Quelques jours ont suffi pour constater, très concrètement, les impasses dans lesquelles le gouvernement conservateur nous a entraînés en supprimant l’obligation de répondre au dernier recensement. Les minorités linguistiques en mesurent déjà les effets, d’autres groupes suivront. Dire que tout cela était si prévisible…
Dès que les données de Statistique Canada sur l’Enquête nationale auprès des ménages (version volontaire de ce qui était autrefois le recensement long obligatoire) ont été rendues publiques mercredi, une première rupture a sauté aux yeux. Le portrait de tout un lot de petites municipalités, 1128 au total, n’est plus disponible, car moins de la moitié de leurs habitants ont répondu au questionnaire de 2011, ce qui fausse les résultats.
Les communautés anglophones du Québec et francophones des autres provinces canadiennes sont les premières à voir les conséquences de cette situation inédite, comme le rapporte Le Devoir depuis le début de la semaine. Si on ne se compte pas, comment réclamer des services ou des subventions au nom de la juste place qu’on occupe ? Ce constat, au fil des mois, se répétera de multiples façons, à mesure que les nouvelles données seront utilisées.
Cette quadrature du cercle était annoncée. Tout au long de l’été 2010, quand on a su que les conservateurs abolissaient la participation obligatoire aux recensements, au farfelu prétexte de protéger la vie privée des Canadiens, tous les utilisateurs de ces données - chercheurs, élus, groupes de pression… - ont démontré par A + B tout ce que le Canada y perdrait en matière de renseignements et de comparaisons.
Mais le gouvernement Harper est resté muré dans sa bêtise. Sous couvert de liberté, il confirmait son parti pris antiscientifique et, motivation jamais clamée néanmoins présente, son souci d’effacer l’État au profit du secteur privé.
Car il faut voir comment les rares défenseurs de la décision conservatrice justifiaient celle-ci encore ces derniers jours : il ne manque pas de manières maintenant de récolter de l’information, ni d’entreprises pour s’en charger. Ah oui ? Mais à quel prix, selon quelle méthode, avec quelles possibilités de comparaisons ?
L’expertise de Statistique Canada était, elle, sans failles. Elle est maintenant mise à mal par le bouleversement qui lui a été imposé dans sa cueillette d’informations. Officiellement, on visait un taux de réponse de 50 % au formulaire long dorénavant rempli volontairement. Il apparaissait donc réjouissant d’avoir atteint 68,6 %. Mais en mars 2010, alors que les changements se préparaient en douce, le ministère de l’Industrie (de qui relève Statistique Canada) avait été prévenu que le taux de réponse ne dépasserait pas 70 % et que ce ne serait « toujours pas acceptable pour un recensement ».
On trouve aujourd’hui sur le site de Statistique Canada un avis méthodologique détaillé mettant en garde contre certains résultats sur la langue obtenus dans le cadre du recensement de 2011. Dans la même veine, les analystes de l’organisme ont multiplié les appels à la prudence dans l’interprétation des données dévoilées la semaine dernière. Quelle tristesse pour un organisme jusque-là reconnu à travers le monde pour sa précision.
Mais il y aura des élections en 2015. Si les conservateurs ont réussi à chambouler à un an d’avis le recensement de 2011, on aura donc le temps, en poussant la machine, de retrouver le chemin de la rigueur pour celui de 2016. Suffira de chasser M. Harper du pouvoir - ce qui sera de toute manière et pour toutes les matières la moindre des choses.
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