Si l’on se fie aux engagements des partis politiques en campagne au Québec, il sera désormais plus difficile pour une société étrangère de mettre la main sur une entreprise québécoise d’une certaine importance. En soi, l’idée est intéressante. En pratique, les choses sont complexes et tous les moyens ne se valent pas.
Quelques jours à peine avant le déclenchement de la campagne électorale, le gouvernement Charest a laissé savoir qu’il n’approuvait pas l’acquisition du quincaillier Rona par le géant américain Lowe’s. La direction de Rona n’étant elle-même pas d’accord avec l’offre de 14,50 $ par action, Québec a fait appel aux acteurs financiers sur lesquels il exerce une certaine autorité, tels le Fonds de solidarité, la Caisse de dépôt et Investissement Québec, pour un regroupement des forces.
Cette intervention conduit à se demander si le gouvernement libéral était opposé à la transaction parce qu’elle priverait le Québec d’une entreprise importante, comme il l’a prétendu, ou parce qu’elle ne répondait pas aux attentes de la direction de Rona. ? Qu’arrivera-t-il le jour où l’offre de Lowe’s sera suffisamment élevée pour séduire la direction de Rona ?
L’affaire Rona a amené les partis politiques à promettre de protéger la propriété des sociétés québécoises. À la Coalition avenir Québec, on s’engage à modifier le mandat de la Caisse de dépôt pour qu’elle investisse jusqu’à 20 de ses 166 milliards d’actif dans les 25 plus grandes sociétés québécoises afin de détenir une minorité de blocage en cas d’offres hostiles.
Un gouvernement de la CAQ irait-il jusqu’à donner l’ordre à la Caisse de bloquer une transaction de gré à gré qui ne ferait pas son affaire ? L’histoire ne le dit pas, mais en soi, on comprend que sous François Legault, la Caisse perdrait une grande partie de son indépendance.
Au Parti québécois, on veut aussi modifier le mandat de la Caisse pour qu’elle investisse au Québec au moins 10 milliards de plus que les 45 milliards actuels. Ce qui pose un problème sérieux puisque, contrairement aux revenus fiscaux, l’argent de la Caisse, qui a perdu 40 milliards en 2008, n’appartient pas à l’État, mais aux déposants.
En outre, le PQ veut faire adopter une loi qui obligerait la direction des sociétés à tenir compte des intérêts de tous les acteurs au sein d’une entreprise, et non plus seulement ceux des actionnaires, avant d’accepter une offre d’achat.
Quant au Parti libéral, il rejette l’idée de modifier le mandat de la Caisse et propose plutôt d’adopter une loi qui autoriserait un conseil d’administration à repousser une offre hostile jugée insuffisante sans devoir la présenter aux actionnaires. De telles lois existent dans certains États américains comme l’Iowa, où les administrateurs de la compagnie Casey ont déjà refusé une offre d’achat hostile présentée par Alimentation Couche-Tard. Mais elles n’empêchent pas les transactions à l’amiable comme celle qui a été présentée par Lowe’s à Rona.
Au fil des ans, le Québec a vu plusieurs de ses entreprises passer aux mains de firmes étrangères… et l’inverse est aussi vrai. Si l’objectif de garder chez nous les sièges sociaux mérite qu’on adopte des mesures préventives, le prochain gouvernement devra d’abord soumettre ses idées à la consultation pour éviter qu’elles ne se retournent contre les entreprises du Québec et, dans le cas de la Caisse de dépôt, contre ses épargnants.
Élections 2012
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