Paul Gourdeau - Je suis un salaud, comme me l'a bien fait remarquer un manifestant à ma sortie du Salon Plan Nord vendredi. Eh oui! Un de ces «riches» (quel horrible mot), exploiteur, sale libéral (je n'ai jamais fait de politique de ma vie) et autres épithètes que je n'ose répéter qui m'ont été attribués par les cinq ou six petits groupes aux carrés rouges rencontrés sur ma route.
J'imagine que dès qu'on porte un habit et une cravate, on est une race à abattre.
Après avoir été tenu en otage pendant quelques heures au Palais des congrès, je marchais paisiblement sur De La Gauchetière pour retourner au bureau, bien en retard, quand un autre manifestant (portant le foulard d'usage) m'a bousculé au passage et m'a lancé une autre insulte. Pas pour me blesser, juste assez pour tenter de me provoquer.
Je l'avoue, je suis un salaud d'après les critères de plusieurs ces jours-ci. Je fais partie de la tranche de 4,1% des contribuables dits «riches» qui gagnent plus de 100 000$ par année et qui paient «seulement» 41% du total des impôts qui servent à notre «sale gouvernement» à payer nos hôpitaux, nos garderies ainsi que nos cégeps et universités. Je ne me plains pas de mon niveau d'imposition. J'ai parfaitement conscience que je suis bien chanceux d'être dans ma situation.
Évidemment, ce n'est pas que de la chance. Je suis allé au cégep, j'ai eu un diplôme et ensuite trouvé du travail. J'ai remboursé mes prêts étudiants. Je suis retourné aux études à l'université et me suis à nouveau endetté. J'ai ensuite trouvé un bon boulot dans une excellente entreprise et recommencé à rembourser mes prêts.
Voilà de cela 24 ans. Je travaille toujours dans la même entreprise, où je fais un travail passionnant et palpitant, qui me permet aussi de très bien gagner ma vie. Je paie beaucoup d'impôts, n'achète rien «au noir», donne généreusement à plusieurs organismes de charité et suis sincèrement content de contribuer au bien-être de notre société. Je suis d'accord pour faire ma part en fonction de mes moyens.
Malheureusement, je ne suis pas aussi «solidaire» que l'individu qui m'a bousculé et insulté vendredi, car je ne manifeste pas, ne revendique pas, et je ne casse rien. Je suis un salaud, car avec mes 4,1% d'amis riches, on paie seulement 41% de la facture. D'après les statistiques, plus de 50% des contribuables ne paient pas d'impôts sur le revenu au Québec. Nous vivons dans une société parmi les plus égalitaires au monde en ce qui concerne la redistribution de la richesse.
La vraie solidarité, dixit la CLASSE et autres revendicateurs, c'est la «gratuité scolaire» où on fait payer les autres, surtout ces salauds de «riches», ces exploiteurs. Tout à moi, tout m'est dû, et que les autres paient pour moi. Il me semble qu'ils ont mal compris le sens du mot solidarité à la CLASSE.
J'ai de prime abord de la sympathie pour la cause des étudiants, mais leurs leaders ne sont-ils pas aussi entêtés que ceux qu'ils accusent d'être intransigeants? Oui, la ministre Beauchamp et M. Charest se montrent inflexibles, mais avons-nous entendu une seule fois les leaders étudiants dire autre chose que c'est le gel ou rien (ou la gratuité dans le cas de la CLASSE)? Faut être deux pour danser.
Je souhaite que cette question se règle rapidement, mais il faudrait ajouter un cours obligatoire pour tous les étudiants du Québec sur le vrai sens des mots solidarité, efforts, responsabilité, et aussi sur le sens du devoir civique.
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Paul Gourdeau
L'auteur réside à Brossard.
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