Vous savez, c’était là une question plutôt rhétorique. Elle visait à vous faire prendre conscience que, dans le contexte actuel où la survivance de notre nation est en jeu, il n’y a pas de bluff acceptable. Il n’y a pas de masque qui tienne, à moins que ce ne soit pour tromper les gens. Et de fait, depuis 50 ans, le masque de la québécitude aura permis d’introduire en douce, avec son «référendisme», ses législations et ses réformes «dénationalisantes», une version provinciale du multiculturisme dans lequel nous nous effaçons peu à peu.
La solidité du processus mis en place depuis lors condamne les nationalistes comme vous, ou comme MBC, à occuper une position marginale et fausse. La position de celui qui, en dépit de la réalité du Québec actuel, réalité politique, socio-culturelle ou légale, se réfugie dans la défense d’une québécitude idéalisée ou rêvée il y a plus d’un demi-siècle par des Bouthillette ou des Miron; une utopie jamais advenue; un fantasme compensatoire pour intellectuel ou artiste mal dans sa peau. Au mieux, a-t-on eu l’impression de cette identité libératrice du fait du poids démographique et social des« lyriques» et des «boomers», eux qui se comportaient comme si avoir la conviction d’une souveraineté suffisait à la rendre réelle. Une belle imposture, dont la préservation reste la principale occupation de toute cette génération (et de quelques autres qui la servent) dans le but de sauver les apparences.
Ce que je défends avec d’autres, c’est qu’on ne peut plus vivre ainsi, vivre de cette imposture. Pour reprendre le combat, il nous faut une nationalité réelle, tangible, historique, notre nationalité canadienne-française. Cette identité, en directe filiation avec le Canada français de la Nouvelle-France, fut celle qui a nourri notre survivance, celle qui nous a donné une force telle, qu’en dépit de toutes les exactions, nous avons su grandir et essaimer à travers le continent tout entier. C’est elle enfin, qui nous a menés à vouloir faire de la Province of Quebec, notre État national.
Deux arguments semblent pourtant vous empêcher de le reconnaître. D’une part, l’ethnicisme qui entacherait la nation canadienne-française, et d’autre part, la minorisation politique à laquelle notre nationalité nous relèguerait, au point de nous faire régresser au rang de groupe folklorique.
La nation canadienne-française n’a jamais relevé de l’ethnicisme. Sa richesse culturelle, sa vitalité communautaire, le nombre de ses institutions nationales et ses combats politiques séculaires, ont toujours fait en sorte que quiconque voulait faire corps avec elle pouvait le faire en toute conscience. Vous ne me croyez pas? Relisez les textes de Gilles Verrier ou de Me Néron, relisez les actes des États généraux de 1967, le manifeste du RIN ou le rapport de la Commission Tremblay. Grands dieux, relisez notre histoire et notre littérature et cessez de reprendre les propos de MBC. Ils qui ne démontrent qu’une chose : la profonde inculture nationale de leur auteur.
Ceci dit, c’est bien plus aujourd’hui, du fait de notre grave déficit identitaire et de notre acculturation, qu’il est devenu difficile de s’intégrer à nous : «Québécois francophones de souche» ou «majoritaires historiques», on n’a plus grand-chose à offrir en partage.
