Le mouvement d'opposition à la hausse des droits de scolarité a rapidement dépassé l'enjeu initial du départ pour devenir un autre terrain de bataille pour le vieil affrontement idéologique entre la droite et la gauche.
Les organisations étudiantes et certains de ses alliés ont souvent affirmé que la hausse des droits s'inscrivait dans une logique de marchandisation de l'enseignement universitaire, un terme qui est revenu très souvent dans ces semaines de boycottage des cours.
Cela ne se vérifie certainement pas dans les chiffres. Avec les hausses, la contribution des étudiants au financement des universités passera de 12,7% à 16,9% su total. Le changement est trop modeste pour qu'on puisse y voir une bascule vers une logique marchande. Car le financement de nos universités restera très largement public.
Le terme de marchandisation sert aussi à stigmatiser l'argumentaire du gouvernement Charest qui consiste à dire que les étudiants retirent d'importants bénéfices de leurs propres études et qu'il est donc normal qu'ils en assument une partie du coût. Un raisonnement où l'on présenterait l'éducation comme un service qui doit se payer plutôt que comme un service public et un bien collectif socialement utile.
Mon réflexe, c'est de me demander si on est capables, au Québec, dans nos débats collectifs, de marcher et de mâcher de la gomme en même temps.
C'est une évidence que l'éducation est un bien public. L'ensemble de la société profite du fait qu'une proportion croissante de sa jeunesse étudie à l'université et obtienne des diplômes universitaires. C'est si important qu'il est souhaitable que l'État consacre des sommes croissantes dans son réseau universitaire. J'ai écrit des tonnes de chroniques et des chapitres entiers de livres là-dessus.
Si l'éducation supérieure est un bien public, c'est parce qu'elle enrichit la société, tant au plan économique que social. Nous avons besoin de spécialistes et d'intellectuels. Nous avons besoin de recherche. Nous savons que l'éducation est le plus puissant outil pour lutter contre la pauvreté, qu'elle a un effet positif sur la vie démocratique.
Mais le fait que l'université comble clairement des besoins collectifs n'exclut pas qu'elle profite individuellement à ceux et celles qui la fréquentent, parce qu'ils auront de meilleurs emplois et de meilleurs salaires. En ce sens, il n'est pas illogique que son financement soit à la fois collectif et individuel. C'est ce que nous faisons en santé, où une portion des dépenses est payée directement par les citoyens. Ou encore avec les CPE à 7$ par jour.
Le concept de marchandisation fait aussi référence à la crainte que l'on soumette l'université à une logique utilitaire, qu'elle soit au service des entreprises en leur fournissant les travailleurs qualifiés dont elles sont besoin. Encore là, mâchons en marchant.
L'université joue plusieurs rôles qui doivent coexister, de recherche, d'enseignement. Elle forme à la fois des techniciens et des intellectuels. Mais une de ses missions, pas la seule, est de répondre aux besoins du marché du travail, tant du secteur public que du privé. Une partie de ses activités est donc utilitaire.
Si la hausse des droits de scolarité posait un risque, ce serait plutôt de pousser des étudiants craignant de s'endetter à privilégier des cheminements plus rentables. Mais cela ne correspond pas au discours dominant. Nous avons besoin de philosophes et d'anthropologues, et ce serait une erreur de croire que les cheminements académiques doivent être linéaires. Voilà d'ailleurs pourquoi des mesures comme le remboursement proportionnel au revenu sont si importantes.
Ce discours un peu creux sur la marchandisation a détourné notre attention de débats pourtant essentiels. On n'a à peu près pas parlé des besoins des universités, de la compétition internationale qui les affecte, des objectifs à atteindre en enseignement ou en recherche. C'est dommage.
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