Remettez-moi mon sac d’épicerie, ou la voiture électrique.

Une arnaque de la réutilisation

Tribune libre

Texte publié dans Le Devoir du mardi 1er septembre 2009 sous le titre "Remettez-moi mon sac d'épicerie !"
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Mon intention n’est pas de choquer. Et je ne suis pas rétrograde. Seulement suis-je sidéré par l’exploitation de mon ignorance comme citoyen corporel, par mon concitoyen corporatif, et son abus de confiance dans des affaires de sous noirs, tel le cas du sac d’épicerie.
D’aucuns croient que l’élimination du sac d’épicerie est une bonne action, pour l’environnement. Je suis également de cet avis. Cependant, il y a anguilles sous roche. En retirant le sac jetable, l’épicier s’est fait créditer de la mention de bon citoyen. Je ne la lui discuterai pas, elle en a des apparences. Au fond, l’entreprise n’a d’esprit que du profit. Le retrait du sac jetable aura permis d’une part la commercialisation de ce même sac, et la vente du sac réutilisable, d’autre part. Il est donc doublement, voire triplement profitable.
D’abord, la vente du sac réutilisable doit générer un surplus, symbolique ou substantiel, peu importe. En second lieu, rappelons que le sac jetable devait coûter quelques sous pour le produire, et le mettre en service. Il n’a jamais été donné gratuitement, son coût a toujours été pris en charge à même la facture d’épicerie. Car, ce que nous payons, c’est la somme des coûts depuis la conception/création/production du bien dans le laboratoire, l’usine ou le champ, jusqu’à sa sortie à la caisse, frais d’emballages donc inclus. Étant donné que le retrait du sac jetable n’est pas accompagné d’une réduction conséquente des prix à l’étalage, il est évident que l’épicier fait une économie de sous équivalente à la somme qu’il lui en coûtait. Troisièmement, la gestion du stock de sac jetable devait en soi constituer un coût significatif sur le plan organisationnel et financier. Un employé devait en assurer l’approvisionnement et la mise en service. Avec le sac réutilisable, l’épicier fait l’économie du coût organisationnel associé au sac jetable. Son gain d’opportunité n’est pas mince.
A qui vont ces gains ? À l’environnement, diriez-vous. Peut-être! Peu avant le retrait total des sacs jetables, l’épicier avait mis en œuvre une politique d’encouragement de la réutilisation. A chaque sac réutilisable présenté à la caisse, un crédit de cinq sous était porté au compte à payer. Aujourd’hui, ce crédit a miraculeusement disparu, le sac jetable avec. Pire, lorsque je me présente sans mon sac réutilisable, la caissière me propose de m’en vendre un jetable, à 5 cents. Or, la part du coût de cet emballage est toujours incluse dans ma facture. Que je présente ou pas un sac jetable, dans la mesure où je ne demande pas un sac jetable, l’épicier devrait me remettre cinq sous par volume d’un sac.
J’ai voulu savoir auprès d’un gérant à qui vont ces sous que le citoyen corporel paye pour l’emballage jetable non distribué, ou donné contre un cinq sous supplémentaire. Sa réponse fut évasive : à l’environnement, et à une EVB (école verte Brundland). Dans quelle mesure cela serait-ce vrai ? Je ne crois pas que tous les flux de fonds liés au sac d’épicerie sont correctement portés au compte de l’environnement. Mais, il y a bien pire. Et le pire, ce n’est pas que l’entreprise s’enrichisse en préservant l’environnement, ceci étant plutôt souhaitable. Le retrait du sac à usage unique crée l’illusion de tournant vert. Chacun peut s’en flatter, s’y référer comme signe du changement des mentalités, alors que la culture de la pollution demeure intacte. Le retrait du sac crée une distraction, et a tout d’une arnaque. Il aura en effet été facile de légiférer ou passer du vœux au geste pour ce petit truc, mais voyez vous qu’en est-il de l’auto électrique, de l’économie «équitable», de l’assainissement de nos modes de vie ? Oui, des petits pas sont nécessaires, mais lorsqu’ils éclipsent l’urgence d’agir, ils deviennent plus dangereux que l’absence d’action.
Ainsi, je demanderai à l’épicier de verser tout l’argent du sac au compte de l’action préservatrice de l’environnement, ou de me remettre mon sac. En même temps, je demande au gouvernement et aux divers intervenants d’investir résolument dans un véritable tournant vert, et non plus uniquement dans des bonbons «verdâtres».

