L'utilité de réformer le régime de pensions de vieillesse (sécurité de la vieillesse et supplément de revenu garanti) du gouvernement canadien a fait couler beaucoup d'encre au cours des derniers jours. Un rapport actuariel du gouvernement prévoit en effet que les dépenses annuelles en prestations passeront de 41 milliards en 2012 à 108 milliards en 2030, soit une augmentation de 163%.
Cette augmentation doit toutefois être mise en perspective. Ces statistiques sont tout d'abord exprimées en dollars nominaux. Corriger pour l'effet de l'inflation ramène l'augmentation à 73 milliards de dollars constants de 2012 (soit une hausse réelle de 78%). Il y a aussi lieu de tenir compte de la croissance prévisible de l'économie canadienne d'ici 2030 pour évaluer la capacité future de financer ces prestations. Le rapport actuariel prévoit une augmentation de 34 % du PIB réel d'ici 2030. Ainsi, la part des pensions de vieillesse dans le PIB canadien n'augmenterait donc que de 2,4% en 2012 à 3,1% en 2030.
Cette augmentation peut néanmoins être considérée comme préoccupante étant donné l'incertitude entourant la croissance de l'économie canadienne et des autres dépenses publiques sur une aussi longue période.
Une proposition de réforme qui circule depuis quelques jours est d'augmenter de 65 à 67 ans l'âge auquel les citoyens deviennent admissibles à ces prestations. L'impact d'un tel changement sur les finances publiques canadiennes et québécoises peut être estimé à l'aide d'un modèle développé à l'Université Laval. Ce modèle prévoit l'évolution des caractéristiques démographiques et économiques de la population québécoise entre 2010 et 2030. Bien que le modèle ne repose présentement que sur des données québécoises, les résultats peuvent être raisonnablement généralisés au restant du Canada.
Une augmentation dès 2010 de l'âge minimum d'admissibilité aurait fait chuter en 2012 le montant total des pensions de la vieillesse de 9,2% (une baisse de 3,78 milliards de dollars). Instaurée d'ici 2018, une telle politique ferait chuter de 17,5% (9,46 milliards de $ de 2012) le montant des pensions de vieillesse en 2020, et de 11,5% (8,39 milliards de $ de 2012) leur niveau de 2030.
Ainsi, au lieu de croître en proportion du PIB de 2,4% en 2012 à 3,1% en 2030, les pensions de vieillesse ne représenteraient donc que 2,7% du PIB en 2030 à la suite d'une telle réforme. La réforme limiterait donc, sans toutefois l'arrêter, la croissance du niveau des prestations fédérales.
Il a aussi été noté au cours des derniers jours que cette mesure pourrait avoir un impact négatif sur les finances du gouvernement du Québec. En effet, ne pouvant plus toucher de pensions fédérales de vieillesse, une partie de la population de 65 à 67 ans deviendrait prestataire du régime provincial d'assistance-emploi (aussi connu comme aide sociale). Cette réforme aurait fait augmenter de 70 millions $ les prestations d'aide sociale en 2012, et ferait augmenter de 60 millions $ et de 50 millions$ celles de 2020 et de 2030 (en dollars constants de 2012).
Il est important de noter que ces estimés sont obtenus en supposant que les comportements de travail et d'épargne des Canadiens ne seraient pas affectés par cette réforme. Il est probable qu'un certain nombre de travailleurs travailleraient plus longtemps et épargneraient davantage pour compenser les effets d'une telle réforme sur leur revenu; d'autres pourraient toutefois subir une baisse importante de leur niveau de vie, ce qui pourrait les amener en situation de pauvreté. Il y a ainsi lieu de procéder avec prudence à toute réforme éventuelle du régime de sécurité de la vieillesse.
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Nicholas-James Clavet, Jean-Yves Duclos, Bernard Fortin et Steeve Marchand
Les auteurs sont professeurs (MM. Duclos et Fortin) et chercheurs (MM. Clavet et Marchand) au département d'économique de l'Université Laval.
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