Québec s’attaque à la radicalisation

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Couillard veut confier la gestion de la liberté d’expression au diable

Le gouvernement Couillard a matérialisé son intention de s’attaquer à la radicalisation, les discours haineux, les crimes d’honneur et les mariages forcés.

À Montréal, la vice-première ministre et ministre de la Sécurité publique, Lise Thériault, et la ministre de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, Kathleen Weil, ont dévoilé un plan d’action pour lutter contre la radicalisation « menant à la violence » tandis qu’à Québec, la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, a déposé le projet de loi 59 pour contrer les discours haineux ou incitant à la violence, les crimes d’honneur et les mariages forcés.

Lise Thériault veut « dépoliciser », selon son expression, le Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence, mis sur pied par la Ville de Montréal au lendemain des attentats de Saint-Jean-sur-Richelieu et d’Ottawa. Elle le retire des mains du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

Herman Okomba-Deparice, actuellement conseiller stratégique à la section des stratégies d’actions avec la communauté du SPVM, assurera dorénavant la coordination de ce centre. Il dirigera une équipe « multidisciplinaire » disponible en tout temps par téléphone pour conseiller toute personne aux prises — directement ou indirectement — avec des problèmes liés au phénomène de la radicalisation. « Partout au Québec, la famille et les amis d’un jeune ou de quiconque présentant un signe de radicalisation pourront bénéficier du soutien et de l’expertise offerte par les différentes ressources regroupées sous un même toit », a déclaré Lise Thériault.

« La personne qui va répondre va être chargée de faire un diagnostic sur ce que vit le parent [et déterminer s’il s’agit d’]un cas de police oud’un cas de travail social », a-t-elle expliqué. À ses yeux, « il est faux de penser que chaque cas requiert une réponse policière ». Le maire de Montréal, Denis Coderre, a, pour sa part, signalé que le Centre de prévention de la radicalisation sera « unique en Amérique du Nord ».

Contre les discours haineux

Le projet de loi 59, présenté par Stéphanie Vallée, confère à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) un pouvoir d’enquête sur les discours haineux ou incitant à la violence destinés à un groupe de personnes comme les femmes, les homosexuels, les minorités visibles, les groupes religieux, les communautés ethniques, et même les militants d’un parti politique, enfin tout groupe formé de personnes protégées par l’article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne. À l’heure actuelle, la CDPDJ ne peut intervenir que si les propos haineux visent une personne en particulier, et qu’à la suite d’une plainte de celle-ci. La Commission pourra désormais enquêter de sa propre initiative.

Le Code criminel canadien réprime déjà les discours haineux, mais le fardeau de la preuve dans les procédures civiles devant le Tribunal des droits de la personne est beaucoup moins lourd : point besoin de prouver l’intention de nuire ou la culpabilité hors de tout doute raisonnable. Ce tribunal pourra délivrer des ordonnances pour faire cesser les propos haineux et imposer des sanctions pénales variant entre 1000 $ et 10 000 $. Les personnes reconnues coupables figureront sur une liste rendue publique.

Pour contrer les crimes d’honneur et le comportement abusif de certains parents rigoristes, le projet de loi ajoute aux mauvais traitements décrits dans la Loi sur la protection de la jeunesse la notion de « contrôle excessif ». Un jeune pourra obtenir une « ordonnance civile de protection » s’il se sent menacé.

Pour limiter les mariages forcés, le projet de loi prévoit que les unions impliquant des mineurs — de 16 ou 17 ans — devront être autorisées par un juge. Aussi, les projets de mariage devront être annoncés sur le site Internet du Directeur de l’état civil.

Enfin, de nouveaux pouvoirs d’enquête et de sanction sont conférés au ministre de l’Éducation dans le cas de comportements qui peuvent faire craindre pour la sécurité physique et morale des élèves du primaire et des étudiants du secondaire et du collégial, que les établissements soient publics ou privés.

59 mesures

Le Plan d’action gouvernemental « La radicalisation au Québec : agir, prévenir, détecter et vivre ensemble » comprend 59 mesures. Il est doté d’un budget de 10 millions répartis sur trois ans. On créera notamment un poste de « vigie des médias sociaux » au ministère de la Sécurité publique et à la Sûreté du Québec. Des patrouilleurs du Web auront pour tâche d’« identifier rapidement et efficacement les personnes qui pourraient poser un risque à notre sécurité ».

Le gouvernement misera aussi sur des partenariats de recherche afin de comprendre, de reconnaître et de contrer le phénomène de la radicalisation, a indiqué Kathleen Weil, pointant l’Observatoire sur la radicalisation et l’extrémisme violent et le CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal.

L’État contribuera financièrement à une recherche visant à déterminer les facteurs de radicalisation chez les jeunes qui sont à risque. Celle-ci sera menée « en partenariat » avec le collège de Maisonneuve, où plus de 10 étudiants se sont laissé séduire par les appels au djihad. La ministre Weil a toutefois écarté la proposition du Parti québécois de créer un observatoire de l’intégrisme religieux.

La religion a-t-elle un rôle à jouer ?

La communauté musulmane « ne peut plus continuer à jouer à l’autruche », a fait valoir l’imam de la mosquée Al-Imane, Omar Koné, en marge de la conférence de presse.

La communauté peut offrir un « contre-discours de l’islam classique, traditionnel [mettant] l’accent sur les valeurs humaines, le vivre-ensemble » aux « jeunes en difficulté » perméables aux idées d’un « islam radical, violent, sectaire », a-t-il suggéré. Il faut leur fournir « des éléments à caractère religieux également pour venir peut-être déprogrammer la variante de religion qu’ils ont, qui est un peu radicale ». M. Koné aurait souhaité voir les différentes communautés religieuses davantage engagées dans l’élaboration de la stratégie gouvernementale.


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