La messe est dite: Hosni Moubarak a décidé de s'accrocher au pouvoir. Il n'est pas question de plier bagages avant les élections de septembre. Aussi immédiate que colérique, la réaction des manifestants laisse présager une possible radicalisation.
Drôle de journée. Dans la matinée d'hier, une rumeur d'autant plus persistance qu'elle émanait de gens du sérail, des initiés, annonçait la démission du président dans les heures qui suivent. Puis, une information, celle-ci confirmée, révélait que les membres de l'état-major étaient plongés dans une réunion d'urgence. Après une valse-hésitation de quelques heures, la conclusion est tombée: Moubarak reste. Il reconnaît comme légitimes les aspirations du peuple, mais pas question de jeter l'éponge aujourd'hui ou demain.
Pas question que l'évolution, à court terme, du destin de la patrie égyptienne soit dictée par une force étrangère. CQFD: les États-Unis. À l'endroit de ce dernier pays, Moubarak a adopté la position du frondeur. À deux reprises il a écorché, sans la nommer, la politique arrêtée par le président Barack Obama et la secrétaire d'État, Hillary Clinton. En clair, la maîtrise de l'ordre du jour appartient encore et toujours, d'affirmer en substance Moubarak, au gouvernement égyptien en place.
Au cours des prochaines semaines, deux comités rassemblant notamment des juristes vont plancher sur un certain nombre d'amendements à la Constitution. Des amendements qui sont autant de préalables obligés à l'organisation d'élections dites libres. Mais également à l'allocation de certains pouvoirs que Moubarak s'est promis de transférer au vice-président nommé il y a une quinzaine, soit le général et ex-patron des services de renseignement Omar Souleimane.
Quand on y songe, la défense choisie hier par Moubarak est très légaliste. Il colle au plus près à une Constitution écrite au début des années 70 par un autre général-président, Anouar al-Sadate. Il colle (bis) à un texte composé pour asseoir le pouvoir de la caste militaire. Ce faisant, il a pris le risque d'alimenter les braises de la révolte. À preuve, la réaction, parmi d'autres, de Mohamed el-Baradei, avocat de formation, qui estime que non seulement Moubarak doit partir, mais également qu'il y a lieu de suspendre une Constitution si désuète qu'elle ne peut répondre aux requêtes, certaines immédiates, du peuple égyptien.
Dans cette obstination, celle évidemment des dirigeants actuels, un fait, une réalité, un constat a probablement dû influer sur la suite des choses: l'opposition est quelque peu hétérogène. Les Frères musulmans mis à part, il est vrai qu'en matière d'organisation politique les divers courants qui agitent actuellement la société ne disposent pas, du moins pas encore, des moyens permettant d'être au diapason des nombreux et profonds changements que souhaitent les citoyens.
Cela étant, au cours des trente dernières années le monde arabe a essuyé deux énormes déceptions. Il y a tout d'abord ce pan-arabisme et sa promesse d'une renaissance. Il y a ensuite l'islamisme, ou le salut dans la religion. Et alors? La répression commune à ces deux vecteurs a fait le lit de la stagnation. Notamment de l'économie. Que ce soit en Égypte ou en Tunisie, sans oublier l'Algérie, le Soudan et le Yémen, les gens sont descendus dans la rue lorsqu'ils ont réalisé que la hausse vertigineuse des prix des matières premières était un billet d'entrée en territoire de la faim. Il serait étonnant que le colmatage constitutionnel de Moubarak calme cet... appétit!
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