Pornhub est l'un des sites de vidéos pornographiques les plus visités au monde, mais cette forte fréquentation ne suffit plus à convaincre les grandes marques d’y faire de la publicité, craignant d’être associées à des contenus à la légalité douteuse.
Le groupe, basé physiquement à Montréal au Canada et fiscalement au Luxembourg, et qui s’est fixé pour but de banaliser le porno, a profité d’une plus grande tolérance pour la pornographie pour attirer les annonceurs.
Mais ce capital de confiance semble s’éroder à la suite de révélations dans le journal britannique The Sunday Times, qui affirme avoir trouvé sur la plateforme des contenus illégaux, dont des vidéos de pédo-pornographie.
Environ 47 cas de contenus sexuels impliquant des enfants ont été trouvés sur Pornhub depuis janvier 2019 par l’ONG britannique Internet Watch Foundation. En deux ans, les vidéos pédo-pornographiques ont explosé de 62% sur la plateforme, selon l’IWF, qui a alerté le site pour faire retirer ces contenus.
Ces révélations ont incité de grands groupes, qui surfaient sur la vague du «porno cool», à prendre leurs distances.
Les groupes agroalimentaires Unilever et Kraft Heinz, aux marques emblématiques, qui avaient acheté des espaces publicitaires sur Pornhub cette année, ont eu peur de se trouver éclaboussés par un scandale.
« Nous allons nous assurer qu’aucune de nos marques ne diffusera encore un spot publicitaire sur Pornhub ou sur un quelconque site porno », a déclaré à l’AFP une porte-parole d’Unilever.
Kraft Heinz avait joué sur la notion de « food porn », un phénomène consistant à publier des photos de nourriture sur les réseaux sociaux, pour promouvoir Devour, sa marque américaine de produits congelés sur Pornhub.
« La marque parlait explicitement de la "food porn", qui était devenue un phénomène culturel sur Instagram », a défendu une porte-parole.
Impossible à réguler
S’il n’est pas interdit ou illégal de diffuser des pubs sur des sites porno, de nombreuses entreprises ne souhaitent pas voir leurs produits, notamment ceux destinés au grand public, être associés à des contenus équivoques.
Les entreprises s’interrogent aussi sur le contrôle des contenus sexuels mis librement en ligne par des internautes, qui pourraient violer les nouvelles lois américaines FOSTA/SESTA visant à fermer les sites internet facilitant la prostitution et le trafic sexuel.
L'une des activités de Pornhub qui alarment le plus les entreprises est celle des « chaînes » privées, appartenant à des actrices ou acteurs, le « Model program ».
PayPal, le groupe de services de paiements financiers américain, a décidé la semaine dernière de ne plus servir d’intermédiaire pour payer ces acteurs, qui produisent différents contenus sexuels payants.
L’entreprise juge impossible de s’assurer qu’ils sont majeurs ou qu’ils ne sont pas victimes de trafic d’êtres humains ou de réseaux de proxénétisme, ont indiqué à l’AFP des sources proches du dossier.
« Il est impossible de réguler les contenus mis en ligne » dans le cadre du Model program, a dit l'une des sources sous couvert d’anonymat.
Contactées par l’AFP, les grandes banques américaines ont pour la plupart fait savoir qu’elles n’entendaient pas remplacer PayPal malgré les 33,5 milliards de visites revendiquées par Pornhub en 2018, d’une durée moyenne chacune de 10 minutes et 13 secondes, en majorité par des hommes.
« Il est vraiment difficile de faire la différence entre le porno légal et le porno illégal, et pour une banque comme la nôtre qui est très régulée, on ne peut pas se permettre de ne pas contrôler régulièrement les mouvements d’argent », indique une banque.
« Il y a trop de risques », dit une autre.
Fantasmes
« Les groupes anti-porno aiment répéter que la plupart des travailleurs du sexe sont victimes de réseaux. C’est un mythe », lance Corey Price, vice-président de Pornhub, ajoutant néanmoins que la plateforme travaille avec les autorités « pour surveiller et signaler toute activité illégale ».
Il affirme que tous les acteurs et actrices de son Model program, qui recense plus de 100 000 personnes, ont au moins 18 ans.
« Nous leur demandons de tenir une photo, avec un signe arborant leur nom d’utilisateur près de leur visage, et nous n’acceptons leur candidature qu’après qu’ils ont soumis, pour vérification, une pièce d’identité gouvernementale avec une photo montrant qu’ils ont 18 ans et plus », explique t-il.
Mais, « concernant l’âge, il est encore plus difficile de vérifier du côté des cam-girls que du côté des vidéos gratuites », notamment aux États-Unis où il est facile d’obtenir une fausse carte d’identité, juge Laureen Ortiz, journaliste et auteure d’un livre sur cette industrie, Porn Valley.
« Les réseaux de prostitution de par le monde peuvent s’y engouffrer sans souci », ajoute-elle.