C’est aujourd’hui que se terminent les audiences publiques sur la réforme du mode de scrutin.
Jusqu’ici, on a surtout entendu des partisans du changement.
Ils profitent de l’indifférence de l’immense majorité de nos concitoyens... qui devront vivre avec les conséquences de la réforme si elle voit le jour.
Il est maintenant assez clair que le projet proposé rend beaucoup plus probables, peut-être même inévitables, les gouvernements de coalition.
La CAQ, par exemple, devrait obtenir autour de 44 % du vote pour récolter une majorité de sièges, de l’aveu même de la ministre Sonia LeBel (22 janvier).
Avertissements
Deux témoins du plus haut intérêt seront entendus aujourd’hui : l’avocat et politologue Christian Dufour et l’ex-haut fonctionnaire Louis Sormany.
Dufour insiste sur un point essentiel : les deux défaites référendaires des souverainistes ont affaibli le pouvoir du Québec au sein du Canada. L’évolution démographique en cours accentue cet affaiblissement.
Et on fragiliserait encore plus le pouvoir exécutif de l’État québécois avec des gouvernements de coalition ? C’est ce qu’on veut ? Vraiment ?
Les partisans du scrutin proportionnel, dit Dufour, font semblant de ne pas voir que le Québec n’est pas un pays souverain, comme cette Nouvelle-Zélande qu’ils évoquent continuellement, mais une province en perte de vitesse dans un Canada qui la marginalise de plus en plus.
Cela fait toute la différence.
Sormany, lui, rappelle notamment qu’un gouvernement de coalition, incluant QS ou le PLQ pour parler concrètement, n’aurait sans doute pas pu adopter la loi sur la laïcité. Et on pourrait multiplier les exemples.
Il anticipe aussi des contestations juridiques et met en garde contre l’affaiblissement du pouvoir des régions éloignées à faible densité de population.
Plusieurs partisans du scrutin proportionnel trouvent que le projet proposé par le gouvernement ne va pas assez loin.
Dufour avertit qu’ils pourraient fort bien se contenter de la mise en place du projet actuel. Puis, il leur sera facile d’œuvrer de l’intérieur à son extension progressive.
Ce serait, c’est le cas de le dire, l’équivalent d’un élargissement graduel de l’aide médicale à mourir pour le pouvoir politique du Québec français.
Québec solidaire se frotte les mains. Le PLQ, lui, garde un profil bas, car il dispose de l’arme suprême en matière électorale : l’immigration.
La CAQ et le PQ, eux, réalisent la gaffe monumentale commise en s’embarquant dans cette funeste galère, mais n’osent pas l’admettre et freiner.
Raison
Avant qu’il ne soit trop tard, il faut voir que la réforme projetée n’est pas qu’un changement des règles. C’est une révolution culturelle.
Pour ma part, derrière cette promesse d’un système plus « démocratique » et aux vertus magiques, je vois davantage d’instabilité, des tractations opaques entre les états-majors des partis, et un pouvoir accru pour les minorités de blocage.
Notre système n’est pas parfait, mais aucun ne l’est. Le nôtre est un compromis entre la représentativité et l’efficacité, et il nous a globalement bien servis.
Les mariages de raison peuvent aussi être des mariages heureux.