Pour se faire une tête sur la question de la laïcité en prévision du dépôt du projet de loi de la CAQ, Québec Solidaire a organisé une séance d’information à Trois-Rivières. Le principal invité était Charles Taylor, auteur du rapport qu’il a co-signé avec Gérard Bouchard et qui a accouché du supposé « compromis Bouchard-Taylor » prônant l'interdiction des signes religieux chez les fonctionnaires en position de coercition. Le choix d’inviter Taylor n’est pas anodin.
Charles Taylor et la petite politique
En fait, Charles Taylor a renié son appui à ce « compromis » en se rangeant du côté de ceux qui s'opposent à l'interdiction du port de signes religieux. À l’époque de ce revirement, il avait reconnu sur les ondes de Radio-Canada qu’il reniait la principale recommandation de son rapport pour venir en aide à un Philippe Couillard, qui avait peine à se sortir de la situation où l’avait coincé l’entente entre les trois partis d’opposition sur l’interdiction du port des signes religieux pour les juges, les policiers et les gardiens de prison.
Dans l’édition du 15 février 2016 du Journal de Montréal, Fatima Houda-Pépin affirmait que Charles Taylor était prêt à renier sa signature sur le rapport de la Commission Bouchard-Taylor lorsqu’elle a été expulsée du caucus libéral le 20 janvier 2014. Il attendait une meilleure occasion.
Rappels
Cette sortie de Taylor contre la laïcité et le Québec n’était évidemment pas la première. Rappelons-nous que dès que le Journal de Montréal a révélé les intentions gouvernementales à propos de la Charte des valeurs québécoises, il répandait son fiel contre le Québec sur les ondes de Radio-Canada. Au cours de la même journée, il avait fait la tournée de toutes les émissions d’affaires publiques de la société d’État canadienne.
« Poutinesque. » C’est ainsi que Taylor a qualifié les intentions supposées du gouvernement péquiste. Le qualificatif a été repris un peu partout. Il a même coiffé, à l’époque, le titre de l’éditorial du Globe and Mail sur le sujet. L’appellation était habile. Elle ramassait en un mot, pour les associer, les politiques homophobes du président russe et ce qui définit, aux yeux de plusieurs anglophones, la culture culinaire québécoise. Les « pepsi », on le sait, sont devenus des « poutine ».
Le très catholique Charles Taylor, récipiendaire du « Nobel » de la riche fondation américaine John Templeton, bien connue pour subventionner ceux qui sont gentils avec les religions, n’est pas à ses premières déglutitions contre le peuple québécois.
À la Commission Bouchard-Taylor, il avait joué les éminences grises, en restant dans l’ombre de Bouchard. Mais là, il ne peut plus, de toute évidence, se contenir.
Dans Le Devoir du 22 août 2013, l’éditorialiste Antoine Robitaille rappelle qu’en 1991, « quelques jours seulement après que le gouvernement l’eut nommé au Conseil de la langue française, il avait déclaré à The Gazette que les dispositions de la loi 101 sur l’affichage étaient ‘‘ le produit d’une névrose collective’’, avant d’ajouter : ‘‘ Je suis dégoûté qu’elles n’aient pas fait l’objet de débats rationnels ».
Dans son livre Ce pays comme un enfant, Serge Cantin rappelle que, peu avant le référendum de 1995, le réseau FM de Radio-Canada avait proposé un débat sur le nationalisme réunissant Georges Leroux, Jean Larose, Jean-François Nadeau, Antoine Robitaille, Charles Taylor et Fernand Dumont.
«Les cinq interlocuteurs de Taylor, écrit Cantin, n’en revenaient pas de la virulence de sa diatribe antinationaliste. À tel point que Fernand Dumont […] après avoir signalé aux animateurs du débat sa “ difficulté ” face au discours de son collègue de McGill est venu bien près de “ quitter ” […] Ce n’était pas drôle, ajoute Cantin, non vraiment pas drôle, d’entendre ce superphilosophe, cette sommité internationale (Taylor est considéré comme l’un des plus grands philosophes politiques contemporains), cet apôtre du dialogue interculturel, celui qui s’est donné pour mission de “ rapprocher les solitudes ”, de l’entendre donc proférer les accusations les moins fondées, les plus grossières, celle-ci par exemple : “ le discours des extrémistes nationalistes pénètre le Parti québécois de fond en comble ”; ou cette autre : “ le Québec est le grand responsable de l’échec de Meech !»
Dans Québec, 18 septembre 2001, Claude Bariteau donne un autre exemple de l’état d’esprit de Charles Taylor. Dans un échange entre intellectuels dans un restaurant, en 1993, à la suite d’une conférence que Taylor venait de prononcer à l’Université Laval, Bariteau relate que, «interrogé sur la façon d’aborder le mouvement sécessionniste, le conférencier (Taylor) signale qu’il faut d’abord considérer les promoteurs de ce mouvement comme des ennemis».
Nous ne finissons pas d’en avoir des preuves! Combien en vaudra-t-il pour que QS s’en aperçoive?!