OTTAWA | Trois ans après le scandale des Panama Papers, seulement 12 des 900 Canadiens ou entreprises canadiennes identifiés dans les paradis fiscaux ont été sommés de remettre de l’argent au fédéral.
L’Agence du revenu du Canada (ARC) a confirmé à notre Bureau d’enquête avoir réclamé 9,1 millions $ en impôts impayés et pénalités à ces 12 entités qu’elle accuse d’avoir caché de l’argent dans un paradis fiscal en date du 30 novembre dernier.
Les contribuables concernés peuvent toujours contester cette réclamation devant les tribunaux, donc rien ne dit que les sommes seront effectivement récupérées.
En comparaison, d’autres pays comme l’Espagne, l’Australie et l’Équateur avaient non seulement réclamé, mais aussi récupéré des dizaines de millions de dollars au 1er janvier 2018 (voir ci-dessous), selon une compilation du Consortium international des journalistes d’investigation (CIJI).
«C’est vraiment juste la pointe de l’iceberg à laquelle l’Agence s’est attaquée à date. Il y a clairement un besoin de la part du gouvernement Trudeau d’en faire plus, même s’ils ont déjà investi plus d’argent dans la lutte à l’évasion fiscale», s’étonne Toby Sanger, directeur exécutif de l’organisme Canadiens pour une fiscalité équitable.
«J’étais surpris et déçu quand vous m’avez fait le bilan du travail de l’ARC», a-t-il ajouté en entrevue.
900 particuliers et sociétés
Publiés en avril 2016 par le CIJI, les Panama Papers étaient le résultat de la fuite de 11,5 millions de documents du cabinet panaméen Mossack Fonseca.
L’ARC dit y avoir identifié au moins 724 particuliers, 135 sociétés et 35 fiducies canadiennes dans les Panama Papers en date du 30 novembre, selon un document déposé à la Chambre des communes la semaine dernière.
Après analyse, le fisc a décidé de faire des audits auprès d’au moins 197 de ces particuliers et 38 de ces sociétés. C’est à partir de là que les 12 avis de cotisation ont été envoyés. Ces chiffres pourraient augmenter avec le temps, ajoute l’organisme fédéral.
À ce nombre s’ajoutent « moins de 10 » enquêtes criminelles, mais aucune accusation n’a été déposée à ce jour.
«Les vérifications de ces arrangements fiscaux complexes à l’étranger sont longues et nécessitent beaucoup d’efforts, compte tenu des renseignements et des documents requis pour confirmer l’inobservation fiscale possible», explique un porte-parole de l’ARC.
«Le fait d’être nommé dans des listes telles que les Panama Papers n’implique pas automatiquement que le contribuable a commis un évitement fiscal agressif et/ou une fraude fiscale. Il n’est pas illégal d’avoir des comptes ou des fiducies à l’étranger aussi longtemps que le revenu est déclaré et que les impôts sont payés au Canada», ajoute l’Agence.
«La trappe se referme»
Appelée à commenter le faible nombre d’avis de cotisations émis par l’ARC à ce jour, la ministre du Revenu national, Diane Lebouthillier, a défendu le travail de son gouvernement en soulignant le milliard de dollars investi depuis trois ans pour la lutte à l’évasion fiscale.
«Nos investissements historiques ont notamment permis à l’Agence d’embaucher plus de 1300 vérificateurs. Nous avons ainsi effectué deux fois plus de vérifications liées à l’inobservation à l’étranger dans les trois dernières années qu’en 10 ans sous les conservateurs. La trappe se referme», a-t-elle indiqué dans une déclaration écrite au Journal.
Ces pays récupèrent des millions... mais pas le Canada
- Allemagne : 210 M$
- Espagne : 122 M$
- Équateur : 82,6 M$
- Australie : 45,5 M$ et 170 kg de pièces et lingots d’argent
- Mexique : 27 M$
- Malte : 9,4 M$
- Canada : 9,1 M$ (identifiés mais non récupérés)
- Lithuanie : 377 000 $
Sources : Consortium international des journalistes d’investigation et gouvernement du Canada