Quitter l'enfer canadien... sans tourner le regard

Chronique de Louis Lapointe

Il y a des leçons qui ne s’apprennent pas.
Prenez ces nominations des trois juges québécois à la Cour Suprême, je l’ai déjà écrit et je le réécris, tous les juges nommés par le bureau du premier ministre sont des fédéralistes.
Que ce soit Marc Nadon ou Richard Wagner, tous les deux répondent au même critère fondamental, ils sont fédéralistes. On ne nommera jamais un indépendantiste au Saint des Saints pour décider en dernière analyse des droits du Québec, point à la ligne. Rien n’y changera.
Robert Bourassa et Bryan Mulroney avaient bien tenté de changer la donne lors des accords du Lac Meech en permettant au Québec de suggérer une liste de noms parmi lesquels le bureau du premier ministre du Canada choisirait son candidat. Mais ça n’a pas fonctionné pour des raisons bien évidentes.
Le Canada ne reconnaîtra jamais que les Québécois puissent être leurs égaux au plan constitutionnel. Nous sommes leurs pupilles juridiques. Chaque modification constitutionnelle depuis la conquête n’a fait que renforcer cet état de droit, le point culminant étant l’adoption de Charte canadienne des droits en 1982.
Donc, Marc Nadon ou Richard Wagner à la Cour Suprême, c’est du pareil au même...
Il n’y a qu’une seule façon de sortir de ce bourbier constitutionnel : pas par un nouvel accord du lac Meech, ni une constitution du Québec; simplement quitter l'enfer canadien.
Voilà pourquoi, plutôt que de déchirer sa chemise devant chaque affront du gouvernement fédéral, le ministre Cloutier devrait répondre invariablement que seule l’Indépendance apportera une solution définitive aux problèmes que nous cause le Canada et la liste est longue.
À mon avis, le même esprit devrait animer le débat sur la Charte des valeurs québécoises, un faux débat qui ne conduit pas à l’indépendance, juste à un autre affrontement stérile de plus avec le gouvernement fédéral.
Lorsque les immigrants arrivent au Québec, ils n’immigrent pas au Québec, mais bien au Canada, pays de l’anglais et du multiculturalisme.
La seule façon de changer l’ordre des choses est de faire en sorte que les immigrants n’arrivent plus dans une quelconque province du Canada, mais bien dans un pays, le Québec.
À plusieurs reprises, dans cette chronique, j’ai fait la démonstration que l’adoption de tous ces bidules, chartes et constitution québécoise bidon, ne nous conduirons jamais nulle part tant que nous demeurerons dans le Canada.
Le vrai changement ne consiste donc pas à réaménager le cadre canadien actuel avec des lois du Québec qui seront invalidées un jour ou l’autre par la Cour Suprême où nous ne nommons aucun juge, une antinomie juridique, mais bien de sortir du cadre canadien.
Nous ne discuterions plus des règles pour nommer Marc Nadon à la Cour Suprême du Canada ou de la Charte des valeurs québécoises pour contrecarrer tant bien que mal les effets délétères de la Charte canadienne des droits sur la société québécoise.
Des perspectives totalement différentes s'offriraient à nous parce que nous aurions quitté le giron canadien.
Nous partagerions tous le même pays, le Québec, plutôt que d’habiter deux pays différents, nous la province de Québec, eux le Canada.
Sans tourner le regard, nous verrions un peu moins l’ennemie multiculturaliste et un peu plus la compatriote portant fièrement la fleur de lys sur son hijab.
Voilà pourquoi le débat ne devrait pas porter sur le voile islamique, mais plutôt sur la menace que constituent la constitution canadienne et sa charte de 1982, un voile constitutionnel dont les effets seront drôlement plus dramatiques que ces petits chiffons qui n’ont pour seul mérite que de nous exciter inutilement et surtout de nous monter les uns contre les autres plutôt que de nous réunir autour d’un seul véritable objectif, celui de l’indépendance.
À nous de choisir nos combats. Les faux débats sur la nomination des juges à la Cour Suprême et la charte des valeurs québécoise ou le seul vrai débat démocratique qui peut vraiment changer l’ordre des choses, celui sur l’indépendance du Québec.
Nous ne gagnerons jamais contre le Canada en menant des batailles stériles et ce n’est certainement pas l'adoption de clauses dérogatoires qui contribuera à nous en faire sortir.
Changeons l’ordre habituel des choses, laissons tomber les faux débats sur la nomination des juges et la charte des valeurs et inventons-nous à la place un pays bien à nous.
Comme le disait si bien Fernand Dumont à la toute fin de sa Genèse de la société québécoise.