Le deuxième argument est carrément grotesque : se considérer, «Québécois francophones de souche», nous aurait permis d’être majoritaires au Québec, et, en conséquence, redevenir Canadiens-Français nous ferait perdre ce précieux avantage. Écoutez : nous sommes majoritaires sur le territoire du Québec depuis la Nouvelle-France. Après la Conquête, nous avons lutté pied à pied pour recouvrir nos droits fondamentaux et, dès 1867, les Canadiens-Français étaient déjà en mesure de contrôler électoralement le gouvernement de Québec. Cent ans plus tard, nous exigions un État national pour les Canadiens-Français. Nous étions en passe de nous émanciper, et puis, plus rien. Pensée magique, pédagogisme 101 et vœux pieux. Depuis qu’on se dit Québécois, depuis qu’on s’assoit sur notre majorité «nouvelle» comme sur des lauriers, nous accumulons les échecs politiques et nous périclitons. Dès que les boomers –et surtout leurs leaders, ces culs-bénits de la québécitude– auront tous tiré leur révérence d’ici 20 ans, nous serons bel et bien en minorité dans notre patrie laurentienne, cela pour la première fois de notre histoire. Ah, il sera beau leur héritage…
Mais faire tenir notre légitimité politique sur ce soi-disant statut de« majoritaires » aura été suicidaire pour une autre raison. En se disant «Québécois», identité faussement performative diraient peut-être MM. De Crèvecœur et Plamondon, nous nous donnions des responsabilités démesurées. On se retrouvait dans la position absurde de devoir, nous, la désormais «majorité francophone» du Québec, entretenir de fausses minorités québécoises et notamment une «communauté d'expression anglaise» ayant -elle- des «droits consacrés».
Vous vous plaignez d’un sur-financement des institutions anglophones? Commencez d'abord par vous demander comment et pourquoi les Canadiens-Français en sont venus à financer ces institutions? Comment nous en sommes arrivés à financer McGill, la plus vénérable et prestigieuse des universités canadiennes-anglaises alors même que nous nous désintéressions des institutions de notre diaspora pancanadienne et américaine? En devenant Québécois, voilà tout.
Vous vous plaignez du fait que nous tournions en rond depuis 50 ans; nous payant de mots pour couvrir nos échecs? Comment pourrait-il en être autrement? Car c’est ça la nature de la québécitude.
Ne comprenez-vous pas que se reconnaître Canadiens-Français est le seul moyen d’enrayer notre déclin, de changer le paradigme, de bouleverser les rapports de force et de dénoncer la précarité de notre nation?
Agir pour vrai, ça ne vous dit vraiment rien?
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11 commentaires
Gilles Verrier Répondre
1 décembre 2018M. Pruneau,
L'identité canadienne est la nôtre. Elle est reconnue dans les Articles de capitulation de Québec et de Montréal, (1759-1760). Documents signés par des puissances internationales et le Canada des fondateurs. L'identité québécoise est une identité d'occasion, reprise des vainqueurs de 1763, pour présumément faire l'indépendance du Québec. Or, personne n'a voulu faire ce qu'il faut pour que l'indépendance du Québec se fasse. On n'a même pas voulu résister à la passation d'une nouvelle constitution dont nous ne sommes pas signataires. L'identité de circonsatnce a fait long feu. On peut donc librement reprendre notre identité de Canadiens et faire notre deuil de la mascarade. Que plusieurs veuillent s'appeler Québécois francophone ne me pose aucun problème, contrairement à ceux qui présentent le Québec comme le territoire d'une seule nation. Le Québec ne l'est pas. Tout comme le Canada, il est pluri-national.
Le combat pour l'égalité des nations, qui est notre véritable combat traditionnel, est un combat légitime. Il sera mieux défendu en reprennant les assises sur lesquelles il est né.
Guy Pruneau Répondre
30 novembre 2018J'aimerais comprendre ce que vous essayez d'accomplir concrètement par ce changement de dénomination. Vous dites que le terme "québécois" signifie notre acceptation du régime politique actuel et consacre notre folklorisation. Il me semble au contraire que le fait de concentrer nos efforts sur le seul territoire où nous avons un certain niveau de contrôle nous folklorise beaucoup moins que le fait de nous identifier comme minorité impuissante d'un plus vaste ensemble. Tant qu'à y être, nous pourrions nous définir comme Nord-Américains-Français à la Elvis Gratton, nous serons encore plus minoritaires et revendiquerions un plus grand territoire, je suppose que cela nous folkloriserait encore moins selon votre logique.
La seule chose qui peut nous sauver véritablement de la folklorisation est d'avoir notre propre État indépendant. Si cela se produit, ce sera un Québec indépendant, pas un Canada français indépendant, à moins d'envahir et d'annexer par la force les zones francophones limitrophes. Cela supposerait une fortitude assez peu typique des Canadiens-Français en général et des fédéralistes en particulier.
Dans un Québec indépendant, tout le monde serait Québécois, comme en France tout le monde est Français et au Japon tout le monde est Japonais. Ce qui nous folklorise, c'est notre appartenance au Canada et notre minorisation, pas le nom que nous nous donnons. En attendant, il faut continuer de renforcer l'État québécois autant que faire se peut, car des institutions canadiennes-françaises, il n'y en a pas. Bonne chance pour en créer.
J'ai déjà entendu des fédéralistes dire qu'ils considéraient que l'Ouest et les Rocheuses leur appartenaient autant qu'aux gens de l'Ouest. Très bien, allez le leur dire juste pour voir. Bon lynchage! Concrètement, "de facto", nos fédéralistes possèdent autant l'Ouest que les Premières Nations possèdent l'Amérique et que nous possédons le Labrador.
Un Québec indépendant est réalisable, il suffit d'abord et avant tout de le vouloir. Quant au Canada français, le Canada anglais pourrait répondre comme Staline: "Le Canada français? Combien de divisions?" Et si un jour les francophones en viennent à contrôler un territoire plus vaste que le Québec, je vois mal comment cela pourrait se faire sans obtenir d'abord un Québec indépendant. La dynamique actuelle au Canada ne favorise pas les francophones, qui depuis toujours se montrent trop bonne-ententistes de toute façon.
En passant, est-ce que le fait de se dire Canadiens a jamais empêché les Canadiens-Anglais de se donner des privilèges au détriment notamment des Canadiens-Français et des Premières Nations? Non, n'est-ce pas? Par conséquent, en quoi le fait de nous dire Québécois nous empêcherait de faire prévaloir le point de vue des Québécois de souche (ou Canadiens-Français si vous préférez)? Si c'est bon pour minou, c'est bon pour pitou. Naturellement, pour ce faire, il faut contrôler nos institutions, et on en revient donc à un État fort et autant que possible indépendant.
Permettez-moi par ailleurs deux commentaires au sujet des francophones hors Québec. D'abord, aucune société n'est durablement bilingue. La Belgique et la Suisse, par exemple, sont régionalement très unilingues. Concrètement, le français ne peut survivre à long terme que là où le français est dominant ou assez fort pour pouvoir progresser. Même en l'absence de francophobie, il n'est pas très réaliste de s'attendre à étendre le bilinguisme réel. Ensuite, étant donné le climat généralement hostile au français en dehors du Québec, si les francophones hors Québec tiennent au français à ce point, alors pourquoi demeurent-ils dans une société qui lui est hostile? Le même questionnement vaut d'ailleurs pour nos anglophones. Plutôt que de se lamenter, pourquoi ne déménagent-ils pas alors qu'ils contrôlent déjà au moins 95% des zones habitables de l'Amérique du Nord? Ce n'est pas encore assez?
Je reviens maintenant à ma question de départ: qu'essayez-vous d'accomplir concrètement? Comment croyez-vous que le changement de perspective de Québécois à Canadiens-Français va donner concrètement plus de puissance aux francophones? Le mot-clé ici est "concrètement".
Gilles Verrier Répondre
30 novembre 2018Dans cet échange, M. Cormier-Denis nous présente une idée chère à beaucoup de militants :
Je mets quiconque au défi de retrouver cette volonté dans les faits et gestes du Parti québécois depuis cinquante ans. Elle ne s'y trrouve tout simplement pas. Ce que nous avons c'est une volonté de reconfédération avec le tandem Lévesque-Morin (référendum de 1980), une volonté d'accorder plus de pouvoirs aux provinces (négociations constitutionnelles du tandem Lévesque-Morin en 1981) et, finalement, le référendum de 1995, mené par Parizeau-Bouchard et Dumont, visant une sorte de partenariat mal défini avec le Canada. Et, depuis 1995, « la [ présumée ] volonté de créer un État national indépendant » n'a jamais été reprise ou défendue par le Parti québécois. Point. En fait, le PQ n'ose plus rien depuis 1995. Principalement parce qu'il a été traumatisé par la menace de la nation canadienne-anglaise au Québec, depuis qu'elle a signifié clairement qu'elle ferait sécession si jamais une majorité de Québécois francophones se prononçaient en faveur d'une relation avec le Canada qui leur serait plus profitable. Cette sécession se ferait avec l'appui du ROC et elle entraînerait fort probablement avec elle les Premières nations. Quant aux objections qui tiennent au droit international, ils en feront leur affaire le moment venu, croyez-moi ! Comme les partis politiques cherchent à se perpétuer, pour conserver intact l'illusion que le Québec forme une nation, le PQ n'ose plus rien tenter qui ferait éclater sa généreusde fiction. Or, il n'y a visiblement pas de nation québécoise et il n'y en a jamais eu. Il y a deux nations en forte concurrence au Québec. Une se bat pour préserver ses avantages issus de la conquête, l'autre se bat pour son existence. La pluralité nationale du Québec est d'ailleurs reconnue par la loi 99 qui nomme onze nations autochtones et deux autres groupes, dont le mieux défini des deux est décrit comme une « communauté anglophone aux droits consacrés ». Mais cette « communauté » s'en fout de la loi 99. C'est Ottawa qui la défendra jusqu'au bout si jamais ses privilèges coloniaux apparaissent menacés, si jamais on voulait la séparer de son pays, le reste du Canada, ce serait un casus belli.
Une question me vient, que proposez-vous au juste ? Vous avez un Parti québécois qui a été rejeté par la population parce qu'il parle des deux cotés de la bouche depuis cinquante ans. Les péquistes sont d'ailleurs massivement passés à la CAQ. La CAQ est un nouveau PQ, l'enflure des prétentions sur le « pays » en moins. Votre programme est-il que la CAQ fasse l' «indépendance » en avançant masquée, un petit pas à la fois ? C'est exactement ce que le PQ a tenté de faire 99 % du temps, hormis ses foireuses aventures référendaires.
Avec d'autres, dont l'auteur de cette tribune, j'apporte de nouvelles idées dans un contexte où tout ce qui a été entrepris depuis cinquante ans sur le plan de la question nationale est un lamentable échec. Dans ce contexte, je regrette que vous ne trouviez que des aspects négatifs au vocable Canadien-français, que vous associez à une politique de collaboration et d'impuissance, du déjà vu. Mais ne voyez-vous pas que la politique péquiste n'a jamais été autre chose qu'une politique de soumission et de collaboration, pour ne pas dire une parfaite imposture ? Avez-vous tant aimé la métamorphose néo-nationaliste québécoise des cinquantes dernières années pour la défendre à ce point ? J'espère que vous n'iriez pas jusqu'à dire que tout le ratage est la faute de « la gauche » ?
Alexandre Cormier-Denis Répondre
30 novembre 2018Rien ne réjouit plus les Canadiens anglais que des Québécois se disant « Canadiens français ».
Cela leur renvoie l'idée que nous sommes une bonne petite communauté rattachée à cette fiction d'un État bilingue fédéral s'étant montré généreux. La fin de cette schizophrénie d'être la moitié de quelqu'un d'autre est plutôt salutaire et correspond à la volontéd de créer un État national indépendant.
Un nationaliste canadien-français cohérent devient logiquement un séparatiste québécois.
L'épisode pitoyable de ces chroniqueurs indignés par le sort des Franco-Ontariens nous rappelle que la foi dans un Canada binational n'est qu'une fiction entretenue par les élites québécoises fédéralistes.
Ce qui dérange profondément le Canada, c'est la prétention nationale du Québec.
Le problème ne réside pas dans la création de l'identité québécoise mais dans le gauchisme systémique qui s'est immiscé dans le mouvement souverainiste, celui-ci confondant le progressisme et la création d'un État souverain.
La souveraineté du Québec ne vise pas à la reconnaissance ethnique des Canadiens français - ce qui n'entraverait en rien le fédéralisme canadien qui pourrait très bien s'en accommoder - mais a comme objectif le rapatriement au Québec des pouvoirs régaliens de l'État.
C'est-à-dire le contrôle des frontières, la création d'une armée nationale et d'une banque centrale : soit assurer la souveraineté territoriale, militaire et monétaire du pays.
Il est tout à fait normal que notre dénomination nationale corresponde à l'État dont nous voulons la souveraineté et où nous demeurons (pour l'instant) majoritaires.
Éric F. Bouchard Répondre
2 décembre 2018Non, il n’est pas normal de vouloir s’identifier au cadre administratif défini par son conquérant. Cela procède d’une grave aliénation coloniale. C’est la nation qui constitue son État national. L’Angleterre est la terre des Angles, l’Écosse, celle des Scots; la Bretagne naît de l’arrivée des Bretons en Armorique, et la Pologne, de la domination des Polanes ou Polonais. Ces derniers, privés d’État pendant près de 125 ans et réduits au « duché de Varsovie », ne se sont pas dit un jour : devenons « Varsoviens » et notre émancipation en sera facilitée. Non, ils sont restés fidèles à leurs origines et ont œuvré à la renaissance de la Pologne. Les Canadiens-Français ont eu cette même force de conviction. Partis de rien en 1763, ils ont été en mesure, 200 ans plus tard, de réclamer un État national qui leur soit propre. La Province of Québec allait enfin redevenir le Canada français, un État par lequel leur nationalité puisse pleinement s’incarner.
Malheureusement, le libéralisme progressiste, présent depuis bien longtemps chez-nous (rappelez-vous le testament politique de Papineau), a su s’imposer au moment crucial. Les néonationalismes du PQ (version souverainiste) ou du PLQ (version fédéraliste) sonnèrent le glas d’un État canadien-français au profit d’un Québec soi-disant plus fort et plus ouvert, soi-disant souverain, mais résolument multiculturel.
L’identité québécoise n’a pas été corrompue par le progressisme, elle en est le fruit. Elle a empêché la nationalisation de l’État québécois, et l’a peu à peu retourné contre nous. Tout ce dont vous vous plaignez : minorisation, anglicisation, histoire dénationalisée, mépris de nos référents civilisationnels, tout cela procède de la québécitude. Faire du Québec et de ses habitants, un absolu, menait irrémédiablement à nous effacer pour mieux cultiver, pour mieux amplifier la diversité apportée par l’Autre, puisque c’est sur cette diversité que repose le Québec des lois 101 et 99. C’est en somme, la doctrine d’État de la québécitude.
Je comprends que vous ayez grandi dans la québécitude et que vous soyez attaché à l’image idéalisée qu’on vous en a transmise, mais cela ne change en rien sa portée idéologique, juridique et politique, qui nous sont toutes délétères. Contrairement à la majorité des lyriques ou des boomers qui ont besoin de cette imposture, de cette « prétention nationale » comme vous dites, pour flatter leur vanité et masquer leurs échecs, vous devriez être en mesure, à votre âge, de prendre du recul et de vous en détacher.
Ce qui importe aujourd’hui est de parvenir à replacer la préservation de notre francité au cœur de notre réalité juridique et politique, parce qu’être une simple « majorité francophone », comme nous l’impose la québécitude depuis 50 ans, s’avère tout simplement suicidaire. Relisez la chronique de Christian Rioux intitulée Les Deux Europes, ce n’est qu’en assumant pleinement notre héritage identitaire que nous saurions, comme les Slaves, résister au rouleau compresseur de la mondialisation.
Or, dans notre cas, ce ne peut être qu’en revêtant l’identité séculaire de nos pères et de nos mères, qu’en défendant à nouveau notre dignité nationale.
François Ricard Répondre
29 novembre 2018Une bonne querelle de mots.....Qui a tort? Qui a raison?
Pendant ces querelles stériles, le Canada nous minorise et nous domine de plus en plus.
Bonnes querelles, messieurs. Et vive le Canada libre.
Jean-Claude Pomerleau Répondre
29 novembre 2018L'identité d'une nation, une affaire d'État.
L'appel aux Canadiens français, la base de l'argumentaire de Jean Chrétien repris lors des référendums. Une stratégie qui se fonde sur la négation de l'existence de notre nation ; laquelle repose sur des assises d'un État, celui du Québec. D'où le nom québécois.
(Radio-Canada)
« L’histoire mondiale ne retient que les Nations qui se sont constituées en États » F.W. Hegel
http://www.ledevoir.com/politi
« On nous refuse le titre de nation » Daniel Johnson (père)
Gilles Verrier Répondre
30 novembre 2018M. Pomerleau, Je me permets d'intervenir de nouveau sur ce fil dans l'espoir de contribuer à l'avancement des idées politiques porteuses de renouveau. Le Québécois qui est Québécois francophone est un Canadien-français, mais il l'exprime d'une autre façon. Le Québécois tout court est un Canadien anglais ou un Canadien français (qui se dit Québécois francophone). Il n'y a pas d'opposition d'intérêt au sein d'une même nation socio-historique.
L'opposition au sein des nations du Québec se trouve entre les privilèges de la minorité anglo-saxonne ( pleins droits et pleine reconnaissance politique pan-canadienne, avantagés en éducation et en santé, etc.) et ceux qui veulent pérenniser leur existence au moyen d'une reconnaissance politique conséquente.
L'État du Québec est le reflet de ces contradictions nationales, parmi d'autres. En général, l'État du Québec n'a jamais pu faire valoir les droits politiques de la majorité démographique. Si c'était le cas, la question nationale ne se poserait pas. L'État ne crée pas la nation, la nation précède l'État. L'État est une création politique - une superstructure politique - alors que les nations sont des réalités sociologiques avant tout. Les Norvégiens n'avaient pas d'État avant de devenir un pays, et il existe plusieurs exemples de cas semblables ou de cas atypiques. Autrement dit, si des États et des pays se créent, les nations, elles, se forment dans la matrice du temps. Elles existent souvent indépendamment des États et des pays. Les Canadiens-français et les Québécois francophones sont identiques dans l'absence de reconnaissance politique nationale et par le manque d'un État qui assure leur pérennité. Je ne propose pas que l'État représente forcément une seule nation, comme au Québec, mais les nations représentées doivent être également reconnues et jouir de la pleine égalité politique. Le Québec doit reconnaître la nation canadienne-anglaise et la nation canadienne-française (Québécois francophones, si tu préfères). Mais il y aurait mieux à faire, de le faire là où ça compte, au fédéral.
Alexandre Cormier-Denis Répondre
26 novembre 2018Pour demeurer Canadiens français, il fallait rester fédéralistes, voilà tout.
Dailleurs, pourquoi vous arrêtez-vous à cette domination de « Canadiens français » qui ne dura que cent ans et des poussières (1840-1960) ?
Pourquoi ne pas aller jusqu'au bout du raisonnement et revendiquer carrément le terme de « Canadiens » tout court, puisqu'il s'agit de notre véritable dénomination nationale dès le XVIIe siècle ?
Tant qu'à créer une confusion sémantique qui demeurera incomprise, je vous invite à aller jusqu'au bout de votre raisonnement.
Gilles Verrier Répondre
29 novembre 2018Les questions que M. Cormier-Denis soulèvent sont d'un grand intérêt. Il vaut la peine de pousser la réflexion. Je voudrais faire valoir en premier qu'il n'y a pas de rupture entre le vocable Canadiens d'origine et celui de Canadiens-Français. Les deux se chevauchent après 1840, comme, par exemple, dans l'hymne Ô Canada (1886) qui parle essentiellement de Nous. Mais cet hymne a été l'objet d'une appropriation par les Anglais, plus tard, tout comme notre nom et nos autres symboles nationaux. Il y a un manque patent de volonté de vivre de la part d'un peuple qui refuse de combattre le dépouillement culturel et identitaire dont il a été victime, une appropriation culturelle de type coloniale, dont l'ampleur et la gravité sont sans rapport avec l'appropriation culturelle que l'on a reprochée à Slav de Robert Lepage.
