Là où la direction du PI doit se concentrer, c’est dans sa justification,
son argmentaire, sa rhétorique. Avant d’expliquer le bri proposé du
principe démocratique, il faut en effet rentrer le clou de
l’anti-démocratisme canadien. L’illégalité de la constitution du Canada au
Québec, la fraude référendaire de 1995, l’assimilation linguistique par
voie immigratoire, les privilèges accordés à la minorité canadienne du
Québec, c’est là que le PI doit frapper (1).
Une fois cette critique faite, ensuite, un bri du principe démocratique
dans l’accession du Québec à l’indépendance peut être suggéré. Ce bri, lui,
s’il utilise l’arme de la nation québécoise contre le bloc anglais du
Québec, doit se fonder sur une conception civico-linguistique de la nation
québécoise. La nation québécoise est une nation de langue, établie, qui
réclame comme territoire le Québec. Est donc Québécois qui parle français
et vit au Québec.
La discrimination linguistique, elle, est une forme de discrimination
positive, une discrimination positive nationale. La nation québécoise est
une extrême minorité linguistique en Amérique du Nord et cette situation
d’extrême minorité linguistique mi-continentale, elle, justifie, donc, une
forme de discrimination positive, en l’occurence, nationale. Il est donc
légitime, au Québec, de discriminer sur le fondement de la langue (2).
C’est ce qu’implique cette conception civico-linguistique de la nation
québécoise.
Comment circonscrire et baliser cette discrimination ? J’y reviendrai
ultérieurement, mais disons tout de suite qu’il faut déterminer un niveau
de maîtrise de la langue française (ex. : le niveau de passage de la
sixième année du primaire), ou d’effort, au moins, pour la maîtriser (ex. :
assistance à trois ans de cours de francisation), une manière de déterminer
ce niveau (un examen national de français imposé aux aspirants Québécois
qui n’ont pas fait une partie significative de leurs études en français).
Quelles sont les conséquences de cette discrimination ? Doivent être
privées de tous leurs droits politiques – incluant le droit de vote et le
droit d’être membre d’un parti politique – et considérées comme des
résidents non-citoyens toutes les personnes qui n’ont pas le niveau requis,
ou qui n’ont pas entrepris les efforts nécessaires pour
développer-améliorer leur français. Les aspirants Québécois, donc, ont un
devoir d’apprentissage du français.
David Poulin-Litvak
1 : Je tiens tout de même à ici souligner que je ne suis pas membre
d’aucun parti politique québécois, ni donc a fortiori du PI. Bien que je
comprenne et soutienne ce parti pour ce qu’il apporte, potentiellement, au
Québec, je ne suis pas sûr que la voie proposée soit la meilleure.
Néanmoins, en adoptant la ligne la plus dure qui soit, la voie électorale,
il provoque le débat et apporte conséquemment de l’eau au moulin
délibératif. Ma contribution ne doit donc être vue, ici, que dans cette
perspective.
La question est ici de savoir si le bri démocratique est légitime et
légitimable. Pour dire les choses simplement : une mince majorité simple de
députés et une minorité non-définie des voix constitue-t-elle un fondement
sur lequel fonder un État indépendant ? Au strict minimum, PI devrait
déterminer et possiblement qualifier cette minorité sur le fondement de la
conception civico-linguistique de la nation. Je ne suis cependant pas
convaincu que même cela suffise. La question, cependant, se pose.
Ensuite l’argument, lui, de l’utilisation par le Canada de ses pleins
pouvoirs dans sa lutte anti-Québec, admettons-le, est disproportionné. Il
cache mal l’inconfort du PI à penser un gouvernement de combat,
c’est-à-dire un gouvernement qui ne considère pas qu’il aille la légitimité
requise pour déclarer l’indépendance, mais qui aille néanmoins la
légitimité des moyens d’État, et qui les utilise dans une perspective de
combat contre le fédéral, faisant de ce combat un possible tremplin vers
l’indépendance.
2 : Notons qu’une telle discrimination n’est pas toujours valide. Le cas
québécois est caractérisé par 1) une situation d’extrême minorité
linguistique, 2) une pression constante qui constitue une menace réelle
pesant sur la langue, et par ce biais, sur la culture, et, aussi, par 3)
l’existence d’une nation politique potentielle : l’existence d’un sentiment
national et d’une volonté de perpétuité, d’une entité politique et d’une
capacité de se gouverner.