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François Munyabagisha79 articles

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Psycho-pédagogue et économiste, diplômé de l'UQTR
(1990). Au Rwanda en 94, témoin occulaire de la tragédie de «génocides»,

depuis consultant indépendant, observateur avisé et libre penseur.





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2 commentaires

  • Grégory Vézeau Répondre

    1 septembre 2009

    C'est exactement la même chose pour les hôtels/motels et la politique de laver les serviettes ou draps seulement si le clients en fait la demande directe ou indirecte (carte sur la poignée, endroit spécifique pour déposer ce qui doit être lavé, etc.)
    Le service bien accompagnée par une note en faveur de l'environnement et des milliers de litres d'eau et de détergeant qui sont gaspillé. Ce qui en soit est vrai et constitue une action louable.
    Pourtant, que je fasse laver tout à chaque jour, ou que je me contente d'utiliser les même draps et serviettes durant un séjour de 3 jours, on me facture la même somme. Pas de rabais pour le citoyen responsable.
    Une économie et un profil réalisé par l'entreprise sur le dos des consommateurs au nom de l'environnement.
    Permettez moi de croire que si la protection de l'environnement ne permettait pas une telle arnaque et les profils générés par cette dernière, que toutes ces mesures ne seraient même pas envisagées par bon nombre de compagnies.
    C'est triste, mais devant plusieurs gestes en faveur de l'environnement se cache une façon d'exploité les êtres humains.
    Le capitalisme à le vilain défaut d'être capable de s'adapter aux différentes époques. Malheureusement... il sait tirer avantage des différents courants qui les animes.

  • Marie-Hélène Morot-Sir Répondre

    1 septembre 2009

    Monsieur Munyabagisha, il me semble que nous sommes nombreux à penser exactement comme vous, mais chacun se taît dans son coin ,parce que rejeter une idée écologique n'est pas dans le ton du moment, non il faut aujourd'hui être écologiste et oeuvrer pour la planète !.. Cela permet sous couvert d'écologie de nous faire avaler tout et n'importe quoi , comme cette histoire de sacs d'épicerie jetables et si l'on n'est pas d'accord nous sommes pointés du doigt parce que nous n'aimerions pas notre vieille et belle planète !!..
    Vous avez parfaitement bien expliqué les choses , tout y est dans votre article, y compris le prix que les grandes surfaces gagnent à ne plus nous fournir ces sachets jetables, mais si on y réfléchit bien, les gains sont doubles car de ce fait nous devons acheter bien davantage de sacs pour nos poubelles car beaucoup se servaient de ces sacs jetables pour cela , mais demandons-nous néanmoins si ces sacs poubelles-là préservent eux l'environnement ?
    Ce qui est évoqué dans cet article est intéressant car en effet ne serait-ce pas tout à fait nécessaire et très urgent d' étudier des voitures qui ne polluent pas et tant d'autres choses aussi probantes que cela ? On aurait dû depuis bien longtemps mettre toutes les énergies de nos ingénieurs à trouver quelque chose dans ce sens . .. Voilà qui serait une énorme avancée dans le moins polluant, au lieu de nous faire croire qu'en faisant ce petit geste du sachet on sauve la planéte .. Tout le monde est bien d'accord sur l'écologie et tout le monde est prêt à faire un effort pour cela, mais un effort qui serve à quelque chose et non pas qui serve à certains de gagner plus encore sur le dos des consommateurs ou pire encore qui permette à nos gouvernants d'en profiter pour nous concocter des impôts supplémentaires ..et ne rions pas, que tout le monde avalera sans rien dire sous couvert d'écologie ! Bien commode en effet ! .. Nous ne pouvons pas laisser l'écologie instrumentaliser tout et n'importe quoi. Il est plus que temps que nous apprenions à consommer autrement et en revenions à un mode de vie plus proche de la nature.. Voilà ce que nous devons tous apprendre, c'est urgent !