Djemila Benhabib a reconnu que sa méthode de prise de note était déficiente et qu'elle allait être plus attentive à cela dans le futur. Elle a aussi dit que les écrits sur un blogue étaient un exercice où on prend plus de liberté avec les citations. Ce qui est juste je crois.
S'il fallait faire une analyse exhaustive de plus de 200 millions de blogues qui existent dans le monde, en hausse de 3 millions tous les mois, il ne serait guère surprenant de trouver des bouts de phrases et des expressions qui ont déjà été écrits par d'autres.
Ceci étant, la question qui se pose ici n'en est pas tant une concernant le plagiat reproché à Djemila Benhabib que d'une entreprise visant à discréditer l'une des plus importantes défenderesses de la laïcité et de la lutte contre le retour de l'idéologie dominante des religions.
C'est ça qui gêne les tenants de la rectitude idéologique, les fondamentalistes et les extrémistes de la tolérance.
Et cette censure n'est-elle pas plus dangereuse que celle d'omettre de citer Faulkner, Jaurès ou Sartre. Après tout, les idées de ces auteurs sont dans l'espace public depuis très longtemps et sont maintenant intégrées au patrimoine intellectuel de l'humanité.
Sans vouloir banaliser le plagiat, il s'impose de mettre en évidence que le blogue collé à l'actualité est écrit en solitaire, le plus souvent dans l'urgence, sans passer par la voie de la révision et le filtre de la direction.
Cette démarche à risque peut involontairement entraîner l'auteur bénévole, à escamoter des références et à écrire des inexactitudes qui n'échapperont pas aux scrutateurs avertis.
Pour ces raisons, la justice française se montre clémente avec les blogueurs en retenant une atténuation de l'obligation pour l'auteur de vérifier le bien-fondé de l'information communiquée.
Les juges du fond retiennent pour cela que le blogue a un caractère privé et bénévole où «l'auteur relate de façon subjective ses expériences et opinions et ne doit donc pas être soumis à la même obligation d'investigation et d'objectivité attendue d'un journaliste professionnel».
Pour sa défense, Djemila Benhabib assure que sa démarche est «beaucoup plus rigoureuse» dans le cadre d'une démarche d'écriture d'essai qu'au moment d'écrire des articles de blogue. Pour s'en convaincre, il suffit de consulter l'un des quatre essais produits par l'auteure.
Dire que cette intellectuelle engagée dérange est un euphémisme. Pour ses adversaires de la liberté d'expression tous les moyens sont bons pour la dénoncer, la poursuivre et la faire taire.
Maintenant, eu égard à la décision du Conseil de presse une interrogation nous interpelle: n'aurait-il pas été approprié que la sanction imposée, le blâme sévère, soit remplacée par une réprimande? Car les raisons qui militent en faveur de cette option sont nombreuses.
Une première plainte précédée d'un parcours professionnel sans faute, des circonstances atténuantes reliées à la reconnaissance de l'imprudence et à la manifestation de regrets et enfin la théorie de la progressivité des sanctions reconnue en droit disciplinaire qui aurait pu être prise en compte comme facteur d'atténuation de la décision.
Sans oublier le dommage prévisible causé à la réputation d'une personne considérée par la revue Châtelaine comme l'une des 50 femmes les plus influentes du Québec.
Curieusement, la décision du Conseil de presse a été rendue publique en même temps que Djemila Benhabib faisait la promotion de son dernier essai ayant pour titre Les soldats d'Allah, à l'assaut de l'Occident.
Mais non! C'est comme si la décision frappée du sceau de l'exemplarité considérait Djemila Benhabib comme une déviante chronique.
Partant de là, il ne faudrait surtout pas que des intellectuelles et des sonneuses d'alertes comme Louise Mailloux et Djemila Benhabib qui défendent la laïcité et dénonçent la montée du fondamentalisme radical se retirent du débat public.
Car, de cette privation, les citoyens seraient les grands perdants.
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