Sommes-nous une nation ou un symbole ?

Canada-Québec - sortir ou rester ? <br>Il faudra bien se décider un jour...


Discours prononcé lors de la Fête nationale, à Sainte-Catherine-de-Hatley, le 23 juin 2007.
On reproche constamment aux Québécois – moins souvent aux Québécoises - de manquer d’idées, d’avoir peur des débats d’idées, des luttes de concepts, des transferts de connaissances, des greffes de pensée à cerveau ouvert, bref, de tout ce qu’on peut faire maintenant sur un I pod.
Personnellement, j’ai plutôt l’impression du contraire, que tout ce qu‘on fait c’est de brasser des idées, perpétuellement les mêmes vieilles idées.
Dans un concours de brassage d’idées, qui c’est qui gagne ? La brasseuse qui brasse le plus longtemps ? Remarquez qu’avec Hydro-Québec, on a un avantage ! Qui c’est qui perd ? La brasseuse dont les idées sont de plus en plus grises ? Dans ce cas-là, la politique de l’autruche sur les effets de serre favorise nettement Ottawa ! Oui ! mais quelles sont les conditions gagnantes pour gagner ? Même là-dessus, y faut se faire une idée !
Récemment avec étonnement, surprise et enthousiasme modéré, on apprenait par la bouche du premier-ministre en exercice – j’allais ajouter militaire - Stephen Harper, que le gouvernement d’Ottawa reconnaissait le Québec comme nation.
L’étonnement, la surprise et l’enthousiasme modéré à peine passés, nous apprenions de la bouche du même premier-ministre avec le même sourire en coin et du même gouvernement que cette reconnaissance n’était qu’une reconnaissance symbolique, donc sans conséquence. J’étais, vous étiez, nous étions devenus des symboles, donc sans conséquence. Et un nouvel avenir politique s’ouvrait devant nous !
Une déclaration symbolique d’indépendance
Quitte à affronter la stupeur, l’effroi et l’hystérie collective du Canada tout entier, l’Assemblée nationale québécoise se doit, dans le même esprit et dans les plus brefs délais, de déclarer, solennellement et de préférence unanimement, l’indépendance du Québec.
Une fois dépassées les premières réactions collectives de stupeur, d’effroi et d’hystérie spasmogène du Canada – si la chose est concevable – l’Assemblée nationale n’aura qu’à préciser à son tour avec un sourire en coin que la dite déclaration d’indépendance est symbolique donc sans conséquence.
La prochaine étape sera dès lors d’obtenir de tous les pays du monde une reconnaissance symbolique du Québec donc sans conséquence. C’est le genre d’accord de principes que presque tous les pays seront prêts à accorder en principe dans la mesure où leur signature elle-même sera considérée comme symbolique.
Nous serons ainsi les premiers au monde à avoir été reconnu comme un symbole avant de l’être comme pays. Ce n’est pas comme ça qu’on va obtenir un siège aux Nations unies mais on est assuré d’ores et déjà d’avoir une place dans le Livre des records Guinness et dans le Dictionnaire des symboles à la rubrique : Québec – synonyme de sans conséquence.
Duvernay n’avait pas organisé un banquet symbolique
Évidemment lorsqu’on est devenu des symboles reconnus et qu’on arrive au moment de célébrer la fête nationale, ça peut poser un problème. En 1834, lorsque Ludger Duvernay a organisé le premier banquet de la Saint-Jean-Baptiste, ce n’était pas un banquet symbolique sans conséquence comme une épluchette de blé d’inde. C’était un banquet patriotique et politique !
À l’époque le poste de gouverneur-général qui n’était pas symbolique accordait à ce dernier le droit de dépenser selon son bon plaisir et d’accorder des postes grassement rémunérés à ses amis qui étaient dispensés de présenter des pièces justificatives.
L’opposition du Parti patriote n’avait rien de symbolique : elle réclamait pour le Parlement le droit de contrôler annuellement les dépenses publiques et de faire ses lois dans la langue de la majorité qui était canayenne. Ajoutez à cela le droit de signer ses traités et vous avez la question du dernier référendum. La répression de 1837 n’était pas symbolique pas plus que les pendus de 1839 n’ont été pendus en effigie, mais par le cou, haut et court.
L’Acte d’Union de 1840 - qui était un « réaménagement administratif sous la direction d’un gouverneur général » - invitait les Canayens à faire de la figuration muette ou intelligente, c’est-à-dire prononcer un mot ou deux en anglais de temps en temps pour manifester leur présence.
Lorsque le Bloc canayen a voulu transformer sa figuration historique en un premier rôle, l’incendie qui éclate spontanément au Parlement n’avait rien de symbolique. Il a même bénéficié de l’aide des pompiers qui ont refusé de l’éteindre. Pour sa part, l’opposition politique du Parti rouge des frères Dorion et de Joseph Doutre à l’Union n’avait rien de symbolique pour autant. Elle honorait toujours l’esprit du premier toast du premier banquet de 1834 : Au peuple source légitime de toute autorité !
La Confédération de 1867 n’était guère plus qu’un nouveau « réaménagement administratif sous la direction d’un gouverneur-général » qui invitait toujours l’Aile canayenne à faire de la figuration muette ou intelligente. Inspiré par les pots de vins de la construction du chemin de fer, John A. Macdonald trouve enfin le symbole économique qui incarne l’unité canadian : deux rails sur des dormants d’un océan à l’autre.
Avec l’arrivée au pouvoir du Parti national en 1886, Québec cesse d’être l’antichambre ou la maison de retraite pour les doublures d’Ottawa. Honoré Mercier met fin à une lignée de premiers-ministres symboliques, revendique l’autonomie pour le Québec et organise la première Conférence des premiers-ministres canadians pour les mettre au parfum.
Un refus qui n’avait rien de symbolique
Au tournant du XXe siècle, l’opposition d’Henri Bourassa, d’Armand Lavergne et de la Ligue nationaliste à la guerre des Boers, puis à la Conscription de 1917, tout comme l’opposition du Bloc populaire d’André Laurendeau à la Mobilisation, lors du plébiscite de 1942, n’avaient rien de symbolique. Leur refus de participer était celui d’une majorité de Québécois qui refusaient de combattre dans des guerres coloniales ou de se faire tuer en anglais sous la direction d’un gouverneur-général. Comme aujourd’hui pour la guerre d’Afghanistan !
En 1982, lors du rapatriement unilatéral de la Constitution, le premier-ministre Pierre Elliott Trudeau apportait un ajout symbolique à la définition canadian du « réaménagement administratif sous la direction d’un gouverneur-général ». Dorénavant, la largeur des dormants des deux rails de la Confédération incarnera le rayon d’action du bilinguisme d’une mare à l’autre.
Peut-on oser soutenir sans faire preuve d’une mauvaise foi atavique que les grandes réalisations de la Révolution tranquille sont des actions symboliques sans conséquences ? Comme l’avènement de l’indépendantisme moderne avec le RIN, la création du Parti québécois, la loi 101, le Référendum de 1980, la presque victoire référendaire de 1995, le miracle culturel québécois et tout récemment le rôle de leader du Québec auprès des nations du monde entier dans l’Entente internationale sur la protection de la diversité culturelle ?
Avec ou sans chicane, la question du prochain référendum se devra d’être claire et péremptoire : Sommes-nous un symbole ou un pays, cibole ? Le moment venu ci-bo-le ! ne sera pas accepté. Il faudra choisir un des deux mots les plus compromettants en politique : oui ou non ? L’indépendance ou une travée symbolique sur des dormants ?


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