Cela part vraiment dans tous les sens. Après le black-out forcé des populations occidentales terrées chez elles à des degrés divers pour parer l’effondrement de systèmes de santé -Potemkine, voilà que le déconfinement ouvre une autre boite de Pandore, celle de la violence sociale, du communautarisme et du « racialisme » triomphants ; au nom de l’antiracisme naturellement, car on n’est pas à un cynisme près. Mi terrorisés, mi séduits, on écoute comme on le ferait d’oracles, tous ceux qui veulent couper le souffle à jamais aux nations et aux Etats, pour en finir avec ces survivances tyranniques qui soi-disant étouffent la liberté et l’égalité d’individus hyper-narcissiques et revendicatifs.
Cette déstabilisation se produit à la faveur d’un drame ordinaire de l’ultraviolente Amérique. 350 millions d’habitants. 300 millions d’armes à feu. Seuls les bébés ne sont pas armés dans ce pays. Et la police risque sa vie à tout instant pour protéger la population d’une délinquance endémique et éviter que chacun n’en vienne à se faire justice lui-même. Une Amérique toujours aussi raciste néanmoins, bien au-delà des rangs policiers. Huit ans d’un président noir n’y auront rien changé et d’ailleurs lui-même n’aura pas fait grand-chose. Une mort inique et tragique qui allume la mèche d’une trainée de poudre disproportionnée et inquiétante par les débordements qu’elle permet. Les images qui saturent nos écrans depuis 10 jours illustrent bien la décadence de l’Empire. L’empire américain n’est plus. Il se bat pour ne pas mourir tout à fait, pour reprendre en main ses vassaux, pour redéfinir les nouveaux standards du monde en toutes matières (notamment financière avec l’émergence d’un nouvel étalon-or que serait le dollar à l’heure où la guerre pour le contrôle des crypto monnaies fait rage).
Mais on ne domine véritablement que par l’exemple. Et l’Amérique n’est plus un exemple depuis bien longtemps. Cela ne date pas de Trump. Le discrédit moral s’est creusé depuis 20 ans et il est devenu irrattrapable. La Chine s’est engouffrée dans la brèche et ne lâchera plus la corde. Elle exprime désormais sans fard son ambition. La France a peut-être compris qu’il s’agissait de connaitre et pratiquer l’adversaire pour mieux le combattre. Elle n’a, pour une fois, pas embrayé sur la curée américaine envers Pékin accusé d’avoir diffusé sciemment le virus au monde entier pour se venger d’une guerre commerciale voulue par Washington. Paris dit même vouloir nouer un « partenariat stratégique global » avec Pékin. Pourquoi pas ? Du moment que l’on ne quitte pas une badine pour une autre.
Mais cette intelligence de situation conjoncturelle ne suffit pas à articuler une stratégie de puissance et d’influence digne de ce nom. Tant que nos dirigeants refuseront de comprendre la pertinence protectrice des nations et des frontières, tant qu’ils nieront l’essence des peuples et la singularité du lien patriotique inscrit dans une histoire structurante, creuset d’une identité nationale, notre Terre ne restera à leurs yeux embués qu’un vaste espace indifféremment peuplé, dépeuplé, repeuplé par ceux qui la traversent et auxquels il est de bon ton de ne rien demander d’autre que de servir la voracité consumériste mondiale. Au-delà des grands discours, nous nous refusons toujours, par dogmatisme sectaire et naïf, à structurer une vision de ce que doit être notre pays sur la scène mondiale, à nourrir une ambition nationale, encore moins à la concrétiser méthodiquement. On avance par à-coups et par « coups » aussi. Or, l’opportunisme n’est jamais qu’une habileté tactique, en rien une stratégie. C’est là que cela se gâte. Alors que le monde entier a pris le tournant réaliste et se met en ordre de bataille, alors que les alliances sont à géométrie variable car on ne croit plus à rien ni à personne (tout en affectant de vouloir la concorde et le dialogue multilatéral), alors que toutes les nations sont en danger de mort si elles ne trouvent pas le courage d’affirmer leurs intérêts nationaux pour survivre dans la nouvelle « Tour infernale » au sommet de laquelle s’écharpent Washington et Pékin, notre pays palabre, recule, s’auto mutile et rougit toujours de lui-même.
Notre société semble l’étalon de ses sœurs occidentales, très, trop individualistes, où l’on a complètement perdu de vue la nécessaire complémentarité des droits et devoirs ; sociétés volatiles, désorientées, inconscientes des « cinquièmes colonnes » qui les minent en les culpabilisant. Leur sensiblerie est épidermique ; elles sont sur-informées mais ignorantes, déracinées volontaires, oublieuses d’elles-mêmes en se croyant à la page. Elles sont les idiotes utiles de mouvements enkystés désormais dans la chair des nations et qui fomentent tranquillement leur déliquescence, leur renoncement post moderniste à elles -mêmes dans une extase suicidaire ; elles sont les proies offertes de forces qui hurlent à la tyrannie si on ose les empêcher d’envahir l’espace public et de dénaturer le cœur même de notre vie commune et de notre bien commun. Nos sociétés post-modernes confondent souveraineté et bellicisme, patriotisme et nationalisme, frontière et haine ; elles n’ont plus de culture donc plus de boussole.