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --
Quelques notes sur la rhétorique du PI
Tribune libre 2008
David Poulin-Litvak51 articles
[Campagne pour une Assemblée citoyenne sur la réforme du mode de scrutin au Québec ->http://www.assemblee-citoyenne.qc.ca/]
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3 commentaires
Raymond Poulin Répondre
30 janvier 2008Monsieur Litvak,
L'impératif démocratique de majorité n'exige pas nécessairement un référendum, il peut être satisfait également par une élection référendaire remportée à la majorité absolue des sièges mais aussi des voix, ce à quoi se refuse le PI. C'est son seul problème, mais sa direction a décidé de le contourner par un référendum sur la constitution d'un Québec indépendant. Cependant, ce parti entend proclamer l'indépendance dès son accession au pouvoir: il tire d'abord et pose la question ensuite. Cherchez l'erreur. Quant à «discuter et délibérer» avec lui, je vous souhaite plus de succès que ceux qui l'ont tenté avant vous. Sais-on jamais...
David Poulin-Litvak Répondre
29 janvier 2008Veuillez noter, M. Poulin, que je n'endosse pas par mon propos, si ce n'était pas déjà clair, la stratégie du PI, la dite voie électorale. Cependant, ce que je dis, c'est que ce parti, s'il maintient cette position, doit approfondir son discours et son argumentaire dans le sens proposé.
Note:
La privation des droits politiques des citoyens non-francisés doit être accompagnée d’une nouvelle loi 101 (réseau de l’éducation, milieux de travail) et d’efforts substantiels de francisation (investissement dans l’infrastructure de francisation des immigrants et des non-francophones). Par souci de justice, il faut aussi que l’entrée en vigueur des normes relatives aux droits politiques permette aux citoyens actuels non-francophones de se franciser, bref, qu’il y ait une période minimale de trois ans après l’entrée en vigueur des lois susmentionnées pendant laquelle ces citoyens peuvent se franciser, s’ils veulent conserver la citoyenneté québécoise et les droits politiques qui y sont afférents.
Cet impératif de justice implique donc soit de prendre le pouvoir auparavant, avec un gouvernement de combat (ces mesures sont clairement illégales dans le régime culturo-colonial canadien), soit de les appliquer après l’indépendance (elles auraient alors une fonction d’assimilation linguistique interne).
La non-considération du vote du bloc anglais lors d’une éventuelle accession à l’indépendance (sans application préalables de ces mesures), elle, quoiqu’elle soit cohérente avec la stratégie PI, pose certains problèmes. En plus de ceux que vous évoquez, pour moi, l’un des principaux, c’est que la non-inclusion du vote du bloc anglais mine justement la légitimité d’une éventuelle francisation avec de telles mesures. Disant les choses autrement, une victoire référendaire ou l’équivalent selon les règles de l’art démocratique constitue une légitimation de ce que j’appelle, avec un sourire en coin, la Reconquête du Québec, par les Québécois.
Cependant, je crois qu’il importe de discuter et délibérer de ces arguments et contre-arguments avec le PI, ce qui était le but de ce texte.
L’une des questions un peu masquée par l’actuel discours du PI, c’est justement celui de l’impératif démocratique de majorité. La question n’est donc pas, essentiellement, le référendum ou non, mais bien si cet impératif démocratique de majorité, au Québec, peut et devrait être écarté, comme le propose le PI.
Raymond Poulin Répondre
28 janvier 2008Monsieur Litvak, il serait absolument impossible, en 2008, de faire reconnaître par la communauté internationale l'indépendance d'un État si sa proclamation s'appuyait sur un vote dont auraient été exclus des catégories de citoyens disposant de ce droit. L'aveuglement là-dessus est dangereux.
Par ailleurs, une élection référendaire à la majorité des sièges mais sans la majorité des voix présente également un problème si, à la fin du processus, un référendum ne vient pas confirmer la décision prise par le gouvernement.
À force de réagir au traumatisme de 1995 par la pensée magique, nous allons finir par nous foutre dans la merde pour de bon. La première chose à faire, même si elle est désagréable aux oreilles pressées d'en finir, c'est de convaincre suffisamment de Québécois de voter "oui", soit à un référendum, soit à une élection référendaire. La seconde consiste à s'assurer, par l'établissement d'une carte d'électeur ou d'une véritable carte d'identité, ainsi que par un changement en conséquence à la loi électorale, que seuls les citoyens reconnus comme tels et résidant en permanence au Québec depuis trois ans faits puissent voter. Si ces précautions avaient été prises en 1995, ni les immigrants prématurément et frauduleusement naturalisés par Ottawa — qui leur faisait croire qu'un Québec indépendant les retournerait dans leur pays advenant l'indépendance, j'ai déjà reçu des témoignages là-dessus — ni des fédéralistes qui se prélassent huit mois par an hors du Québec n'auraient pu voter, et le résultat eût été autre. Le rapport de l'ancien DGE sur la question en disait long sur le sujet.