«Ou bien l’individu se réfugie dans l’enclos de la vie privée et, croyant ainsi jouir de sa liberté, il abandonne aux pouvoirs anonymes le soin de déchiffrer l’histoire. Ou bien il décide de contribuer à l’édification d’une référence habitable autrement que dans les coutumes devenues insuffisantes. Alors il devient ce que déjà lui prédisait l’apprentissage de la lecture : le citoyen d’un pays, le responsable d’une histoire, le participant à un imaginaire collectif »

Quitter l'enfer canadien sans tourner le regard.
***
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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    26 octobre 2013

    Vous avez raison Mr.Lapointe,le temps est propice à faire avancer la cause souverainiste.Les arguments ne manquent pas,mais comme l'écrivait,Mr.Jean Garon dans son livre,il y trop de vieux bleus dans le PQ,voilà notre malheur.
    Michel Grenier

  • Marcel Haché Répondre

    24 octobre 2013

    Je partage votre impatience à l’égard de ce qu’on pourrait appeler des péquisteries. Toutes ces indignations à répétition et à l’unanimité finissent par tomber sur les nerfs. Personnellement pu capab. Toutes ces indignations orchestrées par le P.Q. depuis toujours n’auront toujours mené qu’à rien.
    Le débat sur la neutralité de l’État est une tactique prometteuse d’ouvrir un front, afin d’interpeller le Nous, afin de pouvoir sortir les souverainistes de leur encerclement par les forces combinées du fédéral et du West Island. La mobilisation du West Island en particulier ne sert qu’à faire hésiter le gouvernement péquiste et le pousser dans un entonnoir qui le mènera au prochain budget comme à un abattoir.
    Je suis d’avis que si le gouvernement péquiste n’y « va pas bientôt », le P.Q. subira plus tard le même traitement que le Bloc à Gilles : beaucoup de votes mais pas beaucoup de rescapés…Car on ne peut pas, on ne peut plus s’indigner comme des losers et Nous ameuter toujours, et puis « reculer » à la dernière minute, encore sous le prétexte que les vents ne sont pas favorables. Les souverainistes devraient cesser une fois et toujours de craindre la mauvaise humeur de l’électorat. Partout en Occident les électorats sont de mauvaise humeur. Mais tous les gouvernements ne cèdent pas facilement comme ici à leurs péquisteries.
    J’ai quand même trouvé drôle, M. Lapointe, votre remarque sur le patriotisme, ce clin d’œil que vous faites à la fleur de lys sur l’hijab. Croiriez-vous alors que Françoise ou Gilles du Bloc auraient été impressionnés par la venue dans leurs rangs de militants bérets blancs, bérets avec dessus l’écusson marteaux et faucille ?
    On jase là…

  • Archives de Vigile Répondre

    23 octobre 2013

    C'est un bon article, un article qui vise à recentrer le débat sur l'enjeu le plus important de tous, l'indépendance. Le problème, comment illustrer la nécessité de l'indépendance et la rendre palpable pour nos compatriotes ? Vous tentez, comme tant d'autres l'ont fait, de mettre des mots dans la bouche des ministres péquistes, mais ces mots ne passent pas. Franchir le cap, trouver le discours qui irait au delà de l'esprit provincial... Or, cette licence, cette désinvolture de la parole nos représentants à l'Assemblée nationale se la refusent. Ils s'interdisent d'aller au-delà du discours policé par les limites qu'impose le Canada, dans leur argumentaire ils s'arrêtent toujours une coche avant l'indépendance.
    La ligne que propose Vigile est de croire que nous sommes dans un «nouveau paradigme» qui fait que le Québec se construit désormais sans le Canada, comme le Canada se construit sans le Québec. Perso, je trouve que la marge est mince entre le provincialisme revendicateur traditionnel (Duplessis, Johnson père et autres qui suivirent) et le «nouveau paradigme» annoncé. Il faut avoir beaucoup de foi, une foi renouvelée pour y croire car les évidences sont loin de crever les yeux. Un marqueur de l'existence de ce nouveau paradigme serait que l'on entende parler de l'indépendance, non plus une incantation, mais comme une solution pratique et pertinente aux blocages dans lesquels nous enferme le Canada. Ce serait du jamais vu. Honnêtement, j'ai mes réserves. On ne peut continuer à faire ce que l'on a toujours fait comme Québécois en pensant que nous obtiendrons des résultats différents. Donc, nouveau paradigme, ...mais les principaux intéressés ne semblent pas être au courant.
    Gilles Verrier