sur ses dividendes au fédéral.
Dans le second cas, ce sont les Canadiens qui sont sous-imposés depuis 2008, tandis que l'intégration fonctionne bien au Québec. Le fédéral veut toutefois changer la loi pour atteindre en 2014 le principe d'intégration ailleurs au Canada. Ce faisant, il briserait l'équilibre au Québec de l'ordre de 8,5%.
Plainte à l'ombudsman
Par ailleurs, une plainte a été transmise par le comptable Pierre Barbeau, de L'Assomption, à l'ombudsman fédéral des contribuables. Selon lui, les révélations du CQFF démontrent que le ministère des Finances du Canada et l'Agence du revenu du Canada ne traitent pas équitablement les contribuables du Québec. Il porte plainte en vertu du Code de déontologie de l'ARC et de la Charte des droits et libertés du Québec.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé