Comme j’ai eu l’occasion de le signaler à quelques reprises (1) depuis le début de l’année 2010, la situation économique et politique se dégrade rapidement aux États-Unis, et va nous amener à devoir revoir en profondeur notre façon de nous situer par rapport au « modèle » américain.
Dans les jours qui viennent, 2 millions d’Américains vont perdre le droit à des prestations de chômage, et 2 autres millions le perdront à la fin du mois de décembre. Et le niveau encore très élevé du chômage aux États-Unis combiné à l’atonie de la reprise laisse présager un autre important ralentissement en 2011, lorsqu’une pléthore de municipalités et d’États, dont au premier chef la Californie, deviendront incapables de faire face à leurs obligations et de se refinancer.
Toutes les alarmes sont en train de sonner. Et vendredi, dans le Washington Post, la présidente de la Federal Deposit Insurance Corp, Sheila C. Bair, prévenaient les Américains de la menace que l’endettement du gouvernement fédéral américain, que certaines estimations évaluent à 14 000 milliards $ (pour visualiser ce que représentent1000 milliards $, et vous représenter mentalement 14 fois la dernière illustration) faisait [peser sur leur avenir ->http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2010/11/25/AR2010112502215.html?hpid=opinionsbox1.
C’est plus de 100 000 $ pour chaque citoyen américain, auxquels il faut rajouter la part de chacun dans la dette des États et des municipalités. Et encore, aux États-Unis comme chez nous, y a-t-il des disputes sur la façon de dresser les comptes publics. Ainsi le chiffre de 14 000 milliards ne comprend-il pas la dette de Fannie Mae et Freddy Mac, les deux sociétés publiques spécialisées dans le refinancement des prêts hypothécaires dont les engagements dépassaient à eux seuls les 8 100 milliards $ à la fin de 2009, ce qui aurait pour effet de gonfler la dette fédérale américaine de près des deux tiers.
Pour vous donner un ordre de comparaison, les hypothèses les plus pessimistes situent la dette publique per capita au Québec à environ 42 000 $ (Secor 2010). C’est vous dire à quel point les scénarios catastrophistes sur notre degré d’endettement sont amplifiés, et combien ils servent des intérêts qui non seulement ne sont pas les nôtres, mais qui ne visent qu’à s’enrichir à nos dépens en cherchant à nous faire prendre de mauvaises décisions dont ils seront les bénéficiaires, comme de privatiser Hydro-Québec, par exemple.
On comprend donc à quel point les deux études parues depuis 10 jours dans La Presse, celle du Conference Board que je commentais au début de la semaine dernière et celle des derniers jours que je viens tout juste de commenter ne sont que de la poudre aux yeux politique pour empêcher les Québécois de prendre leur destin en main et de devenir maîtres chez eux.
Nos problèmes sont dérisoires, et ceux des Américains sont énormes, comme ils sont en train d’en prendre conscience (voir « The day the dollar died » et « Melt-up » en gardant à l’esprit que ces vidéos reflètent un pont de vue conservateur, c'est-à-dire que les faits sont bons, mais que les prescriptions sont nulles). Et à en croire Sheila Bair (voir plus haut), ils vont encore empirer, au point qu’une crise comme celle qui vient de frapper l’Irlande pourrait frapper les États-Unis dans un avenir prochain s’ils ne procèdent pas à une remise en ordre rapide et radicale de leurs finances publiques qui devra comporter à la fois des coupures draconniennes de dépenses et de fortes hausses d’impôt.
On croit rêver !
Sheila Bair est une figure de haut rang dans l’administration américaine. Il ne s’agit donc plus des prévisions pessimistes de Cassandre(s) en mal de sensations fortes. Et elle évoque carrément le spectre d’une perte de confiance des investisseurs mondiaux dans les titres de dette américains, une possibilité qui aurait paru complètement farfelue il y a encore un an.
C’est donc dans un environnement économique en pleine mutation que le Québec va devoir faire ses choix dans les cinq prochaines années, et les événements sont en train de nous montrer non seulement que notre situation n’est pas aussi désespérée que certains voudraient nous le faire croire, mais que nous aurons le luxe de faire des choix qui seront inaccessibles à d’autres du fait de la gravité de la situation dans laquelle ils se trouvent.
Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, les hausses d’impôt importantes ailleurs, et notamment aux États-Unis, vont rendre le Québec plus concurrentiel sur le plan fiscal, sans qu’il ait à sacrifier les protections sociales qui le distinguent. Et les hausses d’impôt ailleurs vont lui permettre de hausser aussi les siens, non pas dans une perspective de gaspillage, mais dans la perspective d’une plus grande équité sociale. La fierté n’est pas que politique et culturelle. Elle ne prend véritablement son sens que si elle est aussi économique et sociale.
Dans un contexte où l’on s’interroge sur la question de savoir si les concepts de « gauche » et de « droite » sont encore d’actualité, il existe une issue. Par le haut, en privilégiant la justice et l’équité.
***
NOTES
(1) http://www.vigile.net/A-gauche-toute ;
_ http://www.vigile.net/L-ete-de-tous-les-dangers ;
_ http://www.vigile.net/Obama-La-desillusion ;
_ http://www.vigile.net/Le-capitalisme-en-capilotade ;
_ http://www.vigile.net/La-chute-libre ;
_ http://www.vigile.net/La-deroute-de-l-Oncle-Sam ;
_ http://www.vigile.net/Le-revenu-des-New-Yorkais
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