Le président du conseil d’administration d’Hydro-Québec, Michael Penner, a muselé le président-directeur général de la société d’État, Éric Martel, a appris notre Bureau d’enquête.
À deux reprises hier, le ministre des Ressources naturelles, Pierre Moreau, avait pourtant assuré que le gouvernement n’avait pas interdit à M. Martel de prendre la parole publiquement.
« M. Martel est un homme libre. Il n’a pas besoin de me demander la permission pour faire quoi que ce soit, ni au président du C.A.», a d’abord affirmé M. Moreau sur les ondes du 98,5 FM.
Il a plus tard répété ses propos sur les réseaux sociaux.
« Je démens formellement que quiconque au gouvernement aurait émis des directives pour empêcher le pdg d’Hydro-Québec de s’exprimer. Nous ne l’avons jamais fait et nous ne le ferons jamais. »
Entre ces deux interventions, une source proche du dossier, qui a requis l’anonymat, a pourtant assuré à notre Bureau d’enquête que M. Penner avait bel et bien sanctionné M. Martel, en raison de son opposition au projet éolien Apuiat, sur la Côte-Nord.
« M. Martel s’est fait interdire toute entrevue à ce sujet », nous a-t-on indiqué.
Tensions
La tension monte chaque jour, depuis la publication par notre Bureau d’enquête, mercredi dernier, d’une lettre de M. Martel où il soulève des doutes sur la rentabilité du projet Apuiat, auquel la Nation innue est associée.
Le patron d’Hydro-Québec le jugeait « difficilement recommandable », bien qu’il soit appuyé par le gouvernement.
M. Martel constatait aussi que rien ne permettait de croire que les Innus allaient recevoir leur juste part des profits.
Samedi, M. Moreau avait assuré que les négociations entre Hydro-Québec et la Nation innue allaient reprendre lundi.
Hier, son cabinet a cependant indiqué que la reprise des pourparlers était désormais prévue mercredi. L’attachée de presse de M. Moreau s’est limitée à dire que ce changement est survenu « parce que les parties se parlent, et ils ont convenu depuis de se rencontrer mercredi ».
La Nation innue a également « reçu la confirmation » de ce changement dans les plans annoncés par M. Moreau.
Un porte-parole d’Hydro-Québec, Serge Abergel, a décliné une demande d’entrevue.
LE PROJET EN BREF
♦ Coût : 600 à 700 millions $
♦ Emplois: 300 à 400 pour la construction
10 à 15 pour l’opération
♦ Pertes estimées pour Hydro-Québec : 1,5 à 2 milliards $ sur 25 ans
♦ Nombre d’éoliennes : 57 sur 113 km2
♦ Année d’ouverture prévue : 2022
- Lieu : territoire de Port-Cartier
- Promoteurs : Boralex, Nation innue et Société renouvelable Canada
♦ Puissance installée : 200 mégawatts capable d’alimenter environ 28 000 maisons
Sources : site web d’Apuiat et Hydro-Québec
LES INNUS ASSURENT QU’ILS FERONT DES PROFITS
La nation innue assure qu’elle pourrait recevoir plus de 50 % des profits d’un projet éolien sur la Côte-Nord.
Les Innus ont publié un communiqué hier pour répondre aux doutes soulevés la semaine dernière par le président-directeur général d’Hydro-Québec, Éric Martel.
« Les Innus sont fiers des ententes qu’ils ont conclues avec leur partenaire qui leur assure même au-delà de 50 pour cent des bénéfices du projet », assurent-ils.
La semaine dernière, M. Martel avait soutenu, dans une lettre obtenue par notre Bureau d’enquête, que rien ne permettait de croire à un partage équitable des profits entre les Innus et l’entreprise Boralex.
Le PDG se plaignait également d’un manque d’information sur les retombées pour la nation innue, ce qu’elle a réfuté hier dans son communiqué.
« Toute la documentation à ce propos a été transmise à Hydro-Québec pour évaluer les aspects commerciaux du contrat d’achat d’électricité », indiquent les Innus.
Ils contestent également l’analyse de M. Martel, qui annonçait des pertes de 1,5 à 2 milliards $ si le contrat d’achat d’électricité était imposé tel quel à Hydro-Québec.
« La soi-disant perte de 1,5 milliard $ demeure inexpliquée par Hydro-Québec. Nous travaillons à faire de ce projet un projet économique et sans impact sur la facture des consommateurs. »
Le conseil d’administration de la société d’État s’est réuni hier. Dans un communiqué, son président, Michael Penner, plaide pour un « dialogue ouvert » avec la nation innue.
Au Vermont, le premier ministre du Québec Philippe Couillard n’a pas donné de directives sur l’approbation du projet Apuiat par les administrateurs :
« Je ne demande rien au C.A., ils feront leur travail », a répondu hier du Vermont Philippe Couillard.