Les journalistes n'ont pas l'habitude de solliciter l'appui du grand public pour faire leur travail. Après tout, la recherche d'informations est leur métier, et ils savent bien que pas un gouvernement, pas une organisation, pas une entreprise ne pratique la transparence absolue. Fouiller, vérifier, questionner, c'est leur lot quotidien.
Mais lorsque les demandes d'explications se butent au mutisme le plus borné, que des informations sont sciemment cachées, que la moindre question est filtrée par le premier ministre et que les fonctionnaires ont peur de parler, il y a là motif d'inquiétude. C'est pourquoi l'appel à la lucidité professionnelle et citoyenne lancé hier par les plus importantes associations de journalistes du Canada, dont nous avons reproduit le texte, ne doit pas être pris à la légère.
Depuis son élection en 2006, le premier ministre Stephen Harper exerce un contrôle total, à nul autre pareil, sur son entourage, son parti et l'appareil gouvernemental. Pour compléter cette mainmise, il multiplie les entraves au travail journalistique, et ce travers va croissant.
Il y a eu d'abord l'obligation pour les journalistes, en point de presse, de s'inscrire sur une liste pour pouvoir l'interroger; puis, la «préférence» pour des communications gouvernementales centralisées au bureau du premier ministre est devenue une redoutable obligation, éloquemment démontrée cette semaine par notre collaboratrice Manon Cornellier.
Le gouvernement conservateur s'est aussi fait une spécialité de la publication en catimini des rapports gouvernementaux qui lui sont défavorables. En matière d'environnement, on a à cet égard tout vu, même la mise en ligne d'un volumineux rapport sur la santé par une chaude soirée de toute fin juillet, quand personne ne fait attention aux nouvelles.
Certes, il se trouve toujours un journaliste dûment alerté pour déjouer ces tentatives de camouflage, mais c'est la qualité de l'information qui y perd. Notamment parce que l'administration publique ne répond plus et que les ministres répondent n'importe quoi.
C'est aussi la banalisation des pratiques de contrôle qui s'installe. Quand le gouvernement Harper a commencé à inonder les salles de presse du pays de ses propres photos partisanes, il y a un an, cela avait causé quelques émois dont notre collègue blogueur, Antoine Robitaille, avait fait état. Mais l'émoi a fini par s'émousser devant cette propagande qui nous parvient quotidiennement.
Dernier développement: auparavant, c'étaient les ministres qui nous écrivaient pour soi-disant corriger les articles portant sur le gouvernement. Hier, c'est un sous-ministre qui a sévi, ajoutant à ses propos administratifs le parfait petit laïus conservateur pour défendre les dépenses éhontées occasionnées par les sommets des G8 et G20. La propagande est désormais incrustée dans l'appareil étatique.
C'est à la fois désolant et épeurant. L'État n'appartient pas à monsieur Harper. Les journalistes le disent individuellement depuis plus de quatre ans, ils ont choisi cette fois-ci de s'exprimer collectivement. Que les citoyens les entendent.
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