Marco Bélair-Cirino - Le ministre fédéral des Transports, de l'Infrastructure et des Collectivités, Denis Lebel, a en main les rapports d'analyse structurelle du pont Champlain ainsi que les études sur l'avenir de l'ouvrage, mais refuse de les rendre publics afin d'éviter de semer l'émoi au sein de la population.
M. Lebel a laissé entendre qu'il se méfiait des interprétations erronées qui pourraient découler d'une publication de la série de documents. «Lorsqu'on rend publiques des informations qui sont traitées par des personnes qui ne sont pas nécessairement des connaisseurs du sujet, ça peut créer des émois que je ne veux pas créer», a-t-il affirmé en marge d'un événement public où il a annoncé, chèque de 984 150 $ à la main, le renouvellement jusqu'en 2014 du partenariat financier entre l'Agence de développement économique du Canada et l'Association québécoise de l'aérospatiale (AQA).
«Je ne voudrais surtout pas qu'on travaille pour en faire un enjeu politique et qu'on s'en serve à l'encontre même de la population. Ce n'est pas le temps de créer quelque chose aujourd'hui qui va insécuriser une population», a poursuivi le ministre.
Puis, il a ajouté: «Et je ne suis pas en train de dire qu'il y a dans le rapport des choses insécurisantes; je dis simplement que nous traitons avec beaucoup de rigueur tout ce qu'il y a dans les rapports pour permettre d'assurer une fluidité et une sécurité du transport.»
D'autre part, le ministre fédéral des Transports a dit hier partager la préoccupation des citoyens de la grande région de Montréal à l'égard des problèmes de circulation, mais il a rappelé que les travaux actuels sur le pont Champlain étaient prévus depuis longtemps et visent justement à assurer la sécurité et la fluidité de la circulation.
«Je pense que l'important pour la population, ce n'est pas le rapport, c'est que les travaux qui doivent être faits le soient», a conclu M. Lebel, qui n'a cependant avancé aucun échéancier pour les décisions à venir quant au sort du pont Champlain.
Les propos du ministre fédéral des Transports ont piqué au vif le porte-parole de la coalition «Champlain en chantier: Quand?», Jacques Olivier. «Pourquoi la population ne serait pas capable de comprendre? Pourquoi ceux et celles qui attendent chaque matin deux heures pour traverser le pont ne comprendraient pas? Pourquoi mettre en doute l'intelligence des gens du Grand Montréal?» a lancé l'ancien maire de Longueuil lors d'une entrevue téléphonique avec Le Devoir.
«Le plus dangereux, c'est le silence!» a-t-il fait valoir. Le milieu des affaires ne «peut se permettre l'incertitude», selon le porte-parole des acteurs économiques et municipaux de la grande région métropolitaine touchés par l'avenir du pont Champlain.
Quoi qu'il en soit, le ministre québécois des Transports, Sam Hamad, n'exhortera pas son homologue fédéral à éclaircir le mystère planant sur le contenu d'un certain nombre de rapports et d'études sur le pont Champlain. «C'est au gouvernement fédéral de prendre cette décision-là. La question a été posée à M. Lebel. Nous, ce qui nous importe, c'est que les gens qui se promènent sur le pont Champlain soient en sécurité. Nous, on nous dit qu'ils le sont», a affirmé son attaché de presse, Harold Fortin. «On a l'assurance du gouvernement fédéral que le pont Champlain est sécuritaire. C'est ça qui compte pour nous», a-t-il ajouté.
Le maire de Montréal, Gérald Tremblay, qui est également président de la Communauté métropolitaine de Montréal, est du même avis. Il a «l'assurance que le gouvernement traite la situation avec rigueur afin de s'assurer de la sécurité des automobilistes qui empruntent la structure», mais presse du même souffle Ottawa à passer à la vitesse supérieure et à amorcer rapidement les travaux, a indiqué son attaché de presse, Darren Becker. «S'il y avait quelque chose [de majeur] on aurait été informés», a-t-il fait remarquer.
Dernière d'une série de dégradations: deux joints de dilatation, sur deux voies différentes en direction de l'île de Montréal, ont flanché en pleine heure de pointe jeudi dernier. La société Ponts Jacques-Cartier et Champlain (PJCC) s'affaire à remplacer ces joints, mais les travaux s'échelonneront sur plusieurs années. À ce jour, un joint sur cinq a été changé.
La coalition «Champlain en chantier: Quand?» a sollicité une rencontre avec Denis Lebel au lendemain de son assermentation, le 18 mai dernier, à titre de ministre des Transports, de l'Infrastructure et des Collectivités, mais ce dernier n'a pas répondu à l'invitation, regrette Jacques Olivier.
M. Olivier dénonce «le manque de volonté politique» du gouvernement de Stephen Harper dans le dossier du pont Champlain, le «poumon économique du Québec», selon lui. L'ancien ministre de Pierre Elliott Trudeau se dit convaincu que, si c'était le pont reliant Windsor à Detroit qui était en mauvaise posture, Ottawa «aurait déjà annoncé la construction d'un nouveau pont». «Le ministre ne peut pas faire autrement que de dire: "il est temps qu'on passe à l'action!"», répète-t-il.
Jacques Olivier multipliait les hypothèses expliquant, selon lui, le laisser-faire du gouvernement conservateur. «C'est un problème de financement?» s'interroge-t-il. Il soupçonne notamment que le gouvernement fédéral compte construire un pont à six voies, trois vers l'île et trois vers la Rive-Sud, alors que le gouvernement du Québec fait pression pour l'ajout «d'une ou de deux voies réservées» au transport collectif. «Si c'est ça le problème, qu'on nous le dise, on est assez grands pour le savoir!»
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Avec La Presse canadienne
Rapports sur le pont Champlain: secret d'État
Le ministre Lebel a en main des études qu'il refuse de rendre publiques pour ne pas «créer des émois»
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