En écrivant la semaine dernière un article sur la crise qui secoue actuellement la Grèce, j’avais évoqué un risque de contagion internationale élevé, et souligné que le Québec était également concerné. Quelques jours plus tard, un commentaire de Jacques Attali sur l’urgence pour l’Europe de devenir « politique », donc fédérale, m’avait amené à dénoncer cette « saleté » qu’est le fédéralisme, et qui conduit à écraser les peuples au nom d’une « raison » dont ils font systématiquement les frais au profit des oligarchies qui les parasitent.
Le lendemain même où paraissait ce second article, André Pratte de La Presse se fendait d’un éditorial dans lequel, vous n’en serez sûrement pas surpris, il se faisait l’apôtre d’une intégration plus forte de l’Europe, tout en étant parfaitement conscient que « [L]e mot « fédéralisme » fait peur en Europe, où les populations ne veulent pas céder davantage de leur souveraineté nationale à des institutions européennes [...] ».
L’intérêt d’André Pratte pour une plus forte intégration de l’Europe n’est pas surprenant. Vous comprenez bien que tout recul de l’Europe sur la voie du fédéralisme serait lourd de conséquences ici même au Québec où l’exemple européen a été utilisé « ad nauseam » par les fédéralistes pour tenter de démontrer aux Québécois la supériorité du fédéralisme comme système de gouvernement pour réunir des territoires et des populations disparates.
Et le fait qu’il ait réagi si vite aux nouvelles en provenance de la Grèce et aux menaces qui pèsent sur l’avenir de l’Europe montre à quel point ses maîtres et lui sont conscients de l’effet d’entraînement que pourrait avoir sur les rapports Canada-Québec tout relâchement de l’Union Européenne.
Mais le mouvement de désintégration est désormais bien enclenché, et la seule question qui se pose est celle de savoir sur combien de temps elle va s’échelonner et à quel moment elle va culminer : 6 mois, 1 an, 3 ans, 5 ans ? En effet, les exemples de la Grèce, bien sûr, mais aussi de l’Irlande, du Portugal et de l’Espagne, pour ne nommer que ces pays, montrent bien qu’il y a des limites aux mesures d’austérité que les populations sont prêtes à accepter pour le plus grand profit de leurs créanciers, et que nous sommes dangereusement près des seuils de tolérance. Que la croissance économique escomptée ne soit pas au rendez-vous un trimestre, alourdissant de ce fait les déficits, et c’est toute l’économie mondiale qui s’écroule, emportant avec elle des systèmes et des régimes politiques, sans compter les épargnes de centaines de millions de personnes.
C’est en effet là où nous en sommes rendus, comme en témoignent de nombreuses analyses parues au cours des dernières semaines. En effet, que ce soit d’abord en Europe ou d’abord en Amérique, toute aggravation de la situation économique aura des conséquences néfastes sur l’une ou sur l’autre en raison de la forte intégration de leurs économies.
Lorsque se mettent à paraître dans les médias « mainstream », non plus dans les médias marginaux, des commentaires comme ceux-ci : « We’re on the verge of a great, great depression. The [Federal Reserve] knows it. », « As panic sets in, Obama spins from one vague idea to another », « Capitalism and democracy are dead », « Wall Street’s too-greedy-to-fail banks are setting up another crash bigger than the 2000 dot-com blowout and 2008 subprime meltdown combined. », « Financial World’s Day of Reckoning is Imminent », le citoyen ordinaire est capable de comprendre qu’il y a quelque chose de majeur et de pas ordinaire qui se prépare.
Et pour ceux d’entre vous qui auraient de la peine à se représenter en termes concrets ce que ces messages veulent bien dire, je vous suggère d’écouter cette entrevue (radio) toute récente du célèbre prévisionniste américain Gerald Celente. Vous allez voir, il ne mâche pas ses mots (Et si vous aimez les accents, vous serez ravis. Un Irlandais qui interviewe un Italo-américain du Bronx, ça vaut le détour !)
Dans un tel contexte, les malheurs du PQ ne pèsent pas lourd, et il ne faut surtout pas croire qu’ils vont avoir une incidence quelconque sur les orientations politiques que prendront les Québécois à plus long terme, même si, prisonniers d’une logique désormais largement dépassée, certains « pouvoirs » s’affairent encore à nous le faire croire, sans doute parce que ça les rassure sur l’existence de leur pouvoir et qu’ils se croient encore en mesure d’influencer le cours des choses.
Ce sont les mêmes gens qui continuent à entretenir le clivage droite/gauche, sans avoir réalisé que la dynamique a changé et que les forces se polarisent maintenant sur un axe à une extrémité duquel on retrouve le mondialisme et le supranationalisme, et à l’autre, le respect des identités nationales, une dynamique qui va éventuellement obliger les Québécois, que ça leur plaise ou non, à s’interroger une fois de plus sur leur avenir collectif.
Comme cette question va se poser dans un contexte généralisé d’affaiblissement, voire même d’effondrement, des structures mondiales et supranationales, et que les solutions seront d’abord locales et régionales, les Québécois disposeront pour faire leur choix d’un espace de liberté et d’incitatifs qu’ils n’ont jamais connus.
Je suis pour ma part convaincu qu’ils sauront en faire bon usage.