Même si la forêt boréale brûle encore, les porte-parole de la pensée correcte annoncent avec soulagement le retour des travailleurs des sables bitumineux et des habitants de Fort McMurray. Tout le pays devrait se réjouir que les millions de tonnes de gaz à effet de serre et les millions de litres d’eau toxique, générés quotidiennement par l’industrie pétrolière la plus sale de la planète, puissent être relâchés dans l’environnement comme avant. La production pourra reprendre, les projets de pipelines pourront aller de l’avant. Certains chroniqueurs ont déploré les allusions faites au réchauffement climatique en plein cœur de la crise. Le Canada est un pays de matières premières, dit-on, nous n’avons pas le choix d’exploiter notre ressource.
Pendant ce temps, la sécheresse et la canicule font grimper le mercure jusqu’à 51 degrés Celsius en Inde et affament 50 millions de personnes en Afrique australe . Plus de 8 000 tonnes de sardines asphyxiées s’échouent sur les côtes du Chili . Des inondations paralysent l’Europe et déplacent 500 000 personnes au Sri Lanka, tandis que le tiers des oiseaux d’Amérique du Nord disparaissent sans bruit. Mais les médias font peu de cas de ces désastres.
Les impacts du réchauffement climatique sont devenus si graves qu’il est de bon ton de ne plus en parler. On dira que si la forêt boréale se dessèche, ce n’est pas notre faute à nous, c’est la faute à El Niño. Pendant l’incendie de Fort McMurray, les calculateurs n’ont pas perdu de temps pour rassurer la population. La reconstruction de la ville va créer des emplois et de la richesse, disent-ils. Oublions vite la poussière toxique et le printemps silencieux, l’industrie a besoin de sa main d’œuvre.
Le discours de nos médias sur l’industrie pétrolière albertaine contraste curieusement avec les conclusions d’un rapport préliminaire du groupe de prospective Horizons de politiques Canada paru en mars 2016 et diffusé sur internet grâce à la loi sur l’accès à l’information. Ce rapport provenant d’un groupe de travail interne au gouvernement fédéral note que le prix des énergies renouvelables a tellement diminué, notamment grâce au géant chinois, que les hydrocarbures les plus sales sont voués à un déclin plus rapide que prévu. S’il veut se positionner dans le virage économique de la transition énergétique, le Canada a tout avantage à désinvestir dans les Sables et à exploiter son potentiel minier et sa capacité d’innovation technologique pour répondre aux besoins industriels liés à l’essor des énergies renouvelables partout dans le monde. Selon les experts du rapport, le grand virage déjà amorcé devrait se généraliser dans un horizon de 10 à 15 ans. On comprend que dans ce scénario, il n’y a pas de place pour l’expansion des sables bitumineux et ni pour les projets de pipelines.
Ceux et celles qui mènent la lutte contre les gaz à effet de serre peuvent se réjouir des changements préconisés dans ce rapport du groupe Horizons politiques Canada. Ceux et celles qui ont tout perdu dans l’incendie de Fort McMurray peuvent également être soulagés. Car ils et elles pourront obtenir de la part de leur assureur une compensation financière qui leur permettra de quitter la région malsaine et aller s’installer ailleurs. Tandis que ceux et celles qui restent trouveront difficilement des acheteurs pour leur maison, une fois que les Sables seront déclassés à la bourse. Espérons que ce soit avant 10 ans car, comme disent les climatologues, dans 10 ans il sera trop tard pour sauver le climat.
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