Ainsi, tel une cocotte-minute, l’Occident semble près d’imploser car le mondialisme n’a pas tenu ses promesses utopiques. Plus conjoncturellement enfin, on remarquera qu’aux Etats-Unis, l’affaire George Floyd et le déchainement de violence qu’elle a déclenché ont très opportunément fait complètement oublier un autre scandale, celui de « l’Obama-Gate » qui menaçait tout l’Establishment démocrate ; la corruption massive, sur fond de coup d’Etat en Ukraine et de déstabilisation régionale, des grandes figures du « parti de l’âne », et en premier lieu celle de J. Biden, challenger de D. Trump, est passée à la trappe. Après ses dernières maladresses, le président américain parait bien mal parti pour récupérer une partie au moins du vote noir, alors même que celle-ci avait été profondément déçue par la présidence immobile d’Obama en la matière. Mais l’économie américaine repart, infiniment plus vite qu’en Europe. Et sur l’échiquier mondial, grandes manœuvres et petites trahisons se poursuivent entre Washington et Pékin via Hong Kong, entre Moscou (qui semble à force d’avanies, avoir définitivement oublié son rêve d’Europe comme en témoigne sa nouvelle doctrine nucléaire) et Ankara en Syrie et en Libye, entre Téhéran et Israël via le Hezbollah, etc
Et nous, Français, dans tout ça ? Ah …mais nous « déconfinons » ! La grande affaire, avec une économie à terre et une incapacité à dire la vérité aux Français infantilisés à outrance : s’ils persistent à faire de l’égalitarisme et de la revanche sociale les mantras de leur citoyenneté, ceux-ci achèveront de perdre notre pays. La France est sur une ligne de crête décisive. Elle peut chuter ou prendre son envol, mais elle veut encore ignorer le précipice et croire que c’est un refuge douillet contre la brutalité du monde. Donc, nous « déconfinons » notre population et notre économie, à la vitesse de l’escargot, et sur la base folle du volontariat -nouvelle version de la démagogie politique très en vogue-. Mais le déconfinement mental lui, n’est toujours pas à l’ordre du jour. Pourtant, si la France, Phénix aux ailes brisées, ne renait pas très vite avec vigueur et fougue, « on est morts » comme dirait l’autre.
Le déconfinement doit donc être, chez nos élites politiques et intellectuelles, celui de l’état d’esprit. C’est l’heure de recouvrer enfin, tout simplement notre souveraineté ! Souveraineté tous azimuts : stratégique, diplomatique, en matière de défense et de sécurité ; souveraineté industrielle, économique, sanitaire, souveraineté technologique, numérique et même aéronautique; et naturellement notre souveraineté culturelle aussi. Nos atouts sont très nombreux. Même le carcan européen -qui n’a pas que des défauts- nous laisse des espaces d’affirmation de nos intérêts nationaux. Il suffit de les investir résolument, de les occuper, de les assumer aussi, sans se défausser au prétexte qu’ils détruiraient la dynamique européenne alors qu’ils la renforceront bien au contraire. Une fois encore, on ne fera pas l’Europe par-dessus ou contre les Nations, mais avec elles.
Mais la souveraineté, c’est d’abord dans la tête. Ce sont des limites intérieures à la complaisance, à l’inertie ou à l’obéissance. C’est de l’amour propre à l’échelle de l’Etat et de la patrie. C’est ce qui nous sauvera. Jamais plus en effet, nous n’aurons une telle chance de pouvoir nous repenser en liberté. Le Coronavirus a permis d’ouvrir les vannes budgétaires avec un prétexte en or. Il faut en profiter pour recalibrer tout notre socle régalien, pour oser enfin la puissance au nom de la souveraineté, pour reprendre du poids et du muscle sur la scène internationale. Il y a tant à faire pour qu’on nous prenne de nouveau au sérieux ! Déjà arrêter de demander la permission, arrêter d’avoir peur du jugement de nos pairs, sortir des langes…et sortir de l’OTAN pendant qu’il en est encore temps, avant que l’Alliance ne nous entraîne dans une nouvelle aventure folle en Asie ou en Afrique au nom de la sécurité mondiale mais surtout au profit des intérêts strictement américains !
La France a donc aujourd’hui une immense responsabilité : celle de mettre fin officiellement à la sujétion militaire de l’Europe aux Etats-Unis qui est tout sauf une fatalité. Cessons de nous mentir : il n’y aura, sinon, jamais de défense européenne crédible. Si nous ne choisissons pas, nous serons bientôt, tel l’âne de Buridan, morts de faim ET de soif : ni d’accord avec l’impérialisme atlantique, ni capables de lui opposer une véritable alternative adaptée aux intérêts européens et d’abords français !
On dit souvent que nous n’avons plus les moyens d’être souverains. L’excuse vient de sauter. Nous en avons désormais les moyens avec les budgets votés par l’UE pour enrayer la récession économique européenne. Evidemment, ce processus de semi-mutualisation des dettes semble approfondir un peu plus encore l’évolution fédéraliste délétère de notre Vieux Continent. C’est très grave, mais on peut pour une fois, y trouver notre intérêt propre en saisissant l’opportunité inédite des moyens du relèvement national. Pourquoi ne pas voir enfin grand, au lieu de toujours mettre des rustines ? C’est paradoxalement en réformant aux bonnes dimensions notre appareil de défense et de sécurité et notre politique étrangère (tout autant que notre politique industrielle et notre appareil sanitaire) que nous paraîtrons bientôt aux yeux de nos partenaires, qui depuis trop longtemps moquent nos fanfaronnades inconséquentes, non des cigales au petit pied, mais des fourmis ailées.
*Caroline Galactéros, Présidente de Geopragma
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