Après onze mois au pouvoir, le gouvernement Couillard l’apprend royalement : on ne patauge pas longtemps sans contrecoup dans des sables mouvants et en terrain miné. La démission du ministre de l’Éducation Yves Bolduc, souhaitée de toute part depuis des mois, était tout à fait prévisible. La tension accumulée s’avérait trop forte sur le titulaire qui n’a cessé de commettre bourde après bourde et de donner des signes d’incompétence depuis qu’il occupe ce poste névralgique. Les nombreuses déclarations de l’ex-ministre ont suscité plusieurs controverses et fait monter aux barricades ceux et celles qui œuvrent dans le secteur de l’éducation. Son départ n’annonce pas nécessairement des jours tranquilles, même s’il soustrait un embarras au gouvernement.
Depuis son arrivée au pouvoir, le présent gouvernement n’a cessé de parler d’austérité, de déficit zéro, de coupures dans les programmes, de restrictions, de réorganisation de la fonction publique et j’en passe. Le bulldozer de l’austérité, sous l’imperturbable président du conseil du trésor Martin Coiteux, n’a ménagé personne. Devant l’impopularité grandissante de ses politiques, le premier ministre parle maintenant de rigueur et non plus d’austérité. L’effet est le même et ça passe très mal dans la vie de bien des gens. La santé et l’éducation, qui représentent les plus grosses dépenses de l’État québécois, sont, bien entendu, les secteurs les premiers visés par les mesures draconiennes du gouvernement Couillard. Le remue-ménage annoncé en un temps record par ce dernier dans les secteurs névralgiques fait réagir les travailleurs et la population en général. La démission de monsieur Bolduc montre quelque peu l’improvisation et la précipitation dans la mise en place de ces réformes et, par surcroît, les failles évidentes dans la composition de l’équipe ministérielle. Ce n’est un hasard si le premier ministre a décidé de contrôler l’accès direct des médias à ses ministres. Les déclarations dissonantes de certains porteurs de dossiers ministériels feraient mal en ces temps de turbulences.
L’arrivée de François Blais à titre de ministre de l’Éducation semble une bonne nouvelle puisqu’il est un excellent universitaire de carrière. Ce n’est donc pas un secteur inconnu pour cet homme discret, mais efficace selon ses antécédents. Il n’aura pas la tâche facile, mais il saura sans aucun doute calmer le jeu et utiliser un vocabulaire ajusté pour parler aux intervenants du milieu scolaire. L’éducation doit redevenir la priorité du gouvernement. C’est en ces mots que s’exprimait la semaine dernière Paul Gérin-Lajoie, âgé maintenant de 95 ans et premier titulaire de ce ministère mis en place en 1964. Mais cela ne semble au menu du jour du gouvernement, au contraire, on sabre dans les budgets qui déjà souffrent de sous-financement. La situation actuelle du milieu scolaire n’est pas à son meilleure. Nous apprenions au cours du mois de février, selon une étude de chercheurs de l’Université Laval, que la réforme scolaire mise en place il y a quinze ans est loin d’atteindre les résultats escomptés et a même fait plus de tort que de bien chez les garçons et les élèves à risque. Ne parlez plus de réforme aux enseignants, ils en ont ras-le-bol, un point c’est tout. Il ne manquait plus que cela pour remonter le moral des troupes dans nos écoles.
L’école sera toujours le terreau de notre devenir collectif. Les artisans de la Révolution tranquille, il y a 40 ans, avaient misé sur l’éducation comme le levier du Québec de demain. Ce fut le premier projet de société, accessibilité pour tous à l’éducation. Il me semble qu’en ce temps de morosité, l’école devrait être une des fiertés du Québec. Nous le savons bien, il ne peut y avoir de société nouvelle sans une éducation de qualité, sans un investissement à long terme. Investir en éducation, c’est investir dans le développement social et économique de la province. On ne peut penser l’éducation à court terme. On vit malheureusement dans un monde éphémère, au gré des modes et du prêt à jeter. Penser à court terme en éducation est réducteur et dangereux; au risque de faire de l’école une machine distributrice de cours. Il faut de la vision, des exigences et des défis à proposer aux jeunes Québécois. Certes, l’instruction est importante à l’école, mais l’encadrement et l’environnement le sont tout autant. L’éducation doit être le socle de notre présent, de notre devenir.
Pierre et Louise, deux profs à la retraite depuis cinq ans, m’ont partagé récemment leurs préoccupations. L’école a été leur vie pendant trente-cinq ans et ça paraît dans leurs yeux lorsqu’ils en parlent. Ils en sont toujours passionnés. Ce qui m’a touché le plus dans notre échange, c’est leur façon de parler des jeunes. Ils ont gardé le feu sacré. C’est comme s’ils avaient encore de la poussière de craie sur les doigts. « L’éducation, c’est pour la vie! C’est sans doute le beau cadeau à offrir aux générations qui avancent », m’ont-ils dit. Puissent-ils être entendus par nos décideurs et nos éducateurs. La vraie question au fond, l’école c’est pour qui?
Devant les défis qui se posent à notre société, comment l’école d’aujourd’hui pourra-t-elle permettre à des jeunes de mieux chercher qui ils sont, de trouver des points de repère, de compter sur des éducateurs compétents et de découvrir des valeurs significatives qui leur ouvrent un chemin d’avenir, d’espoir en demain? Les jeunes désirent ardemment réussir leur vie. On peut s’interroger sur ce qu’est devenu notre système éducatif? Les jeunes sont-ils toujours au centre de nos réformes et de nos restructurations répétitives? Bonne chance au nouveau ministre de l’Éducation, qui espérons-le, saura faire de l’Éducation une vraie priorité malgré les rigueurs budgétaires.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé