Malgré le rapport très critique du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), le premier ministre Philippe Couillard assure que le projet de train électrique de la Caisse de dépôt et placement du Québec se réalisera selon l’échéancier prévu.
Dans son rapport rendu public vendredi, le BAPE a émis de sérieuses réserves au sujet du Réseau électrique métropolitain (REM), car, avance-t-il, trop d’informations importantes font défaut. Selon lui, il serait prématuré de donner un avis favorable, le promoteur du projet, CDPQ Infra, ayant omis de répondre à de nombreuses questions lors des audiences de l’automne dernier.
Présidée par Denis Bergeron, la commission cite, à titre d’exemple, les aspects financiers, la justification quant à la fréquentation du futur réseau, l’impact sur l’aménagement du territoire et la gouvernance : « La commission juge qu’ils sont essentiels à une compréhension des nombreux enjeux soulevés par ce projet et à une prise de décision éclairée. »
Convaincre les automobilistes
Les commissaires du BAPE expriment également des doutes quant à la capacité du REM d’inciter des automobilistes à délaisser leur voiture pour le transport collectif. « La prévision de la demande liée au transfert modal de l’automobile vers le REM, pour les quatre antennes, représenterait seulement 10 % de la demande totale du réseau en période de pointe du matin », notent les auteurs du rapport. « La majeure partie de sa clientèle proviendrait des usagers actuels du transport en commun. »
Et 80 % des automobilistes qui délaisseraient la voiture se déplaceraient tout de même en voiture jusqu’aux stations, observe le BAPE. À l’heure actuelle, de nombreux usagers de la Rive-Sud peuvent prendre un autobus qui les conduit directement, sans correspondance, au centre-ville de Montréal.
Doutes sur le tracé
Les critiques du BAPE visent aussi le choix du tracé du REM. Le BAPE remet notamment en question la décision de CDPQ Infra de s’octroyer l’exclusivité de l’utilisation du tunnel du mont Royal. Cette exclusivité obligera notamment les usagers du train de l’Est à faire une correspondance s’ils veulent se rendre à la Gare centrale, ce qui risque de réduire l’attractivité de ce mode de transport.
Les usagers actuels du train de Deux-Montagnes pourraient eux aussi être désagréablement surpris par l’arrivée du REM. « Les voitures du REM offriraient un nombre de places assises moins élevé que le train de banlieue. En période de pointe, jusqu’à 80 % des usagers seraient contraints de faire le trajet debout, dont certains sur tout le trajet d’environ 34 minutes entre la station Deux-Montagnes et la Gare centrale », souligne le BAPE.
Le BAPE met de plus en doute le tracé de l’antenne vers l’aéroport. « Le promoteur mise sur l’abolition de la navette 747 de la Société de transport de Montréal pour favoriser l’achalandage sur l’antenne Aéroport, indique le rapport. La capacité de transport envisagée pour l’antenne Aéroport dépasse largement les prévisions d’achalandage. »
Pour toutes ces raisons, le BAPE n’a donc pas voulu donner un avis favorable à l’ambitieux projet de la Caisse de dépôt.
Couillard garde le cap
En marge du Forum économique mondial de Davos, vendredi, M. Couillard a tenu à dire que le projet n’était « absolument pas » remis en question par l’analyse du BAPE.
M. Couillard, qui n’avait pas lu le rapport en détail, a indiqué qu’il pourrait y avoir des « ajustements », mais il a rappelé que le BAPE était un organisme consultatif et que la décision appartenait au gouvernement.
Le BAPE pourrait avoir outrepassé ses compétences, a avancé M. Couillard : « Les analyses économiques, ce type d’étude là, je ne suis pas certain que c’est dans leur mandat précis de faire ça. »
De son côté, CDPQ Infra a fait valoir vendredi qu’elle prendrait connaissance du rapport avant d’émettre des commentaires.
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