Selon moi, toute volonté d'exister ne peut faire l'économie de la condamnation et de la contestation d'une expropriation de nos identifiants nationaux. À cet égard, le refus de contester l'expropriation est certainement un des éléments qui nous a poussés dans le repli sur soi, caractérisé par l'adoption d'une identité provinciale ( et ses nouveaux mythes ! ), un bantoustan de stade intermédiaire en attendant la disparition finale.
Le retour à notre identité primitive, qui seule donne tout son sens à notre existence et à notre histoire, est fondamental dans un mouvement de libération contre les affres du colonialisme. La confusion sémantique que vous craignez existe simplement par le fait d'une réflexion qui refuse d'aller jusqu'au bout de la question. Oui, il faut revendiquer et reprendre notre identité usurpée et demander au Canada de s'en trouver une autre. C'est uniquement de cette façon que notre combat deviendra clair comme de l'eau de roche. L'intermède péquiste de cinquante ans n'apparaîtra plus que comme une dérive historique. Il faut demander au Canada de se trouver un nom qui n'est pas déjà pris. Comme ici : https://www.cbc.ca/kidscbc2/the-feed/what-canada-was-almost-named
Éric F. Bouchard Répondre
29 novembre 2018Depuis 1791, il y a deux Canadas, un français et un anglais. La distinction s‘impose depuis lors.
C’est d’ailleurs pourquoi l’identité canadienne-française s’est maintenue pendant plus de 150 ans. Elle apparaît vers 1780 (notons que Charlevoix parle déjà -en 1744- de « Québec, capitale du Canada français »), et elle se popularise dans les années 1820. Elle prenait la suite naturelle des noms « Français canadiens » ou « Français du Canada » qui nous identifiaient depuis l’époque de Sagard, 1626. Le vocable « Canadiens-Français » ne disparaît de l’usage courant que dans les années 1980, stigmatisé par les tenants du progressisme souverainiste et/ou fédéraliste. Dans les années 1990, les plus zélés d’entre eux tenteront même de lui accoler une connotation raciste. Malgré tout, il reparaît aujourd’hui de manière spontanée pour combler notre vide identitaire.
Le nom de «Canadiens» a d’abord servi à nommer les Premières Nations (eh oui!), puis est devenu le qualificatif provincial de nos ancêtres, sujets Français habitant le Canada. Ces derniers ont rapidement pris l’habitude de simplifier en s’identifiant comme « Canadiens » tout court. Cette acception de « Canadiens » se maintient comme synonyme familier de «Canadiens-Français» avant d’être détournée puis accaparée, au cours du 20e siècle surtout, par les partisans d’une nationalité canadienne unique, d’une post-nationalité dirait-on plutôt aujourd’hui.
«Canadiens-Français» se rattache donc à une nationalité qui a toujours offusqué les tenants d'un nationalisme canadian. Depuis l’appel à la fusion des «races» de Durham ou de celle de Papineau, elle reste un affront pour les unionistes ou fédéralistes de tous poils. Elle proclame sans fard, sans masque et sans bluff, l’échec de notre assimilation et l’existence d’une nation française qui entend jouir de ses droits à l’égal du Canada anglais. Elle récuse toute appropriation du patrimoine identitaire canadien-français et elle rappelle à tous, d’ici ou d’ailleurs, que le contentieux issu de la Conquête n’est toujours pas réglé.
La québécitude est tout autre. Elle scelle notre capitulation, notre soumission, notre acceptation du régime politique engendré par la Cession de 1763. Elle détermine enfin notre folklorisation en nous donnant en partage, avec tous les autres Québécois, une simple appartenance régionale, celle-là même voulue pour nous par la Couronne britannique afin de nous spolier de la manière la plus définitive possible.
Est-ce donc si difficile à envisager?