Il en a été le créateur ; Brian Mulroney se dit maintenant pour la survie de l’Accord de libre-échange nord-américain. Le changement de ton du président Donald Trump à l’endroit de l’ALENA — du moins en ce qui a trait au Canada — a rassuré l’ancien premier ministre canadien. Mais il prévient qu’Ottawa devra néanmoins rester vigilant.
« Je suis sûr que l’ALENA va tenir, certainement du côté canadien », affirme en entrevue avec Le Devoir l’architecte de l’accord trilatéral. « Est-ce déconcertant pour moi de les voir [les États-Unis] vouloir renégocier des clauses de l’ALENA ? Pas du tout », assure Brian Mulroney. Car le monde a changé depuis les négociations de son gouvernement avec celui de Ronald Reagan, avec qui il avait d’abord conclu un accord bilatéral de libre-échange. Téléphones intelligents, Internet, changements à la propriété intellectuelle, « c’est nouveau et cela peut être modifié et renégocié ».
M. Mulroney convient cependant que de telles négociations pourraient ouvrir un panier de crabes. « Absolument. Le Canada doit être très vigilant, faire très attention et être extrêmement bien préparé pour répondre à toutes les préoccupations que pourraient soulever les Américains. »
L’ancien premier ministre progressiste-conservateur s’est fait, depuis deux mois, l’émissaire non officiel de Justin Trudeau à Washington. Le mandat n’est pas officiel, indique-t-on en coulisses au gouvernement, mais M. Mulroney contribue aux efforts canadiens de bâtir une bonne relation avec la nouvelle administration américaine.
Brian Mulroney
La victoire de Donald Trump l’automne dernier en avait surpris plusieurs, y compris le premier ministre Justin Trudeau, comme en témoignait sa réaction timide le lendemain du scrutin américain. Le gouvernement libéral a remanié ses ministres et créé une équipe au bureau du premier ministre avec pour seul mandat de veiller aux relations canado-américaines. En marge de ces réalignements stratégiques, il a été révélé que Brian Mulroney avait accepté d’user de ses relations avec des membres de l’entourage de Donald Trump, et avec le président lui-même, qu’il connaît personnellement depuis longue date.
M. Mulroney et M. Trump possèdent une propriété sur la même rue, à Palm Beach en Floride. Leurs enfants sont du même âge. M. Mulroney siège aussi au conseil d’administration de Blackstone, dont le patron est Steve Schwarzman, que le président Trump a nommé à la tête de son comité stratégique sur sa politique économique. M. Schwarzman était venu rassurer les ministres canadiens quant aux volontés protectionnistes du président Trump, lors de leur retraite à Calgary en janvier. C’est Brian Mulroney qui avait facilité cette première invitation, selon les informations du Devoir. Au fil de pourparlers avec des connaissances, M. Mulroney aurait tenté de rappeler aux Américains les bénéfices économiques du commerce entre les deux pays et ainsi défaire les perceptions martelées par Donald Trump au fil de la campagne présidentielle.
Le ton a depuis changé. Le président Trump en a surtout contre le Mexique. Le Canada ne devrait toutefois pas pour autant larguer son allié du sud en espérant sauver sa relation bilatérale avec les Américains, insiste M. Mulroney. « Les gens qui donnent quelqu’un ou un autre pays en pâture sont des leaders très faibles et déloyaux. Le Canada n’est pas comme ça. »
Quant à ceux qui souhaiteraient voir le gouvernement canadien dénoncer haut et fort certaines politiques du président Trump, en immigration par exemple, l’ancien premier ministre estime que ce serait aussi une grave erreur. Les néodémocrates avaient sommé le premier ministre Trudeau de critiquer les décrets antimigratoires du président Trump lors de sa visite à Washington. M. Trudeau avait évité de le faire, en arguant que ce n’était pas son rôle d’aller aux États-Unis « faire la morale à un autre pays ».
De se lancer dans une tirade contre le président Trump, en conférence de presse à ses côtés, « ça aurait été déplorable » et n’aurait rien accompli du tout selon Brian Mulroney. « Nous défendons simplement nos valeurs. Nous n’avons pas besoin de nous promener et de faire des grands discours. » Car une telle sortie aurait « gâché nos relations bilatérales », de l’avis de l’ancien premier ministre, et inquiété d’autres chefs d’État qui auraient mal perçu ce genre de confrontation publique.
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