Ce 7 avril 2014...

Prendre congé

Tribune libre

Certains diront que la souveraineté est une idée morte, presque morte, au Québec. On répondra que les Québécois sont encore souverainistes, que beaucoup le sont. Le pire étant que chacun aura, encore une fois, à la fois tort et raison. Les fédéralistes s’imaginent-ils plus avancés ? Absolument pas : ce qu’on vient de dire à propos de la souveraineté s’applique intégralement à propos du fédéralisme, des fédéralistes.

Le Québec n’a jamais réussi - l’a-t-il même déjà réellement tenté ? – de sortir de la virtualité. Il me semble au contraire qu’il trouve là le cocon où il peut sommeiller, trop heureux de ne pas affronter le réel, éternellement engourdi dans un « entre-deux » confortable où il est possible d’être à la fois province et pays, Canadien et Québécois, victime et héros, en mort et en vie.

Refus de la rupture, refus de l’adhésion. Le statu quo abhorré en paroles, accepté en pratique. Ni fédéraliste, ni souverainiste. Se revendiquer du Québec, incarner le Canada. Le Canada comme repoussoir imaginaire alors qu’il trouve ici, peut-être, sa réalisation idéale.

Nous sommes peut-être le premier peuple de l’histoire à se leurrer lui-même. Toute notre force est là. Préserver notre impuissance, jouir de notre indécision, dans ce brouillard où rien ne se perd et rien ne se créé, où virtualité et réalité se confondent, où n’existent ni gagnants, ni perdants, où le possible se mêle à l’impossible. Premier peuple postmoderne, un exemple pour l’avenir. Peuple béatifique.

Nous offrons le spectacle pathétique de notre impuissance maquillée en sagesse de légende, en audace distinctive, en perspicacité originale, en immobilisme frondeur. Nous avons créé cette situation burlesque où ni fédéralistes, ni souverainistes ne savent plus du tout où tout ceci, cette comédie sans espoir, va nous mener. Tous unis dans l’inaction, nous avons transformé nos politiciens en pantins agités, en bouffons inutiles et, ce faisant, nous pouvons à tout le moins encore entretenir l’illusion de préserver, pour nous-mêmes, les apparences.

Préserver l’illusion de notre existence est notre projet, notre singulière utopie. Faire comme si : telle aurait pu être notre devise. Faire comme si nous vivions la vie normale mais sans l’avoir. Faire semblant. S’imaginer libre. Se croire rempli d’audace. Se voir en résistants. Mais à quoi donc résistons-nous sinon à nous-mêmes ? Chaque jour qui passe nous usurpons davantage la vie de nos ancêtres.

Le Québec a perdu ses forces vives dans une sorte d’inconscience comateuse, d’engourdissement floconneux. Un par un, chacun son tour, chacun de nos messies est sorti de scène éclopé, fatigué, et le spectacle a continué, aussi longtemps qu’il s’en est trouvé un autre, empli d’idéalisme, pour incarner à son tour notre innocence retrouvée, pour un temps, jusqu’à l’inévitable déconfiture.

On a déjà parlé de fatigue, d’ambivalence, de peur. Mais nous sommes probablement désormais au-delà de la fatigue, par-delà l’ambivalence, en deçà de la peur. Nous sommes peut-être passés à autre chose. Comme si de rien n’était nous nous sommes peu à peu absentés de nous-mêmes et il semble que nous soyons prêts à franchir le dernier pas. Se pourrait-il que la simple préservation des apparences devienne maintenant trop difficile, d’un exercice trop délicat ?

A vrai dire, tout ceci n’a désormais plus aucune importance. L’insignifiance guette. Le changement, c’est de changer sans savoir pourquoi l’on change : il faut changer le changement. Et surtout pas d’idée forte : ça fait de la chicane. Les vraies affaires nous attendent. Encore quatre ans qui s’ajouteront à neuf autres, autant dire une éternité, une éternité de néant pendant que nous sifflerons l’air du temps, tous occupés à autre chose.

Vieillir c’est perdre ses illusions. Bien malgré moi, il me restait cette graine d’idéalisme; une certaine idée du Québec, invraisemblablement, restait tout de même pour moi comme un refuge. Mêmes les plus lucides se font prendre au jeu. L’illusion d’un grand peuple, d’une vie pleine et entière, d’une culture à préserver et à enrichir, d’une identité unique, tout ceci pouvait apparaître encore comme ultime rempart à l’insignifiance. Mais je dois dire que je suis de plus en plus tenté, comme le Québec lui-même, de prendre congé.


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    8 avril 2014

    Oui Prendre congé
    J'ai perdu totalement confiance à
    l'intelligence collective de la population
    de 7 millions de Québécois
    Cette population se laisse manipuler si facilement
    Elle se laissera mener à l'abattoir
    Ce peuple dont je croyais faire parti semble abattu, faibles a a remis ses impôts, ses biens collectif et son avenir a ceux qui l'asservissent ( en faite , c'est dirigeant sont aux services de qui ??? Certainement pas du simple citoyen)
    J'ai mal, trop mal pour être en colère
    J'ai mal en plus parce que les indépendantistes s'entre déchirent et nuisent à la cause
    Meme a la lecture de Vigile. Net
    C'est l'individualisme qui domine.
    Autant de manière de gérer le cheminement à l'indépendance que d'auteurs dans la tribune libre
    Chacun convaincu de son quiproquos
    De plus la nouvelle mise en page de ce site web me rend la lecture peu conviviale , l'auto-ajustement ne se fait plus,
    les textes ne se cadrant plus a mon petit écran .
    A bon entendeur
    Mon peuple est mort
    C'était sa dernière chance
    L'immigration et le fédéralisme
    piétineront sa tombe
    pour etre certain qu'il n'en subsistera
    plus un iota .