On avait bien besoin de ça...
Après des années d’allégations inquiétantes sur le milieu de la construction et le financement des partis politiques. Après une commission d’enquête au rapport plombé par un de ses commissaires et aux recommandations toujours inappliquées.
Après que le monde municipal eut été chamboulé plus souvent qu’à son tour. Après qu’un ancien premier ministre et son collecteur de fonds eurent été mis sous la loupe d’une enquête en apparence interminable.
Après qu’une crise des délais de justice s’est incrustée depuis plusieurs mois, on avait bien besoin que le procès de Tony Accurso avorte, comme pour finir de nous convaincre que plus rien ne va.
Et pourtant...
Depuis quelques années, au Québec, on a assisté à une formidable libération de paroles contre des façons de faire qui, si elles étaient passées dans l’usage commun, n’en demeuraient pas moins immorales et inacceptables. Collectivement, on en a appris davantage sur les stratagèmes qui permettaient de voler le contribuable, de nombreuses lois ont été modifiées et les pratiques se sont améliorées.
Il est permis de croire que tout ce contexte et le climat ambiant ont assaini les mœurs. On se conduit différemment lorsqu’on craint de se faire prendre.
N’empêche que, au cours des dernières années, les citoyens ont eu bien des raisons de se conforter dans leur cynisme. Le système judiciaire leur a offert bien peu de consolations. Ce n’est pas sa fonction de flatter les masses, mais maintenir une apparence de justice est au cœur de sa mission.
Impunité ?
La crainte qui nous taraude, c’est celle de vivre dans un État où l’impunité n’est peut-être pas totale pour les puissants, mais où le châtiment est bien ardu à mettre en œuvre.
D’où la tendance à tout amalgamer, comme on le voit sur les réseaux sociaux. D’où le réflexe de soupçonner qu’un complot est l’explication la plus plausible quand un procès avorte à cause d’un événement en apparence fortuit. D’où le fait d’être porté à croire un ancien policier devenu député lorsqu’il lance des accusations invérifiables contre tout le monde et sa sœur.
D’où la volonté, tout à fait légitime, de voir aboutir des enquêtes policières comme Mâchurer concernant Jean Charest et Marc Bibeau. On comprend la complexité de telles opérations et tous les obstacles juridiques qu’elles trouvent sur leur chemin, mais les citoyens veulent des résultats.
Procès publics
C’est l’air du temps et ce n’est pas étranger au contexte de dénonciations spectaculaires – parfois abusives, mais généralement salutaires – dont nous sommes témoins cet automne. Devant l’apparente incapacité des institutions légitimes à rendre justice, on veut jeter la lumière sur les comportements délinquants.
Il faut quand même garder en tête que l’UPAC n’a pas dit son dernier mot, concernant Mâchurer, et que Tony Accurso devra revenir en cour pour être jugé. L’État de droit demeure le meilleur rempart contre la loi du plus fort et le chaos.
Reste que c’est un sale temps pour ceux qui voudraient simplement continuer à croire que notre système de justice fonctionne et qu’il arrive encore à mener sa tâche à bien.