C’est comme une Porsche Cayenne Turbo jaune serin dans le stationnement de la clinique médicale : même les naïfs la remarquent.
Et les mêmes naïfs ne manqueront pas de voir un abus de pouvoir dans la dernière enveloppe accordée aux médecins, additionnée à d’autres au cours des dernières années, compressions budgétaires ou pas.
Même le plus soumis, le plus docile, le plus conciliant des patients, le plus ramolli de la moyenne peine à réfréner sa colère. Ils étaient dubitatifs, les cons, ils sont maintenant en criss...
Le premier ministre Couillard soutient qu’il n’a pas le choix de payer. Ce serait digne d’une «république de bananes» que de ne pas verser la somme dûe, consentie à l’époque où les médecins canadiens gagnaient davantage.
Ce n’est pas parce que la situation est maintenant inversée qu’il faudrait renégocier tout ça, qu’il ne faudrait pas allonger les milliards! Ce n’est pas parce que la province pauvre donne plus que les riches qu’il faut ralentir le rythme et la valeur des chèques!
Nom de Dieu!, de quoi aurait-on l’air? D’une bande de ploucs! Des gagne-petit! Des demis-civilisés!
Alors soyons à la hauteur de ce que nous sommes! Et faisons une autre génuflexion, n’est-ce pas toujours notre réflexe premier?
Ne sommes-nous pas aujourd’hui à l’hôpital comme nous étions hier au confessionnal? Petit peuple serré de près aux soutanes... Contrit devant les sarraus, espérant un lit ou une coloscopie en faisant le signe de croix...
Plusieurs sont convaincus que nous sommes déjà, et depuis des années, en république bananière.
Aux plus hautes fonctions trônent des médecins. Du sommet de l'État, ils règnent, décrètent et, maintenant que la soupe est chaude, commencent à sourire, à montrer quelque humanité...
Mais il est trop tard. Le gibet est prêt, la trappe du jugement populaire s’ouvrira le 1er octobre... Adieu Docteur Couillard. Adieu Docteur Barrette. Adieu Docteur Iglesias.
Et dommage qu’on ne puisse dire adieu aux tardigrades du ministère, de la RAMQ, des CIUSSS, refuges capitonnés d’un système en poupées russes, incurablement gangréné par la bureaucratie.
Il n’y a que l’État, ce navire piloté comme une coquille de noix, pour ne pas sévir contre l’inceste systémique...
Alors ne vous en faites pas, le téléroman de la santé n’est pas prêt de finir. Cela devrait faire le petit bonheur des affectateurs des télés répétitives. Ils en auront pour des heures et des heures, des jours, des semaines, de quoi s’occuper durant des mois, des années et jusqu’au prochain siècle.
Ils pourront émouvoir le peuple, ahuri ou grippé, cerné jusqu'au menton, l'informer bien comme il faut à coup de topos sur les urgences, les CHSLD, les toxicos, les psychiatrisés, les cancéreux, les mal amanchés du colon, les patentés de la prostate, les réparés du sphincter ou du cerveau, les borgnes et les aveugles, les rachitiques, les gros, les grosses, les paraplégiques et l’autre là-bas qui n’a pas encore dit ce qui ne va pas...
Ça nous fera oublier le référendum, le pays perdu, la dette qui pétera au frette et le dernier perdant de La Voix. Et la mort clinique du Canadien de Montréal...
Tous les malheurs hospitaliers auront été payés à prix fort, d’une année à l’autre, sous le regard bienveillant des cartomanciens de la RAMQ, le Bureau en gros des honoraires, en solde tous les jours.
Ah, la belle soue à cochons!
Et ça ne semble pas vouloir s’arrêter de sitôt. Une fois Barrette parti, c’est un autre médecin qui prendra la relève. Car la CAQ a trouvé son Carmant, un neuro lui aussi, qui proposera sa vision des choses. Sa révolution tranquille.
Un neuro dans un jeu de quilles. Un neuro qui enfilera l'habit du héros sur assermentation du Lieutenant-Gouverneur de la Reine Élizabeth II...
Un neuro qui voudra ragaillardir la bureaucratie qui couvre le réseau québécois de la santé de sa gélatine. La santé, ce n’est plus un ministère, c’est un aspic! C'est une ruche grouillante en gelée. Une marmelade papiocrate. Un confit de zombies avec carte magnétique et compte de dépenses.
La santé, au Québec, c’est Dante en ambulance. Le marché aux puces des compétences cumulonimbusiennes.
Alors, pour continuer dans la même déveine, on essaiera Carmant. Plutôt Carmant s’essaiera... avec la même déveine.
Et ce sera reparti pour une nouvelle ronde de traitements esthétiques et de refonte des cartes d’affaires.
Quel étrange talent avons-nous pour les mêmes erreurs... Alors qu’il faudrait d’abord rompre définitivement ce lien vicié entre le pouvoir politique et le médical. Revenir à la subordination, à une saine hiérarchisation des uns et des autres.
La soumission de la RAMQ, vieille guimbarde de la Révolution tranquille, mériterait un examen approfondi. Comme pour l’industrie de la construction. Pourquoi pas une commission d'enquête sur la santé?
Un médecin péquiste succède à un médecin libéral qui succède à un médecin libéral qui succède aussi à un médecin libéral en attendant un médecin caquiste.
Remarquez que les relations incestueuses de ce genre sont légion, notamment en culture où les agents d’artistes siègent aux comités directeurs chargés de partager les subventions. Les vedettes millionnaires y font leur beurre, leur crème et leur latté.
Le Québec n’a pas toujours été aussi petit. Il l’est devenu... Et le sera encore davantage... Il est paralysé, il ne bouge plus, il est malade, globalement...