Joël-Denis Bellavance et Gilles Toupin - L'ancien gouvernement libéral a donné le mandat au chef d'état-major des Forces armées canadiennes, Rick Hillier, de conclure la controversée entente sur le transfert des prisonniers talibans aux autorités afghanes en décembre 2005.
Le quotidien torontois The Globe and Mail affirmait hier que le général Hillier a agi de son propre chef lorsqu'il s'est rendu à Kaboul en décembre 2005 pour signer avec le ministre afghan de la Défense, Abdul Raheem Wardak, le protocole de transfert de prisonniers.
Ce protocole, décrié aujourd'hui par tous les partis de l'opposition à la Chambre des communes, ne garantissait aucun suivi direct du sort des prisonniers par les Forces armées canadiennes.
Or, des documents ministériels obtenus par La Presse démontrent en effet que l'ancien ministre de la Défense, Bill Graham, a donné l'autorisation au général Hillier, le 27 mai 2005, de négocier un protocole de transfert des prisonniers avec le gouvernement afghan. Le même jour, M. Graham envoyait des lettres informant le ministre des Affaires étrangères de l'époque, Pierre Pettigrew, et l'ancien premier ministre, Paul Martin, de cette initiative et des grandes lignes du projet d'accord. Le premier ministre Martin approuvait formellement cette démarche le 10 juin 2005, selon les documents officiels, même si rien dans le projet d'accord ne prévoyait une quelconque forme de surveillance afin d'empêcher que les prisonniers remis aux Afghans ne soient torturés.
Quelques semaines plus tard, dans un autre document du ministère de la Défense, soit le 28 juillet 2005, le ministre Graham autorisait de sa signature le chef d'état-major Hillier d'aller de l'avant avec l'arrangement négocié avec le gouvernement de l'Afghanistan.
«L'intention de ces arrangements est de s'assurer que les prisonniers transférés par les Forces canadiennes soient traités selon les dispositions de la troisième convention de Genève, indépendamment du statut légal de ces prisonniers», précise la lettre adressée le 27 mai 2005 par Bill Graham au premier ministre Martin et à son chef de la diplomatie, Pierre Pettigrew.
«Le Canada ne possède pas la capacité de détenir longtemps les prisonniers ou de les prendre en charge en Afghanistan même ou en haute mer, peut-on lire dans la même missive. À moins qu'ils ne soient relâchés, les détenus continueront d'être transférés aux autorités afghanes ou aux autorités américaines, selon les évaluations de sécurité qui en seront faites.»
Hier aux Communes, les partis de l'opposition ont demandé au gouvernement conservateur de Stephen Harper, sur la foi d'un article paru la journée même dans le quotidien The Globe and Mail, d'expliquer comment il a été possible que le général Hillier ait pu négocier et signer le protocole de transfert avec le ministre afghan de la Défense sans que le ministère des Affaires étrangères du Canada n'ait été consulté. De passage à Kandahar, hier, le général Hillier a aussi nié avoir agi sans l'autorisation du gouvernement Martin.
«On apprend ce matin que le général Rick Hillier a agi de son propre chef en concluant une entente sur le transfert des prisonniers aux autorités afghanes. Sans consulter le ministre des Affaires étrangères, M. Hillier a donc conclu une entente n'impliquant pas l'OTAN et ne respectant pas la convention de Genève. Comment le premier ministre peut-il maintenir une entente sur un sujet aussi grave que le transfert des prisonniers ?», a demandé le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe.
Le chef du NPD, Jack Layton, a quant à lui demandé si le général Hillier avait «carte blanche» de signer des ententes qui pourraient violer des conventions internationales. La réponse du premier ministre a été cinglante. «Le général Hillier a raison. Le Globe and Mail a tort.»
Depuis des jours, l'opposition demande la démission du ministre de la Défense, Gordon O'Connor. Elle l'accuse de multiplier les propos contradictoires et d'être responsable de la politique de transfert des prisonniers afghans.
Rendant visite aux troupes canadiennes en Afghanistan, le général Hillier a pour sa part affirmé que les soldats canadiens sont «en colère» de voir que les élus à Ottawa accordent autant d'importance aux allégations de torture. «Permettez-moi d'être très franc. J'ai rencontré plusieurs soldats qui sont fâchés. Ils sont en colère parce que ces allégations détournent l'attention de l'importance de cette mission ici.»
Le chef libéral Stéphane Dion, a réagi en disant ne pas vouloir faire de débat politique avec le commandant des Forces armées canadiennes. Il a dit vouloir faire ce débat avec Stephen Harper dont le gouvernement se comporte de manière «incompétente» dans ce dossier.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé