Des cols blancs boboisés qui prêchent le dogme décroissant du « vivre autrement » en allant faire leurs courses sans gluten chez « Bio c Bon », tout en pianotant frénétiquement sur leur dernier Iphone fabriqué en Chine aux militants anarcho-écolos qui profitent de toutes les luttes altermondialistes pour balancer des cocktails Molotov sur les forces de police, tout ce petit monde se reconnaîtra dans le nouveau film de Eric Judor : Problemos.
Les indignés ridicules
Le binôme de Ramzy Bédia, qui nous avait pourtant habitués à des comédies lourdaudes, où il interprétait toujours un peu le même rôle d’idiot utile, signe une petite satire bien réjouissante sur les dérives liberticides de l’utopie libertaire. Le pitch : Jeanne et Victor, un couple quadra typiquement représentatif de la classe moyenne mondialisée, décide de rentre visite à leur ami Jean-Paul, un néo-hippie qui consacre son été à lutter pour la protection d’un site naturel au sein d’une communauté de zadistes. A peine arrivés et voilà que les problèmes commencent. Portables et tablettes sont confisqués, il ne faut pas troubler la belle harmonie avec mère Nature et tant pis pour les hurlements stridents de la gamine du couple qui ne peut pas se passer de son doudou high-tech. Et les problèmes, c’est un peu comme le papier toilette : plus on tire et plus il y en a ! Jeanne, Victor et leur gamine se retrouvent ainsi contraints de vivre en autarcie dans la Zad à cause d’une pandémie qui a décimé tout le reste du pays.
L’autogestion avec des dreadlocks
Avec une ironie bienveillante, Judor s’amuse à pointer les absurdités de notre époque. De la thérapie de groupe féministo-écolo sur le contrôle du flux menstruel à « l’enfant » qui n’a pas de nom pour ne pas l’enfermer dans une identité sexuelle en passant par nos amis les bêtes aux droits égaux voire supérieurs aux hommes, Judor dégomme les travers les plus ridicules de l’idéologie. Et il ne s’arrête pas là. Le film atteint réellement sa dimension critique lorsque l’humoriste s’attaque au principe de l’autogestion défendu jusqu’au bout de leur dreadlocks par les indignés assis de Nuit debout. Pour Judor, l’autogestion est une utopie. Et comme toute utopie qui prétend vouloir établir le paradis sur terre au centre duquel trônera l’homme nouveau, on aboutit à la situation inverse. Le réel finit par s’en mêler et tel un grain de sable qui fait dérailler une machine bien huilée, il sème la zizanie et change la donne.
Écolo-dictature
Dans le film de Judor, le réel c’est la pandémie. Pour y faire face, la communauté libertaire s’autoproclamant solidaire, tolérante et pacifiste, se renverse en une dictature autoritaire qui pratique l’ostracisme et le vandalisme. Ainsi, elle met en quarantaine celui qui est soupçonnée d’avoir été contaminé. Elle brûle sa cabane construite avec tout le confort moderne pourtant très appréciée par les membres de la communauté, devenus des vrais assistés, la réussite individuelle étant jugée trop discriminante pour être tolérée. Mais le plus drôle c’est qu’in fine, la communauté retrouve un semblant d’ordre en réhabilitant le droit à la propriété privée condamnée jusqu’alors.
Et ce n’est pas un hasard si le titre résonne comme Podemos, ce néo-populisme de gauche, issu des Indignados espagnols qui, après son entrée fracassante aux élections européennes, connaît aujourd’hui des lendemains qui déchantent entre divisions internes et élections décevantes. Car Judor assène un dernier coup de canif qui finit de décrédibiliser la figure de l’indigné anticapitaliste. Entre le chant révolutionnaire espagnol et la militante topless, clone navrant des Femen, le rebellocrate décroissant, en important les attributs étrangers de la rébellion, ne fait qu’adopter une pratique mondialiste qu’il condamne. À défaut du bon sens n’est-ce pas la tartufferie qui est la chose au monde la plus répandue ?
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