Je suis devenu président de la nouvelle Société de l'Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB) qui a changé de nom et d'orientation lors de sa dernière assemblée annuelle tenue en octobre dernier. Ce nouveau nom se veut plus inclusif. Les nouveaux arrivants, les Québécois et les autres Canadiens francophones qui viendront vivre chez nous en français, et qui voudront s'inscrire dans la démarche historique d'épanouissement de notre valeureux peuple, seront considérés comme des Acadiens et des Acadiennes comme tels, s'ils le veulent.
Changement d'orientation
Après avoir utilisé la complaisance avec les gouvernements afin d'atteindre l'égalité réelle, la SANB a compris qu'il fallait revenir à plus de militantisme patriotique et politique. Les gouvernements successifs des quinze dernières années ont ébranlé les bases du fondement acadien en éliminant les conseils scolaires sous Frank McKenna, en fermant l'hôpital acadien de Caraquet et en éliminant des services de santé dans la Péninsule acadienne (sous Bernard Lord), et en changeant le statut homogène francophone de la Régie de la santé Beauséjour du Grand Moncton à bilingue (dernièrement sous Graham). On s'attaque aussi au domaine des études postsecondaires.
Mon élection semble donc vouloir marquer ce passage de l'Acadie du Nouveau-Brunswick vers plus de revendications. Notre message sera simplifié, clair et ferme. La SANB redeviendra une grande organisation populaire par l'augmentation de la participation citoyenne. La nouvelle structure est fédérative, réunissant à parts égales dans le conseil d'administration des représentants citoyens et les représentants des 32 organisations homogènes francophones de l'Acadie du Nouveau-Brunswick.
Je suis peut-être le plus autonomiste des leaders acadiens. Je n'ai jamais caché mes sympathies autonomistes pour tous les peuples qui y aspirent, qu'ils soient écossais, gallois, basque, québécois et même acadien du temps du Parti acadien. Mais ce n'est pas à moi, ni à nous comme peuple, de décider jusqu'où les autres peuples peuvent se rendre en matière d'autonomie, et vice-versa. Je ne demande même pas au peuple acadien d'être aussi autonomiste que moi.
Tout ce que je lui demande, c'est d'être aussi autonomiste que nos législations au Nouveau-Brunswick et la Constitution canadienne nous le permettent. Et cette autonomie culturelle passe par ce que l'on appelle la dualité linguistique, qu'une loi sur l'égalité linguistique des deux communautés de 1981 nous permet, et dont les principes sont inscrits dans la Constitution canadienne. La dualité n'est pas qu'une déclaration d'intention, c'est une obligation législative et constitutionnelle, à laquelle les gouvernements successifs essayent de se soustraire.
Nous ne sommes pas des autonomistes séparatistes, mais bel et bien des autonomistes «intégrationnistes». On voudrait être aussi autosuffisante comme communauté que la province elle-même aspire à l'être. On veut rentrer dans les institutions de cette province et de ce pays comme des citoyens à part entière, comme une communauté égalitaire, et non minoritaire. Comme je le disais dans mon discours d'acceptation de la présidence: «Une petite pomme n'est pas moins pomme qu'une grosse pomme. Un petit peuple n'est pas moins peuple qu'un grand peuple.»
On appelle ces dérives linguistiques du gouvernement provincial des tentatives de «rebilinguisation». C'est le prix de la complaisance et du laxisme. Le bilinguisme renvoie à des services individuels dans sa langue. La dualité aspire au contrôle et à la gouvernance communautaire de ces services. On a maintenant la volonté, la capacité et la maturité pour gérer nos propres affaires personnalisables et communautaires.
Parmi ces dérapages linguistiques, il y a cette réforme en santé qui fait actuellement l'objet d'une poursuite judiciaire parrainée par un groupe de citoyens nommé «Santé-égalité en français», que la SANB soutient avec enthousiasme. Cette poursuite est pilotée de main de maître par les deux plus grands juristes linguistiques acadiens, soit Me Michel Bastarache (ancien juge de la Cour Suprême) et Me Michel Doucet. M&M, c'est ce que j'appelle du bonbon juridique. On a tous les éléments pour gagner, dont la décision Montfort, que nos frères et soeurs de l'Ontario ont gagnée en 2001.
Une autre réforme en éducation postsecondaire est calquée sur le même moule. Saurons-nous gagner cette autre bataille à l'amiable?
Malgré tout, l'Acadie du Nouveau-Brunswick a fait d'énormes gains depuis des années. La vitalité culturelle y est performante, et même le Québec le reconnaît en ayant adopté les Marie-Jo Thériault, Jean-François Breau, Roch Voisine, Natasha St-Pierre, Radio Radio, France Daigle et plein d'autres. Le génie entrepreneurial acadien a relevé le défi économique du grand Moncton à la suite de la perte de plus de 5000 emplois du CN à la fin des années 80. La recherche scientifique se fait une niche. Les éditions du «Congrès mondial acadien» sont mémorables, et l'on vous y attend l'été prochain dans la Péninsule acadienne du 7 au 23 août 2009. Mais des défis énormes demeurent: passer de l'égalité formelle à l'égalité réelle; endiguer l'exode de nos jeunes; renforcer l'économie du Nord acadien; attirer plus d'immigrants francophones; l'affichage; la langue de travail, et beaucoup d'autres défis encore.
L'Acadie a aussi besoin du Québec et du Canada français. Des mesures seront prises afin de briser les murs de l'indifférence et d'une certaine ignorance face à nous de la part de cet autre peuple frère francophone d'Amérique que vous êtes. Ensemble, nous devons assurer la pérennité des 3 % de francophones en Amérique. Si l'on tombait linguistiquement au champ d'honneur nord-américain, ne seriez-vous pas les prochains?
En terminant, je tiens à saluer et à remercier Benoît Pelletier, le ministre québécois démissionnaire des Affaires intergouvernementales, qui a été, avec Jean-Pierre Charbonneau, l'un des meilleurs ministres québécois à ce poste pour les Acadiens.
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Jean-Marie Nadeau, Président de la Société de l'Acadie du Nouveau-Brunswick
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