Les interrogatoires de l’ex-entrepreneur Lino Zambito et d’autres témoins n’ont pas permis mercredi aux avocats de l’ex-ministre et organisateur libéral Marc-Yvan Côté d’établir l’identité des auteurs de fuites médiatiques liées à son dossier. Or l’exercice se poursuit jeudi avec le député Guy Ouellette à la barre.
La défense voulait surtout interroger M. Zambito sur les révélations contenues dans son livre Le témoin. L’ex-entrepreneur y laissait entendre que la source des reportages de Radio-Canada pourrait être l’ancien procureur en chef du Bureau de lutte contre la corruption et la malversation, Sylvain Lépine.
Ce dernier, écrivait-il, avait été approché par la Coalition avenir Québec (CAQ) pour se présenter aux élections de 2012. Une affirmation complètement démentie par les témoins Denis Dolbec et M. Lépine, qui siège lui-même aujourd’hui comme juge.
Rappelons que Me Jacques Larochelle réclame un arrêt des procédures dans le procès de Nathalie Normandeau, Marc-Yvan Côté, Bruno Lortie, François Roussy, France Michaud et Mario Martel pour divers chefs de complot, de corruption de fonctionnaires et d’abus de confiance.
Selon lui, « un système de fuites orchestrées minutieusement pour déstabiliser le gouvernement et le Parti libéral » nuit aux droits des six coaccusés d’avoir un procès juste et équitable.
Après avoir réglé le dossier du juge Lépine, on s’est penché sur celui de l’enquêteur Mathieu Venne de l’Unité permanente anticorruption (UPAC), qui dirigeait l’enquête Joug sur la firme Roche et Marc-Yvan Côté.
M. Venne a raconté que les courriels dévoilés dans les reportages de l’émission Enquêtesur Sam Hamad, M. Côté et l’entreprise Premier Tech se trouvaient tous à une exception près dans un CD qu’il avait transmis à un collègue.
Victimes et boucs émissaires
Tout en niant avoir lui-même transmis son contenu aux médias, M. Venne a souligné à quel point les fuites médiatiques l’avaient choqué. Il a aussi raconté qu’il n’était « pas prêt » lorsque la décision a été prise d’arrêter Mme Normandeau et les autres en 2016. « Il nous restait des compléments d’enquête », a-t-il dit.
Il a enfin soutenu que les accusés subissaient à ses yeux un « procès public » injuste. Lorsqu’on lui a demandé de dire s’il les qualifierait de « victimes », il a rétorqué qu’on pouvait « traduire ça de cette façon-là ».
Plus tôt, M. Zambito s’était, lui aussi, porté à la défense des accusés, en particulier de l’ex-ministre Nathalie Normandeau. « Je refuse que l’on condamne deux, trois personnes pour faire un show et montrer que l’ouvrage se fait quand les responsables de tout ça ne sont pas amenés devant la justice. » Sans pouvoir le prouver, il a avancé que Mme Normandeau avait servi de « bouc émissaire » pour assurer le maintien en poste du patron de l’Unité permanente anticorruption (UPAC), Robert Lafrenière.
Et d’ajouter que le député Guy Ouellette lui avait confié qu’avant l’arrestation de Mme Normandeau, le procureur Denis Gallant était sur « la short list » du ministre Martin Coiteux pour remplacer M. Lafrenière. Après cela, « l’entourage de M. Couillard a imposé Lafrenière », a dit M. Zambito.
Le sujet a alors rebondi à l’Assemblée nationale, où le ministre Coiteux a dit qu’un comité lui avait en effet soumis « trois candidatures valables » à l’époque et que le gouvernement « avait fait son choix ». Il n’a toutefois pas confirmé que M. Gallant faisait partie des candidats.
Guy Ouellette attendu
On en saura davantage sur l’UPAC jeudi alors que la supérieure de l’enquêteur Venne, Geneviève Leclerc, sera appelée à la barre, tout comme le policier chargé d’enquêter spécifiquement sur les fuites, Michel Comeau.
La défense se penchera ensuite sur un autre groupe de personnes soupçonnées d’avoir transmis des éléments de preuve aux médias, soit le député Guy Ouellette et ses deux présumés complices, le policier Stéphane Bonhomme de la SQ et Richard Despaties, un retraité de l’organisation.
Le juge André Perreault a également demandé à Christian Leblanc, l’avocat des journalistes Marie-Maude Denis et Louis Lacroix d’être présent en après-midi.
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