C’est ce qu’on pourrait appeler l’oblitération budgétaire. Les attentats terroristes de Belgique ont éclipsé mardi le premier budget de Justin Trudeau de la même manière que les arrestations fracassantes de l’UPAC avaient fait de l’ombre au budget Leitão une semaine plus tôt. Avec pour résultat que le déficit trois fois plus copieux que prévu n’a pas essuyé toutes les critiques auxquelles on aurait pu s’attendre.
Rarement budget fédéral aura fait l’objet de si peu de couverture médiatique. Les bombes dans l’aéroport et le métro de la capitale belge ont relégué les milliards de dépenses — et de déficit — du gouvernement libéral au second plan. Et comme si ce n’était pas assez, le controversé maire de Toronto qui avait reconnu consommer du crack, Rob Ford, est décédé le même jour.
L’éclipse s’est prolongée un jour de plus. Le lendemain du dépôt d’un budget est généralement l’occasion pour les partis d’opposition de tailler en pièces le document, chaque chef mettant en lumière les oublis du gouvernement et les promesses trahies. Or, mercredi au petit matin, le député conservateur albertain Jim Hillyer a été retrouvé mort dans son bureau parlementaire à Ottawa.
Ébranlés, les élus ont décidé d’un commun accord de rendre hommage à leur collègue à la Chambre des communes puis de fermer celle-ci pour la journée. Il n’y a pas eu de période de questions. Le Parlement a bien repris ses activités jeudi, mais comme c’était la veille du congé pascal, le premier ministre n’y était pas. La Chambre des communes a fermé ses portes jeudi et ne reprendra du collier que le 11 avril prochain. Soit le lendemain du vote de confiance du chef du NPD, Thomas Mulcair, ce qui risque de détourner encore une fois l’attention…
Promesses remisées
Ce premier budget du ministre des Finances Bill Morneau remplit de nombreuses promesses électorales libérales : la nouvelle allocation pour les enfants est de fait plus généreuse, le gouvernement y injectant 5,4 milliards de dollars par année de plus. Les autochtones obtiennent un copieux 6,9 milliards de nouveaux investissements en cinq ans. La promesse d’ajouter 60 milliards en dix ans au plan conservateur en infrastructures est maintenue (quoiqu’une partie de l’argent sera décaissée plus tard que prévu). Mais d’autres promesses passent à la trappe.
Ainsi, les libéraux mettent sur la glace une réduction d’impôt qui était prévue pour les petites entreprises. Dans le précédent budget conservateur, en effet, il avait été décidé que le taux d’imposition de ces petites entreprises passerait de 11 % à 10,5 % en 2016, à 10 % en 2017, puis à 9,5 % l’année suivante pour s’établir à 9 % au 1er janvier 2019. Sans faire de promesse électorale spécifique à ce sujet, les libéraux s’étaient engagés en campagne à respecter ce calendrier. Ils ont d’ailleurs ramené le taux à 10,5 % en janvier. Or, leur premier budget, est-il écrit, « propose que toute autre réduction du taux d’imposition du revenu des petites entreprises soit différée ». Le taux de 10,5 % sera maintenu.
« Pourquoi le gouvernement libéral trahit-il la classe moyenne avec cette promesse brisée d’un milliard de dollars pour les petites entreprises ? » a attaqué le conservateur Pierre Poilievre à la Chambre des communes jeudi. On ignore d’où M. Poilievre tient ce chiffre. Selon les documents budgétaires, le maintien du taux à 10,5 % représente plutôt une rentrée fiscale imprévue de 125 millions en 2017-2018.
Les libéraux n’ont pas non plus aboli les subventions au secteur de l’énergie fossile. Leur cadre financier dévoilé en campagne prévoyait une économie de 125 millions la première année, puis de 250 millions les années suivantes. Ottawa lève donc le nez sur ces revenus supplémentaires au motif que le secteur énergétique se porte trop mal pour lui assener un autre coup. Le retrait de ces subventions viendra, mais « à moyen terme », a indiqué le gouvernement cette semaine.
Quant à la réforme du programme d’assurance-emploi, bien qu’elle soit mise en avant comme prévu (annulation de l’obligation instaurée par les conservateurs d’accepter des emplois plus éloignés et moins payants, abandon de la règle de qualification au programme plus sévère pour les nouveaux chômeurs, réduction de la période de carence à une semaine), elle n’est pas complète. Le gouvernement n’a pas bonifié, comme prévu, les congés parentaux et les congés de compassion — financés à même la cagnotte de l’assurance-emploi. Les parents ne pourront donc pas immédiatement prolonger leur congé parental à 18 mois (avec prestations moindres) ou le segmenter pour l’étaler sur une année et demie. Et les proches d’une personne malade ne pourront pas dans l’immédiat obtenir un congé payé pour s’en occuper si la mort n’est pas imminente.
Au chapitre de l’assurance-emploi, cependant, notons que le budget contient une surprise. Dans les régions durement touchées par la baisse des prix des ressources naturelles, les modalités du programme sont plus généreuses. Tous les chômeurs obtiennent automatiquement cinq semaines de prestations supplémentaires, pour un maximum de 50 semaines. Pour les travailleurs de longue date, ils pourront obtenir 20 semaines supplémentaires, jusqu’à un maximum de 70 semaines.
Au total, douze régions sont visées : le nord des quatre provinces de l’ouest et de l’Ontario, le sud de l’Alberta, Calgary, Saskatoon, Sudbury, Whitehorse, Terre-Neuve et le Nunavut. Pour se retrouver sur cette liste, il fallait qu’une région ait vu son taux de chômage augmenter de deux points de pourcentage ou plus entre mars 2015 et février 2016 par rapport au minimum atteint au cours des trois mois précédant cette période.
L’absence de région du Québec a été déplorée par certains, et le premier ministre de la Saskatchewan, qui est en pleine campagne électorale, a dénoncé le fait que certaines zones de sa province soient exclues. « Ils sont passés à côté d’une grande partie de la zone pétrolifère de Saskatchewan avec cette initiative », a dit M. Wall.
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BUDGET FÉDÉRAL
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