Qui appuie Donald Trump?

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Le cirque politique américain





À une semaine du premier débat, Donald Trump, le milliardaire à l’ego pharaonique et à la coiffe légendaire, reste confortablement en avance dans la course à l’investiture républicaine. Qui sont ces Américains qui souhaitent que ce personnage rocambolesque devienne leur président?


Il n’y a pas à dire, l’été politique aux États-Unis offre un spectacle hors du commun. Au Parti républicain, la présence de Donald Trump dans la course à la présidence a complètement dominé l’attention des médias (sur son entrée en course, voir ici et ici). Loin de repousser ses partisans, ses déclarations toutes plus incendiaires et méprisantes les unes que les autres semblent stimuler son avance dans les sondages.


Au départ, deux facteurs incontournables expliquent l’avance de Donald Trump sur ses adversaires républicains : le nombre élevé de candidats (17 à ce jour) et la notoriété du personnage. À 17 candidats, tant que personne ne se démarque clairement, il est possible de prendre la tête avec une part assez faible de l’électorat. Mais ce sera une tout autre affaire lorsque le champ se sera rétréci, que ses adversaires seront mieux connus et qu’il lui faudra ratisser beaucoup plus large.


Peu de politiciens ou de célébrités endossent Trump


L’un des indicateurs avancés de succès les plus sûrs en politique présidentielle aux États-Unis est l’accumulation des appuis des politiciens en place, notamment les gouverneurs et les membres du Congrès. Du côté démocrate, c’est davantage l’avance écrasante d’Hillary Clinton à ce chapitre que son avance confortable dans les sondages qui incite les spécialistes à la déclarer gagnante. Du côté républicain, Jeb Bush a une certaine avance pour les appuis internes, mais ces appuis renforcent aussi son image de candidat de l’establishment, aux antipodes de celle que Trump cherche à projeter.


Parmi les célébrités qui l’appuient pour le moment, on compte : l’animateur de radio Rush Limbaugh (qui ne l’a pas endossé mais qui le défend avec énergie devant ses millions d’auditeurs); le réalisateur Clint Eastwood; l’évangéliste Franklin Graham (fils de Billy Graham); Dennis Rodman, le controversé basketteur aussi connu pour ses amitiés avec le dictateur coréen Kim Jung Un; Trump aurait aussi la faveur de Sarah Palin, mais les mauvaises langues affirment que son association avec elle est une preuve du manque de sérieux de sa candidature.


Il est aussi notable que parmi ceux qui prennent explicitement leurs distances face au candidat, il y a les frères Charles et Davids Koch, dont la fortune est au moins dix fois supérieure à celle de Trump et qui ont promis de mettre leur machine politique considérable au service du candidat républicain qui défendra leurs priorités politiques.


Des appuis forts d’une frange conservatrice


La notoriété de Trump lui vaut une frange de supporters dévoués, mais il a encore plus de détracteurs tout aussi dévoués. Selon un sondage récent de l’ensemble de l’électorat, 14% ont de lui une opinion très favorable; 20% assez favorable; 16% assez défavorable et 44% très défavorable.


Le supporter typique de Trump est un homme blanc plutôt âgé, peu scolarisé et, surtout, fâché. Par exemple, un sondage Marist-NBC mené au New Hampshire donne 20% d’appuis à Trump : 25% chez les hommes contre 16% chez les femmes; 25% chez les « très conservateurs » et 25% parmi ceux qui n’ont pas de diplôme postsecondaire. Outre ces différences marginales, ce n’est pas dans leurs caractéristiques sociodémographiques que se distinguent ses partisans, mais par leurs attitudes vis-à-vis la classe politique.


L’appui à Trump est un symptôme du sentiment de frustration chez certains Américains ordinaires qui sont frustrés de la performance des politiciens traditionnels. Par contre, il ne semble pas y avoir de lien entre l’appui à Trump et l’identification au « Tea Party », probablement en raison de l’hostilité de ce groupe envers Wall Street. Les partisans de Trump semblent apprécier son style irrévérencieux et ses propos méprisants envers les représentants de l’establishment de son parti, qu’il qualifie (entre autres épithètes moins élogieuses) d’incompétents ou de mollassons.


Ses partisans ne demandent pas mieux que de voir leurs préjugés, leurs xénophobie et leurs biais idéologiques martelés tout haut par un anti-politicien qui, lorsqu’on lui demande de préciser le contenu de ses politiques, se contente de dire qu’il est le meilleur en tout et que son succès en affaires offre une garantie de son succès aux commandes de l’État. Comme en fait foi ce bref extrait d’une rencontre avec ses partisans, ceux-ci mettent en évidence son « sens commun », son honnêteté (surtout lorsqu’il d’exprime des opinions fondées sur les pires préjugés) (voir l'extrait vidéo ici).


Pour les admirateurs de Trump, sa fortune ne le distancie pas des préoccupations des gens ordinaires. En fait, son penchant ostentatoire pour le bling-bling et le kitsch amène plusieurs à s’identifier à lui en se disant que s’ils avaient tous ces millions, c’est comme ça qu’ils aimeraient vivre eux aussi. Sa richesse lui donne aussi l’avantage politique de celui qui se dit capable de financer lui-même sa propre campagne et ainsi d’éviter d’être redevable aux groupes d’intérêts qui manipulent les politiciens traditionnels.


Une forte résistance


En plus des appuis quasi inexistants de Trump chez les politiciens en place, ce qui représente le plus important obstacle à sa candidature est la persistance d’un fort courant d’opinion négative à son sujet. Un sondage national récent mené par Quinnipiac University qui place Trump en tête à 20% chez les républicains (devant Bush à 10%) indique aussi que 30% des républicains n’envisageraient jamais lui accorder leur appui (14% n’appuieraient jamais Jeb Bush). Comme plusieurs autres, ce sondage révèle que les opinions défavorables de Trump (59%) dépassent de loin les opinions favorables (27%) (voir aussi ce sondage YouGov/The Economist: 60% défavorables vs 34% favorables).


Il est aussi notable que dans ce même sondage Quinnipiac, Trump perdrait contre tous les candidats démocrates potentiels, y compris le « socialiste » Bernard Sanders, alors que ses principaux adversaires Bush, Rubio et Walker parviendraient à s’imposer dans quelques scénarios.


Toutefois, une autre donnée est à souligner : Le sondage Marist (Iowa et New Hampshire seulemement) suggère qu’il est plus important pour une forte majorité de républicains de choisir un candidat qui partage leurs convictions plutôt qu’un candidat qui ait plus de chances de gagner contre les démocrates.


Qu’adviendra-t-il de la candidature de Donald Trump? Avant que le premier vote ne soit déposé, en janvier prochain (et on dit chez nous qu’une campagne fédérale de onze semaines, c’est trop long!), Trump devra, comme les autres, passer une série d’épreuves dont la première sera le débat républicain à Cleveland jeudi prochain. Ce premier débat mettra en présence dix candidats mais tous les yeux seront rivés sur la crinière blonde du Donald. Le débat nous donnera une idée un peu plus claire de ce qui suivra, mais il constituera surtout un spectacle épique. C’est à suivre.



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Pierre Martin50 articles

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Pierre Martin est professeur titulaire au Département de science politique de l’Université de Montréal et directeur de la Chaire d’études politiques et économiques américaines (CÉPÉA). Il est également membre du Groupe d’étude et de recherche sur la sécurité internationale (GERSI)





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