Un grand ménage du printemps est en préparation dans le réseau diplomatique québécois.
Les représentants du Québec à l’étranger devront à l’avenir acquérir une meilleure formation, faire preuve d’un niveau de professionnalisme plus élevé et, surtout, être nommés pour leur savoir-faire et non leur affiliation politique.
C’est ce qui ressort, en substance, d’un document de travail produit par le ministère des Relations internationales (MRI) et dont La Presse canadienne a obtenu copie, dimanche.
Le document en question constitue l’ébauche d’une réforme en profondeur à venir en ce qui a trait à la sélection et à la formation des futurs diplomates québécois.
En parallèle, les chefs de poste actuellement en fonction feront l’objet d’une évaluation professionnelle, commandée par la ministre Nadine Girault.
Dans ce document, le gouvernement Legault indique clairement sa volonté de rehausser la qualité du corps diplomatique québécois et d’en faire autre chose qu’un outil de récompenses politiques.
Suivre la règle
En politisant à outrance son corps diplomatique, le Québec serait l’exception plutôt que la règle, si on compare ses pratiques à celles ayant cours en Europe et ailleurs en Amérique du Nord, peut-on lire dans le document qui circule au MRI.
De surcroît, les nominations politiques à l’étranger entraînent des rapatriements coûteux lors d’un changement de gouvernement, sans compter qu’elles nuisent à la crédibilité des personnes en cause, note-t-on.
Dans certains cas, au cours des dernières années, on a offert des postes prestigieux à l’étranger à des personnes n’ayant aucune expérience des relations internationales.
Des délégués ont donc dû apprendre sur le tas le délicat métier de diplomate. La réforme à venir viendra corriger cette anomalie, promet-on.
Le premier ministre, François Legault, a annoncé dernièrement sa volonté de présenter au printemps une « mise à jour » de la politique internationale élaborée par l’ancien gouvernement libéral, pour lui donner un accent beaucoup plus économique. La réforme du processus de nomination et de formation des chefs de poste constituera un volet de cette nouvelle politique internationale.
On apprend dans le document de travail que le but du gouvernement consiste à réduire au minimum les nominations politiques à l’étranger.
Du jamais vu : la plupart des postes à l’étranger (chefs de poste de délégation, responsables d’un bureau ou d’une antenne) seraient réservés aux fonctionnaires faisant partie des « conseillers en affaires internationales » et aux cadres employés par le gouvernement.
Seuls les chefs de poste des huit délégations générales — Paris, New York, Londres, Bruxelles, Mexico, Munich, Tokyo et Dakar — continueront d’être choisis directement par le gouvernement, parce que leurs fonctions « commandent souvent une sensibilité politique élevée ».
Les candidats devront cependant démontrer des « dispositions favorables aux lieux particuliers de leurs affectations ».
La délégation générale (on n’en compte qu’une seule par pays) se situe au sommet de la hiérarchie des représentations du Québec à l’étranger.
Le rayonnement du Québec à l’étranger est actuellement assuré par un réseau de 31 représentations installées dans 18 pays.
Un institut de diplomatie ?
La plupart des États ont une école spécialisée où on enseigne le métier de diplomate, mais pas le Québec.
Le gouvernement Legault songe à remédier à la situation en créant un institut de formation des diplomates.
« La complexité des relations internationales et, en particulier, des relations commerciales, ainsi que les objectifs ambitieux du gouvernement, exigent de porter le degré de préparation des représentants du Québec à un niveau supérieur », observe le MRI.
Le projet de réforme insiste aussi sur l’importance d’offrir une formation continue aux chefs de poste en fonction.
Dorénavant, on s’assurera que toute personne ayant le privilège de représenter le Québec à l’étranger a le bagage requis pour s’acquitter de ses fonctions avec efficacité : compétences linguistiques, sensibilité interculturelle, compréhension « affûtée » des enjeux technologiques, expérience à l’international, intérêt marqué pour l’économie politique, etc.
Compte tenu de la prospection d’investisseurs étrangers qui sera au coeur de la future politique, « la maîtrise des questions commerciales et des accords économiques ferait partie intégrante du cursus » des futurs diplomates québécois.
Le cabinet de la ministre Girault s’est refusé à tout commentaire sur ce document de travail, dimanche.